De la conquête de la Flandre aux négociations “parfois surréalistes”: Georges-Louis Bouchez fait le point après deux ans à la tête du MR
Interview“Vous avez vraiment remonté mon fil Twitter jusque-là?” À l’occasion de son deuxième anniversaire à la tête du MR, Georges-Louis Bouchez a accepté de revenir sur le début de son mandat à travers une sélection de tweets. Il évoque notamment sa nomination “inattendue”, son opération séduction en Flandre, des négociations “parfois surréalistes” et un jeu de chaises musicales mouvementé. Coup d’oeil prolongé dans le rétro.
“J’ai découvert la solitude du pouvoir”
29 novembre 2019. Georges-Louis Bouchez succède à Charles Michel à la tête du MR. Soutenu par de nombreux “barons” du parti, le Montois de 33 ans devance Denis Ducarme dans le sprint final pour la présidence.
“Personne n'aurait parié là-dessus quelques mois avant l’élection. C'était complètement inattendu”, se souvient, deux ans plus tard, le plus jeune président de l’histoire du MR. “Très vite, j’ai dû prendre des décisions importantes. Je suis entré dans le rôle directement”. De fait. À peine assis dans son nouveau fauteuil, il est appelé à procéder à un remaniement ministériel.
“Depuis le début de mon mandat, j’ai découvert la notion de solitude du pouvoir. Je savais qu’elle existait théoriquement, mais la vivre, c’est très différent. Quand il y a des décisions compliquées à prendre, les gens te disent ‘C’est à toi de voir’. Cette solitude est particulièrement marquée pendant les négociations. C’est un jeu de Stratego dans lequel vous vous retrouvez seul. Vous êtes le seul à avoir l’entièreté du schéma, à pouvoir trancher.”
“Ce qui a changé en deux ans? Le regard des autres”, lance Georges-Louis Bouchez lorsqu'on l’invite à évoquer son nouveau quotidien. “Des gens qui vous trouvaient excessif, vous trouvent génial désormais. Et a contrario, vous êtes l’objet de nombreuses critiques. Il faut aussi être honnête, occuper une telle fonction facilite beaucoup de choses. Avant, je devais me démerder pour trouver une place de parking avant une conférence. Maintenant, les gens m’attendent. Comme président de parti, vous ne devez plus vous battre pour prendre la parole, produire vos tracts, obtenir une interview, etc. Partout où vous allez, une chaise vous attend. Le niveau de bagarre est différent."
“J'ai assisté à des scènes surréalistes entre le PS et la N-VA”
10 décembre 2019. Onze jours après son élection à la tête du MR, Georges-Louis Bouchez est nommé informateur royal en vue de la formation d’une nouvelle majorité fédérale. Il est associé à Joachim Coens (CD&V). Les conclusions sont attendues le 4 février 2020. La mission prend fin prématurément, le 31 janvier. Certains médias l’assimilent à “un échec”.
“Je ne connaissais pas Joachim Coens. D'ailleurs, je ne connaissais pas grand chose du paysage politique flamand”, avoue le Montois. “Je le rencontre pour la première fois au coin de la rue pour aller au Palais. J’avais une appréhension, mais dès le premier contact, je me suis dit ‘Il est sympa, ça ira’.”
“Les gens de l’extérieur pensent que les négociations se font avec des dossiers, des arguments, une armada de collaborateurs. À l’époque, c’est de la couillonnade. Bullshit. Cela m’a frappé. À ce moment précis, on cherche une coalition. Tous les intervenants s’adonnent à un Stratego politicien de positionnement de parti. On ne négocie pas sur le fond. Tout le monde arrive avec des notes, des principes généraux. Vous vous adressez à des gens qui, même si vous écrivez 100% de leur programme, ne vont pas adhérer au final. La question c’était: “Est-ce que l’on fait avec ou sans la N-VA? Ceux qui étaient favorables à cette option n’étaient pas assez nombreux. Idem pour ceux qui y étaient opposés. Bref, il n’y avait pas de majorité.”
