Courriels perdus, cartes inutilisables, confusion autour des barrages: la gestion des inondations pointée du doigt
Lorsque le ciel s’est déchaîné, l’été dernier sur la Wallonie, le chaos a rapidement régné au sein du gouvernement. Courriels perdus, cartes inutilisables, confusion autour de l’ouverture de barrages... Une vue d’ensemble déficiente a empêché une évacuation sereine de la population, conclut Het Laatste Nieuws qui a enquêté sur les événements tragiques du défunt été. Focus.
Lundi 12 juillet. L’IRM annonce des quantités de précipitations pouvant aller jusqu’à 150 litres par mètre carré pour la semaine à venir dans certaines zones de Wallonie. Le service hydrologique du gouvernement wallon évalue la situation. Au centre de crise régional également, la situation n’est pas immédiatement considérée comme préoccupante. L’alerte de l’IRM est envoyée à toutes les zones d’urgence, aux bourgmestres et aux gouverneurs. Une procédure standard.
Le même jour, le service hydrologique reçoit une notification de l’EFAS. Il s’agit d’un système européen qui avertit les gouvernements lorsqu’il y a une menace d’inondation. Cependant, pas un seul fonctionnaire wallon ne donne suite à l’EFAS. Les rapports arrivent, mais peu d'attention y est prêtée. Lundi, un peu avant midi, l’EFAS met en garde contre de graves inondations dans la province de Liège dans la nuit de mercredi à jeudi. Le service hydrologique wallon estime qu’il est encore trop tôt pour tirer la sonnette d’alarme. Les prévisions de l’EFAS et de l’IRM sont jugées trop incertaines.
Des alertes, mais peu d'actions
L’IRM relève le seuil d’alerte à l’orange pour les provinces de Namur, Luxembourg et Liège. Là encore, on parle de 150 litres de pluie par mètre carré. Une carte météorologique prévoit même l’explosion d’une véritable ‘bombe à eau’ au-dessus des High Fens (la région où se trouve le réservoir d’Eupen) : 200 litres par mètre carré sont prévus. L’EFAS signale également une probabilité de 30 % d’inondations graves au Luxembourg et à Liège à partir de mercredi. Là encore, le service hydrologique wallon estime que les prévisions ne sont pas suffisamment sûres. Elles laissent trop de place à l’interprétation.
Le Centre de crise régional publie sur son site web un message indiquant que des inondations sont attendues mercredi. Quelque 500 courriels et textos sont également envoyés aux camps de jeunes en Wallonie. Les services gouvernementaux terminent la journée sans autre action.
À 22 h 30, le premier appel téléphonique alarmant parvient au directeur du Centre de crise régional. À Namur, quatre camps de jeunes ont été évacués à la hâte. Des problèmes se posent également à Liège. À 23 h 17, les liaisons ferroviaires dans la vallée de la Vesdre doivent être interrompues. Une heure plus tard, le tunnel ferroviaire de Chaudfontaine est inondé. Dans la nuit de mardi à mercredi, les habitants des rives de l’Ourthe et de la Hoëgne ont signalé que leurs maisons étaient sous l’eau.
Situation incontrôlable
À partir de 6 heures du matin, les sonnettes d’alarme retentissent soudainement. On passe directement du vert au rouge pour la vallée de la Vesdre sans transiter par l’orange. Presque toutes les demi-heures, le département envoie des signaux d’alarme supplémentaires pour différentes rivières, car les stations de mesure indiquent que la situation devient partout incontrôlable.
À partir de 9 h 50, la station de Pepinster ne donne plus de signal. À 13 heures, la station de Chaudfontaine tombe également en panne. Le service hydrologique n’a quasiment plus aucune visibilité sur la Vesdre.
Le Centre de crise régional prend conscience de la gravité de la situation. Cependant, peu de mesures sont prises. Vers 6h30, les mails et SMS Be-Alert sont envoyés aux 92 communes connectées au système d’alerte: soit seulement une commune wallonne sur trois. Tout au long de la journée, le centre de crise transmet les alertes des autres services et les mises à jour de l’IRM à toutes les personnes concernées. Rien d'autre à signaler.
