Des milliers de réclamations contre le BHNS à Charleroi: “Ultra-dangereux”

Plus de 3.000 réclamations ont été introduites par rapport au projet du BHNS à Charleroi. Propriétaire d’un commerce à l’avenue Paul Pastur à Mont-sur-Marchienne (Charleroi), Christophe Burton est l’auteur de l’une d’entre elles. Il a assisté à l’une des réunions de concertation auxquelles ont participé des représentants de la Ville de Charleroi, du Service Public Wallonie (SPW) Routes et de l’Opérateur de Transport de Wallonie (OTW): “L’ambiance était cordiale, mais leur volonté était de nous entendre et pas de nous écouter”.

En ce qui le concerne, c’est le futur passage du BHNS sur la N53 qui lui pose problème. Les récriminations sont nombreuses par rapport à cette portion du projet. Attardons-nous sur les plus importantes d’entre elles!

Le tronçon délimité par la rue du Beau Site et l’avenue Rousseau à Mont-sur-Marchienne a fait l’objet d’une étude. Celle-ci a notamment relevé un problème de fluidité de la circulation.

Pour l’une des réclamantes, Pascale Huwart, les résultats sont biaisés: “Les études ont été faites à un moment où la circulation avait été détournée. À ce moment-là, effectivement, on avait des problèmes de circulation. Ici, on constate que le trajet de bus R31 est réalisé en huit ou 11 minutes. Ce qui est la même durée que celle réalisée par le BHNS. Mettre des entraves à la circulation et un carrefour ultra-dangereux, ça me semble vraiment aberrant”.

D’après les plaignants, l’étude d’incidence a été exécutée en même temps que le chantier du petit Ring (R9) de Charleroi. Des déviations avaient été mises en place: “Tous les véhicules qui venaient du R9 en direction de Namur, Châtelet, Gerpinnes, Philippeville, Loverval, Marcinelle, Mont-sur-Marchienne, Montigny-le-Tilleul, Gozée, Thuin, Fontaine-l’Évêque, Mons... devaient sortir à la Villette (NDLR. vers Mont-sur-Marchienne et Marchienne-au-Pont) afin de reprendre la N53 et les rues annexes”.

Lorsque Pascale Huwart évoque des entraves à la circulation, elle pense notamment au sens unique de l’avenue Paul Pastur à partir du carrefour du Beau Site.

C’est une idée catégoriquement rejetée par les nombreux marchands présents dans cette zone.

La Ville de Charleroi a donc partiellement revue sa copie. Ce sens unique ne sera instauré qu’aux heures de pointe. “En d’autres temps, le trafic va pouvoir s’écouler effectivement. Dans ce cas de figure-là, le bus s’arrêtera sur la chaussée avec des voitures derrière” a déclaré Aline Verbist de l’OTW lors de la réunion.

Quelles tranches horaires seront considérées comme heures de pointe? La question reste ouverte: “Il y aura les heures de pointe du matin et du soir. Les tranches ne sont pas encore clairement fixées. Sept heures-neuf heures ou Six heures et demie-neuf heures, voire neuf heures et demie. C’est à discuter avec les collègues de l’exploitation. Et celles du soir: 15 heures 30-17 heures 30, voire 18 heures. Ceci ne fait pas l’objet du permis d’urbanisme. On a abandonné l’idée d’un site propre sur ce tronçon”.

C’est justement l’un des reproches des riverain(e)s. En optant pour cette solution, la Ville de Charleroi peut se passer de l’avis du Fonctionnaire de la Région Wallonne (RW) sur cette partie du projet. “C’est devenu une compétence communale. Le Fonctionnaire délégué ne peut plus se pencher sur la question” nous rapporte Christophe Burton.

“Le Fonctionnaire délégué a la note mobilité où l'on explique cela. C’est une pièce du dossier” a rétorqué Aline Verbist lors de la concertation. “Il sait qu’aux heures de pointe, les bus circuleront sur la voirie sur cette partie du tronçon. Il y aura des moments dans la journée où les bus seront dans le trafic avec les voitures. Vous dites que le Fonctionnaire délégué ne sera pas au courant. Il y aura des panneaux à messages variables qui sont repris sur les plans. Si on les installe, c’est parce qu'on sait qu’il y aura une variation du site propre”.

Cette explication ne satisfait pas notre interlocuteur. Le sens unique dynamique encore moins! “Lors des heures de pointe, toute la circulation automobile va être reportée dans les rues adjacentes. Le bas de la rue Paul Pastur va être cadenassé. Comment les médecins, les personnes travaillant dans les soins de santé, les caissières dans les magasins... vont-ils devoir s’y prendre? Même les secours ne pourront pas emprunter le sens unique aux heures de pointe. Cela pose un problème de sécurité”.