“J’ai présidé des réunions surréalistes entre le PS et la N-VA. On a parfois eu droit à des textes dignes de pièces de théâtre. On avait des réunions longues de quatre heures, où on ne parlait pas une seconde d’un accord de gouvernement. On parlait de considérations, de certains positionnements. Parfois, on commençait à évoquer un sujet, mais ça partait très vite dans les limbes. À un moment, l'assiette arrivait et chacun partait manger de son côté. On a parfois eu des ambiances très lourdes. Un jour, j'ai dit à Bart (NDLR: De Wever) “Je dois accepter le programme nationaliste de la N-VA et le programme socialiste du PS? Est-ce que tu veux aussi ma bagnole?” J’ai ensuite sorti les clés de ma poche et les ai déposées sur la table. “Elle est au -1”. L’assistance a rigolé. Lui aussi."
“Vous parlez à des gens qui savent ce qu'ils ne veulent pas faire, mais pas ce qu’ils veulent faire. C’est compliqué. Mais cette mission était une expérience folle. Cela reste un souvenir incroyable.”
“Non, je ne me suis jamais moqué de Conner Rousseau”
1er juillet 2020. Georges-Louis Bouchez et Conner Rousseau profitent d’une terrasse d’été à l’occasion d’un “date politique”. Un rendez-vous qui survient quelques jours après la publication d’une interview remarquée du socialiste flamand. Dans les pages de De Morgen, il regrette l’attitude “désobligeante” de son homologue libéral lors des négociations qui l’aurait comparé à un “écolier avec son petit sac à dos”.
“Je ne me suis jamais moqué de lui”, assure Georges-Louis Bouchez. “Maintenant, je peux le dire. À chaque fois qu’on convoquait Conner, il ne savait rester qu’une heure. Ensuite, il prenait son sac à dos et il partait. Un jour, je lui ai dit que ce n’était pas une façon de travailler. Je lui ai demandé si c’était l’heure de la piscine. Visiblement, il ne l’a pas bien pris.”
“À l’époque, on mène la mission ‘Rois mages’ avec Egbert Lachaert et Joachim Coens. On tente la piste d'une coalition avec la N-VA et sans le PS. On sonde Conner et il ne ferme pas la porte à cette possibilité. Mais dans le même temps, il négocie dans notre dos avec le PS. Un jour, plutôt que de nous rencontrer tous les trois, il demande à me voir. Il voulait me voir en duo pour discuter et tenter de trouver des solutions. Durant l’échange on prend cette fameuse photo. Est-ce qu’elle traduit la volonté de calmer le jeu après les déclarations des derniers jours? Peut-être pour lui. Pas pour moi.”
“En politique belge, on manque à mort de professionnalisme”, poursuit le président du MR. “Un professionnel se remet à table directement, même si cela a cogné la veille. Le nombre de divas que l'on dénombre ici. ‘Oui, mais toi t'as dit ceci, cela...’ Une grande partie du monde politique se soucie de choses dont les gens n’ont absolument rien à faire.”
L’opération séduction en Flandre? “Des propos de De Wever comme déclic”
11 août 2020. Georges-Louis Bouchez s'adresse à la Flandre en néerlandais. Sa prise de parole est partagée sur Twitter. Il rappelle notamment que le MR est “depuis plus de vingt ans un partenaire fiable et stable au sein du gouvernement fédéral”. Une réponse à peine voilée à Bart De Wever qui avait émis l’hypothèse d’un gouvernement sans le MR, assurant que tout le monde en avait “marre” d'avoir les libéraux francophones autour de la table des négociations.
“J’ai compris très rapidement que l’espace médiatique flamand a la force d’imposer des thèmes dans l’ensemble du pays. L’inverse n’est pas vrai. Un journal francophone a beaucoup de mal à imposer un thème d’actu dans le nord”, avance Georges-Louis Bouchez. “À l'origine, toute cette stratégie repose sur la logique suivante: ‘Les Flamands ne me connaissent pas réellement. On est en train de peindre un tableau de moi qui ne correspond pas à la réalité. Je dois y remédier’.”