Messages perdus
Dans la province de Liège, fortement touchée, le commandement est assuré dès le matin par Catherine Delcourt, en remplacement du gouverneur Hervé Jamar (MR). Il est rentré de vacances en Ardèche depuis quelques heures seulement et suit l’évolution de la situation depuis son domicile.
Catherine Delcourt annonce le plan d’urgence provincial à 9h26 à Liège. Quinze minutes plus tard, des courriels contenant des informations et des avertissements sont envoyés à toutes les communes. Pour certains, cependant, ces courriels ne passent pas le filtre anti-spam et d’autres adresses électroniques ne semblent même plus exister. La dernière mise à jour des informations de contact date de 2019. Certaines villes ne reçoivent pas les informations cruciales.
Une atmosphère de panique règne dans le centre de crise de Liège. Pour mieux se rendre compte de la situation sur le terrain, Catherine Delcourt demande à la police fédérale de déployer des drones et un hélicoptère, mais cela s’avère impossible. Dans un premier temps, la gestion de crise se concentre sur les communes de Spa, Theux, Jalhay et Stoumont. Là-bas, les camps de jeunes ont été évacués pendant la nuit, des sacs de sable ont été livrés, des maisons ont été inondées. Les routes sont impraticables en raison des hautes eaux. Mais avant midi, des signaux de détresse proviennent également de Pepinster, Chaudfontaine et Trooz.
À Spa, l’ouverture d’un centre d’appel provincial est réclamé, car la commune ne peut plus faire face au flux d’appels. De nombreuses villes de la vallée de la Vesdre ne semblent pas ou peu préparées à de fortes inondations. Bien qu’elles soient situées dans une zone extrêmement vulnérable aux fortes pluies, elles ne disposent que de plans d’urgence généraux dont beaucoup ne sont pas mis à jour.
Pas d’exercice catastrophe
Plusieurs communes n’ont pas organisé d’exercices de catastrophe ces dernières années et les zones d’assistance ne sont pas en phase les unes avec les autres. La province ne sait pas non plus quoi faire. Mercredi matin, elle se contente d’envoyer un communiqué de presse général indiquant que les citoyens doivent protéger leurs biens, garer leurs voitures en hauteur et éviter de se déplacer.
Seule Chaudfontaine procède activement aux évacuations, mercredi après-midi. Entre midi et 14 heures, la cellule de crise demande à tous les bourgmestres de Liège de lui faire part de leurs besoins. Trop tard. Le chaos est déjà tellement important que plus personne n’est capable d'évaluer la situation avec une vue d’ensemble. Des sacs de sable, des bateaux pneumatiques et des secouristes sont nécessaires un peu partout. Mais, dans de nombreux endroits, la police et les pompiers sont déjà dans l’incapacité de se déplacer.
Pendant ce temps, le gouverneur reçoit des signaux indiquant qu’un réservoir sur la Vesdre est sur le point de saturer. Une décision difficile devra être prise concernant l’ouverture des écluses, ce qui ne fera qu’aggraver la situation dans la vallée. Cependant, mercredi après-midi, dans la cellule de crise, il n’est pas clair de quel lac il s’agit. Le réservoir d’Eupen, qui se jette dans la Vesdre, ou celui près de Jalhay, qui se jette dans la Gileppe, un affluent de la Vesdre. Les services d’urgence et les fonctionnaires confondent les deux et se communiquent de mauvaises informations entre eux et à la cellule de crise. Pendant une heure et demie, les personnes présentes penseront à tort que le réservoir de la Gileppe est en difficulté, alors qu’il s’agit en fait du lac d’Eupen.
À 13 heures, le gouverneur et son équipe réalisent qu’il faut envisager des évacuations. En raison des problèmes liés aux réservoirs de la vallée de la Vesdre, les premières zones à envisager sont Eupen, Baelen et Limbourg. Ce sont les plus proches des barrages d’Eupen et de la Gileppe.
