75% de la population belge vaccinée: l'immunité collective est-elle devenue une utopie?

Sept personnes sur dix immunisées contre le Covid-19 en Belgique et la fin des (principaux) problèmes? Durant un long chapitre de cette pandémie, c'était l’objectif fixé par de nombreux experts. La Belgique a désormais dépassé le seuil convoité, mais l’immunité collective ne fait plus trop parler d’elle. Certains détracteurs de la campagne vaccinale pointent “le mauvais calcul” des experts scientifiques et des responsables politiques. À raison? 

“Au moment où nous avons opté pour l’immunité collective, aucun autre variant ne proliférait”, tempère d’entrée  l’infectiologue Steven Callens (UGent). “Les gens ne savaient pas non plus à l’époque que le vaccin ne protégerait pas aussi longtemps que ce que l'on espérait”.

Pour rappel, l’immunité collective est assimilée à un important groupe de personnes immunisées qui constitue une barrière contre un virus et réduit considérablement sa faculté de propagation. On acquiert une immunité en étant infecté, en se faisant vacciner ou en combinant les deux. “Beaucoup de gens pensent que l’immunité collective est apparentée à la disparition pure et simple du virus. Si vous êtes adepte de cette définition, je peux vous dire que cela n’arrivera jamais. Il continue à circuler”, explique Steven Van Gucht. “L’immunité collective signifie que la charge de la maladie pour les soins de santé devient gérable et prévisible.”

Le virologue de Sciensano dresse un parallèle avec le virus de la grippe. “Janvier, février, mars sont des mois de grippe. Parfois, elle commence plus tôt, en décembre. En d’autres saisons, la vague est moins intense et vous ne la remarquez pas vraiment. Certaines années, les hôpitaux sont plus chargés, mais la situation reste sous contrôle. Il existe un équilibre: la plupart des gens disposent d’anticorps. Nous ne sommes pas encore dans cette situation pour le coronavirus.” 

“L’immunité collective doit être plus élevée” que 75%  pour maîtriser le virus en Belgique, a récemment assuré le vaccinologue Pierre Van Damme (UAntwerpen). “Cela ne sera possible qu’avec une immunité de 85%. Peut-être même plus”.  Selon Steven Van Gucht, nous devons arriver à “au moins 90%”.  “Nous atteindrons l’immunité de groupe à un moment donné”, insiste le virologue. “Quand? Peut-être l’hiver prochain. Ou lors de la cinquième ou sixième vague. Je ne sais pas. Cela pourrait même arriver plus tôt que nous le pensons. Il ne faut pas toujours penser au catastrophisme, même si de nouveaux variants apparaîtront toujours, c’est une certitude. Oui, ils peuvent échapper à notre immunité. Mais les virus ont aussi un plafond (...) ils ne peuvent pas devenir plus contagieux en permanence. Je pense que nous avons atteint ce plafond avec le variant actuel”.

“Le développement d’une immunité collective comme pour la rougeole hautement infectieuse ne sera pas possible pour le Covid-19", expose le professeur Callens. La rougeole nécessite une vaccination à 95 % afin d’éviter qu’elle ne se propage dans la population. “Heureusement, avec un certain nombre de mesures supplémentaires, comme la pilule corona de Pfizer et d’autres médicaments antiviraux, cela pourrait être possible. Et il y a la piqûre de rappel qui, nous l’espérons, durera plus longtemps.”

La protection de groupe “est très difficile à obtenir parce que l’immunité diminue avec le temps, que le virus est très contagieux et que ce type de vaccin ne garantit pas une immunité complète contre une infection sans symptômes”, avance la vaccinologue Isabel Leroux-Roels (UGent). “Mais cela n’est pas une catastrophe tant que nous protégeons bien les personnes vulnérables avec un vaccin de rappel.”

“Il est dommage que pendant longtemps nous ayons mis tous nos œufs dans un seul panier: celui des vaccins”, regrette le professeur Callens en faisant référence au Portugal. Aujourd’hui, ce pays a un taux de vaccination de 87 %. “Mais ils ont aussi suivi plus longtemps et mieux certaines mesures, comme les masques buccaux obligatoires.” 

La Suède, qui a misé dès le début de la pandémie sur une circulation du virus plus importante pour atteindre l'immunité collective, enregistre aujourd’hui relativement peu d’infections, même si cette stratégie leur a coûté beaucoup plus de décès lors de la première vague.

Miser sur l’infection pour atteindre les derniers pourcentages, est-ce une option à envisager? “Non”, clame le professeur Callens. Le virus circule déjà beaucoup, surtout dans les écoles (...) Les soins primaires sont noyés, les admissions augmentent et cela pose problème” 

“Vous n’attrapez pas seulement le virus, mais aussi tous les risques qui l'accompagnent, comme le “Covid long”, corrobore Steven Van Gucht avant de conclure. “Si le variant d’origine de Wuhan avait encore été dominant, nous aurions déjà atteint cette immunité collective et ce serait terminé maintenant. Nous avons été malchanceux.”

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