“Durant les négociations, Bart De Wever a affirmé que c’était compliqué de négocier avec moi, car je ne comprenais pas tout. Cela a été le déclencheur. Je me suis dit que je ne pouvais pas laisser passer ça. Il mettait en doute ma capacité à gérer des négociations. Il s’attelait à dresser le portrait de quelqu’un de farfelu, d’excité qui n’a pas de parole et qui en plus ne comprend pas ce qu’on lui dit. Je ne crois pas qu’il le pense vraiment. Mais c’était sa méthode pour mettre la pression, en particulier sur l’Open VLD, pour me lâcher. Il se disait ‘Je vais peindre un portrait tellement terrible de lui que ça sera impossible de continuer à l’aider ou de le suivre’.”
“Ce que je reproche le plus aux experts? D'avoir créé un climat anxiogène”
19 août 2020. À l'aube d'un nouveau Conseil national de sécurité, Georges-Louis Bouchez s'adresse à Marc Van Ranst sur Twitter et l’invite à “respecter le travail des politiques”. Par la suite, plusieurs autres accrochages auront lieu sur les réseaux sociaux.
“Quel est l’intérêt de ces virologues de s’exprimer tous les deux jours dans la presse? Ils n’apprennent rien à la population. Ils font des pronostics”, martèle Georges-Louis Bouchez. “Ils savent reconnaître un virus, mais ils ne savent pas du tout la fin de l’histoire. La preuve, ils ont changé 50 fois d’avis, notamment pour le pourcentage à atteindre pour l’immunité collective. Ce n’est pas parce que tu es expert dans un domaine que tu es voyant. Je veux simplement leur rappeler la répartition des rôles. C’est nécessaire de dire ‘Arrêtez d’être anxiogène’. La santé mentale, ça compte. Le respect des fonctions et des institutions aussi. Pour ces raisons, c’était utile de le dire. Je n’avais aucune chance de regretter plus tard mes tweets ou sorties médiatiques.”
“Ce que je leur reproche le plus, c’est d’avoir créé ce climat anxiogène”, appuie-t-il. “C’est intéressant d’avoir des prises de parole à des moments précis pour expliquer certaines choses. Les gens ne s’y retrouvent plus à cause des communications multiples qui viennent de toute part. Il y avait un plus grand risque à ne rien dire. Ce qui tue la politique, c’est la lâcheté.”
“Scandaleux qu'on fasse passer Sophie Wilmès pour ma belle-mère”
20 septembre 2020. Ce week-end-là, les négociations destinées à donner naissance à la Vivaldi s'accélèrent. La question du formateur et du futur Premier ministre est notamment posée. Certains participants pointent du doigt le comportement de Georges-Louis Bouchez. Selon plusieurs sources, il aurait tendance à toujours aborder d’entrée les sujets les plus compliqués. Plusieurs protagonistes l’accusent également d’être revenu sur plusieurs points du projet d’accord, comme l’institutionnel, l’énergie et l’immigration. Certains évoquent même des “sorties de table” intempestives.
“C’est une injustice sans nom, ce qui a été dit”, s'agace Georges-Louis Bouchez. “Il y a eu beaucoup de mensonges. Et certains n’ont pas hésité à cibler la personne. Toutes les attaques sur la connaissance des dossiers, c’était vraiment crapuleux.”
“Parfois, certains refusaient juste d’argumenter. Ils disaient ‘Non, j’argumente pas’. On en avait un ou deux qui étaient spécialistes des petits coups. Parfois, ils disparaissaient pendant une ou deux heures notamment au moment des repas. Puis, on voyait des articles sortir dans la presse ‘Il y a un problème’. Alors qu'avant le repas, personne ne disait rien. Ce qui m’a le plus blessé, ce sont les imposteurs. Ceux qui disent sur les plateaux de télé qu’ils en ont marre des jeux politiques puis sortent appeler des journalistes pour raconter des saloperies."