Réponse d’Aline Verbist lors leur rencontre formelle: “Tous les commerces n’ouvrent pas à huit heures du matin”.

Les pompiers et les services de secours devaient encore donner leur opinion et éventuellement apporter des aménagements à cet instant-là.

L’autre inquiétude au niveau sécuritaire concerne les cyclistes. “Vous trouvez que c’est sécurisant de mettre une bande bus avec un cycliste?” s’était étonné Christophe Burton.

“On n’a pas de problème majeur en ce qui concerne la cohabitation cycliste et bus dans les voies bus. C’est même mieux pour les cyclistes, car il y a moins de véhicules sur ce type de voie” a répondu Jean-Philippe Bille du SPW Routes.

D’après Aline Verbist, des représentants du Groupe de Recherche et d’Action des Cyclistes Quotidiens (GRACQ) ont été consultés: “Ils ont vu les plans et ont dit qu’ils étaient satisfaits.

À l’avenue Rousseau et à la rue du Beau Site, les vélos devront néanmoins emprunter une bande dédiée aux voitures avant de rejoindre celle réservée aux bus: “Les vélos sont en montée à cet endroit. Il y a eu discussion pour savoir si on allait les laisser dans le trafic parce qu’on n’a pas la place pour y mettre une piste cyclable”.

Lors de la réunion, Jean-Philippe Bille a ajouté: “Pour des raisons de sécurité, on ne pouvait pas mettre les vélos en plein milieu d'une chaussée où de chaque côté, il y a des voitures. On ne peut pas laisser monter les cyclistes en plein milieu de la N53. C’est le seul endroit où on a ça. C’est l’auditeur de la sécurité qui nous l’a imposé”.

Par ailleurs, il a été décidé de ne pas placer de feux de circulation aux abords de l’École fondamentale libre des Sœurs de la Providence à la rue Paul Pastur: “Ce fut examiné par les auditeurs afin d’avoir une longévité d’ensemble sur la manière de traiter les traversées piétonnes. Ce qui est constaté avec ce type de feux rouges à levier, c’est qu’il y a beaucoup d’interruptions du trafic, car les gens appuient, mais n’attendent pas. Le feu devient rouge et la personne a déjà pratiquement traversé. Cela perturbe beaucoup le fonctionnement du système”.

D’après Christophe Burton, la vitesse dans la zone sera limitée à 30 kilomètres par heure. Notre locuteur exprime de sérieux doutes sur ce choix: “Ce sera dangereux pour les enfants lorsqu’ils devront traverser”. Cette option est pourtant généralement de mise à proximité des établissements scolaires.

La diminution de places de parking est une autre préoccupation pour notre intervenant. Environ la moitié d’entre elles devrait disparaître. La Ville de Charleroi a pourtant cherché des solutions afin qu’il subsiste des emplacements. “On a beaucoup de problèmes à Mont-sur-Marchienne. Même là où il y a toute la concentration des commerces! S’il y a un endroit où on devait avoir du site propre, c’est bien là. Le problème, c’est que la Ville de Charleroi a dit pas question d’avoir de site propre dans ces zones-là parce que le gabarit est tel qu’on doit supprimer tout le parking” a détaillé Aline Verbist.

Christophe Burton concède même que l’Échevin de la Mobilité et de la Sécurité Routière et de la Transition écologique, Xavier Desgain (Écolo), envisage de créer de nouvelles places de stationnement. Mais pour lui, c’est une opération coûteuse: “La Ville veut installer des places de parking au niveau du château Halloint. Du coup, elle doit investir alors que les places existent déjà gratuitement”.

En réalité, le château Halloint appartient à la Ville de Charleroi selon l’Inspecteur général de l’administration communale, Frédéric Fraiture.

Des places de parking auront également des durées limitées à 30 ou à 120 minutes. Ce qui doit permettre une plus grande rotation des véhicules.

Certains squares ou places pourront également servir de parcage en dehors d’éventuels événements.

À l’inverse, des emplacements laisseront la place à des îlots de végétation. Cela ne réjouit pas Christophe Burton: “Des plantations vont venir boucher la vue des habitations. Elles viendront aussi gêner la visibilité des vitrines des commerces”.

Les arbres installés seront des amélanchiers. “Des arbres fins que l’on sait tailler” précise la représentante de l’OTW.

Mais pour les plaignants, leur entretien pose question. “Les feuilles vont tomber. Elles vont boucher les avaloirs. Quid en cas d’inondations?”

À la mi-décembre 2020, le bourgmestre carolo en charge de la Nature en Ville, Paul Magnette (PS), avait dévoilé sa stratégie pour végétaliser Charleroi. Son objectif est d'offrir à chaque Carolo un espace vert à une distance maximale de 500 mètres d'ici à 2050.

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