Évacuation chaotiques
Au cours de la réunion, les cartes des zones inondables sont présentées. Des zones rouges, orange, jaunes et vertes y sont représentées. Il est décidé que tous les habitants des zones rouges et orange doivent être évacués. À 13:29, l’ordre est envoyé à la police locale. Cependant, les services n’ont aucune idée des rues ou des maisons qui se trouvent dans les zones en question. Cela ne semble pas non plus figurer sur les cartes. La seule chose que les agents de la cellule de crise observent, ce sont les zones ombragées des différentes communes. Ils décident de déchiffrer eux-mêmes les noms des rues, mais la mission se révèle complexe. En désespoir de cause, ils envoient les cartes aux zones de police et aux bourgmestres.
Tout au long de l’après-midi, des messages arrivent de différentes communes pour demander des évacuations ou signaler qu’elles sont déjà en cours. Au sein de la cellule de crise, personne n’a la moindre idée du déroulement de ces évacuations et du nombre de personnes concernées. “Personne ne savait quoi faire”, confiera ensuite, l’ un haut responsable de la gestion de la crise.
En début d’après-midi, des rapports arrivent depuis de Pepinster, Verviers, Chaudfontaine et Trooz, entre autres, indiquant que les évacuations n’ont plus de sens. “Tout ici est sous l’eau. Nous ne pouvons plus partir.” La gouverneure et son équipe hésitent : doivent-ils envoyer un message via Be-Alert aux habitants de ces communes, leur demandant de partir? Après consultation, l’idée est rejetée. La crainte est que les personnes soient emportées par le courant violent.
Tout le réseau est bloqué. À 17 heures, même les camions du ministère de la Défense ont du mal à frayer un chemin. Certains pompiers sont bloqués dans des casernes inondées et les bateaux de sauvetage viennent à manquer. Les hélicoptères et les drones semblent ne pas pouvoir voler à cause du temps orageux. Une aide est demandée aux pays voisins.
Au même moment, une nouvelle information tombe, les évacuations dans la vallée de la Vesdre sont devenues presque impossibles. Néanmoins, à 18 heures, la décision est prise d’ordonner à toutes les zones de police de secourir le plus grand nombre de personnes possible de leurs maisons (...) Le gouverneur demande aux zones de le tenir informé du nombre d’évacuations qui sont finalement menées à bien. Elle ne recevra de réponse de personne.
Vers 21 heures, les premiers secours venus de l’étranger arrivent. Le Luxembourg met des bateaux à disposition, mais ne sont plus utilisables à partir de 23 heures. À ce moment-là, la pluie tombe à verse et l’eau tourbillonne dans les rues. Les secouristes de Pepinster, Verviers et Chaudfontaine signalent également qu’ils doivent s’arrêter.
Des sinistrés livrés à eux-mêmes
Les habitants de la vallée de la Vesdre sont maintenant complètement livrés à eux-mêmes. À partir de minuit, ils ne peuvent même plus appeler le numéro d’urgence 112. Il y a en permanence 600 appels d’urgence en attente. 600 personnes qui ont un besoin urgent d’aide ou qui sont en danger de mort, car pour les autres questions, on peut appeler le 1722. Des dizaines de milliers de citoyens passent la nuit sans aucune information ni aide du gouvernement.
Ce n’est qu’à 7h46 jeudi matin, que le Centre de crise régional décide d’envoyer un message d’alerte générale à tous les citoyens des provinces wallonnes concernées. Le message se lit comme suit: Plusieurs routes sont inaccessibles. Évitez de voyager. Donnez la priorité aux services d’urgence. Le travail à domicile. De nombreuses personnes qui reçoivent le message texte sont entourées d’eau depuis plus de douze heures. Certains sont même sur leur toit. Leur gouvernement ne leur donne que ce sage conseil : ‘Travaillez à la maison’.
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