“Certains ont assuré que Sophie Wilmès s’est installée autour de la table pour me chapeauter. C’est un mensonge. À un moment, durant les discussions, on est confronté à un blocage. On négociait en individuel depuis un certain temps et ça pouvait créer des tensions. Je propose des délégations plus nombreuses et le deal suivant: ‘Tout le monde vient à deux’. Au final, seuls l’Open VLD et nous jouons le jeu.”
“Ce n’est pas parce qu’on me met sous l’éteignoir que je suis obligé d’appeler Sophie. En réalité, c’est prévu depuis deux mois. En août, je fais voter au sein du parti le fait que si Sophie Wilmès est formatrice, alors mon collègue de négociations est David Clarinval. Si Sophie n’est pas formatrice, c’est elle qui m’accompagne à la table.”
“C’est scandaleux qu'on fasse passer Sophie Wilmès pour ma belle-mère, alors que ce sont les autres qui ne respectent pas le deal en ne venant pas à plusieurs autour de la table. À ce moment-là, leur but est clair: me faire sortir du jeu. Je ne panique pas, parce que je sais qu’ils n’ont pas d’alternative mathématique, que c’est juste pour jouer les gros bras. Comme ils n’arrivaient pas à contester le message, ils ont shooté le messager. C’était mon épreuve de feu.”
“Quand vous êtes le chef d’équipe et que c’est le bordel, vous êtes responsable”
6 octobre 2020. Cible de vives critiques après un casting ministériel particulièrement contesté, Georges-Louis Bouchez voit son siège de leader vaciller. La tempête est forte. Certains appels à la démission se font entendre, d'autres envisagent un “encadrement” en interne. Discret durant plusieurs jours, le président du MR finit par prendre la parole dans un message vidéo publié sur les réseaux sociaux et présente officiellement ses excuses aux membres du parti.
“Je perçois immédiatement l’agitation et l’émoi après l’annonce du casting. Mais je sais que la rationalité va finir par reprendre le dessus. Le plus important, dans un premier temps, c’est de ne rien entreprendre. Là, vous êtes très seul, personne ne peut vous conseiller. Même vous, vous ne savez plus trop à qui vous pouvez téléphoner. Vous devez faire attention à toutes vos démarches. Chaque initiative peut être mal interprétée. J’arrive à la conclusion qu’il ne faut rien faire durant un certain laps de temps. Mais je ne peux pas attendre trop longtemps non plus."
La réaction officielle tombe finalement le mardi 6 octobre, cinq jours après le début de l’incendie. “Pourquoi ce moment précis? Le feeling. Uniquement. J’opte pour une vidéo et non pour une interview car je veux maîtriser l’ensemble du message. Mais je ne couche aucun mot sur papier. Dans ma tête, c’est clair, je ne veux pas rentrer dans les explications, c’est de toute façon le bordel. Si je l'avais fait, l’un aurait réagi, puis un autre aurait répondu, etc. Une fois que vous l’avez dit et que vous avez assumé, on ne sait plus rien vous faire.”
“Est-ce que j’ai cru que j’allais perdre la présidence? Ma force, c’était le suffrage. Je n'ai pas été nommé, mais élu par les militants. Je n’avais pas nécessairement peur de cela ni d’être encadré - pour reprendre un terme employé à l’époque. Je ne suis pas quelqu'un qui peut être mis sous tutelle. Cela ne marcherait pas”, commente le président libéral avant de rappeler le caractère éphémère du G11. “Il s’est réuni une seule fois et ne figure pas dans les nouveaux statuts du parti.”
“Cet événement m’a permis de prendre de la maturité, j’ai mieux compris certains équilibres et j’ai montré que j’étais capable d’assumer des erreurs”.
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