
Désireux de s'assurer une carrière avant de fonder une famille ou incertains de l'avenir dans une région encore pauvre, les Européens de l'Est hésitent à faire des enfants, contrairement à l'époque communiste où la natalité était l'un des rares succès du système.
En 2006, dans la plupart des dix pays postcommunistes de l'UE, le taux de fécondité, c'est-à-dire le nombre hypothétique d'enfants par femme en âge de procréer, n'était que de 1,3.
Economie de marché
Avant la chute du communisme, ce taux était partout proche ou égal au taux de 2,1 qui est nécessaire pour stabiliser la population d'un pays, si l'on excepte l'immigration. La baisse des naissances a d'abord été causée par le passage brutal à l'économie de marché.
"Au début des années 90, il y a une période économique très dure, des bas revenus et un monde qui changeait rapidement", explique à l'AFP Vlada Stankuniene, une des plus éminents démographes de Lituanie. D'un seul coup, les citoyens ont dû commencer à se débrouiller seuls. Auparavant, le manque de liberté était compensé par une forme d'assistanat.
"L'Etat s'occupait de tout, du logement, de l'emploi, de l'éducation, de la santé", souligne Mme Stankuniene. Des institutions comme les crèches ont souvent été les premières victimes de la réduction radicale du rôle de l'Etat. En République tchèque, leur nombre a baissé de 94% en 15 ans, selon l'Association des femmes tchèques.
Individualisme
Peu à peu, le nouveau système a changé aussi les mentalités. "Nous voyons de nouvelles valeurs, plus d'individualisme, un besoin d'accomplissement de soi, un investissement dans la carrière. Cela retarde la fondation d'une famille et la naissance d'enfants", explique Mme Stankuniene. Au moment de la chute du communisme, l'âge moyen du premier bébé pour les femmes était d'environ 23 ans en Europe de l'Est. En Pologne, il était l'an dernier de 25,6 ans.
Incitations financières
Mais, pour Irena Kotowska, une professeure de démographie à l'Ecole d'économie de Varsovie (SGH), les pays postcommunistes n'ont fait que suivre avec retard une tendance qui a débuté dans les années 60 en Scandinavie avant de gagner l'Europe de l'Ouest puis du Sud. Ces dernières années, les gouvernements de la région ont commencé à s'alarmer et à lancer des programmes d'incitations financières pour tenter d'enrayer la dénatalité.
En Roumanie, selon une loi votée en 2006, les familles reçoivent une prime de quelque 50 euros pour chaque nouveau-né plus une allocation mensuelle de 65 euros jusqu'à l'âge de deux ans. En Slovaquie, le premier né donne maintenant droit à 340 euros, les autres bébés à 140 euros. En Pologne, en 2006, une prime à la naissance de 290 euros a été introduite. Et depuis 2007, les contribuables ont droit à une déduction fiscale annuelle de 335 euros par enfant.
Crédit études remboursé
Plus original, le gouvernement bulgare a aussi décidé la semaine dernière de dispenser de remboursement du crédit pour leurs études supérieures les jeunes couples qui auront eu au moins deux enfants cinq ans après la fin de leurs études universitaires.
Vlada Stankuniene estime cependant que ces mesures ne seront pas suffisantes. "Si l'accent continue d'être mis sur l'aide financière, nous ne pouvons pas nous attendre à une reprise des naissances", juge-t-elle. "Ce qui peut changer la situation, c'est de créer des emplois à temps partiel ou à la maison, et aussi développer les services de garde des enfants en particulier pour les moins de cinq ans", dit-elle.
Pour Irena Kotowska, cela ne suffira même pas. Il faudra, pense-t-elle, que les hommes finissent par accepter de partager à égalité les tâches domestiques et éducatives pour que les femmes acceptent à nouveau d'avoir au moins en moyenne deux enfants. Et de citer en exemple la Suède ou la Finlande, qui sont maintenant des champions des naissances dans l'UE. (belga)