Elle atterrit à Charleroi pour voir sa famille et se retrouve en centre fermé: “Je n’ai jamais vécu ça”
Témoignage et interviewMi-septembre 2021, un étudiant congolais, Junior Masudi Wasso, avait été placé deux semaines en centre fermé alors qu’il disposait d’un visa en bonne et due forme. Il venait en Belgique pour poursuivre ses études à l’Université Catholique de Louvain-la-Neuve (UCLouvain). Sous la pression de multiples intervenant(e)s, il a finalement été libéré. Mais en décembre dernier, une étudiante marocaine a subi un sort similaire à l’aéroport de Charleroi.
Malik HadrichDernière mise à jour:26-01-22, 13:06
Onze jours en centré fermé, son visa Schengen abrogé... Voici le contexte dans lequel Ouiam Ziti a vécu ses fêtes de fin d’année. Pourtant, l’étudiante en quatrième année de médecine dentaire à l’Université de Médecine et de Pharmacie Grigore T. Popa à Iași (Roumanie) était simplement venue en Belgique pour rendre visite à son frère jumeau à Lille (France).
“À la base, j’avais réservé deux billets d’avion. Le premier pour arriver à Charleroi le 13 décembre 2021. Le second pour repartir le lendemain vers Rabat (NDLR. au Maroc) depuis l’aéroport de Charleroi. Mais le Maroc a fermé entretemps ses frontières à cause du Covid-19. Mon deuxième billet a été annulé. Finalement, j’ai quand même décidé d’atterrir à Charleroi le 13 décembre pour rejoindre mon frère jumeau à Lille et passer avec lui les fêtes de fin d’année”.
Jusque-là, tout va bien. Elle prend l’avion vers 7h30 du matin à Iași. À 10h, elle est au Pays Noir: “Je me présente au contrôle en toute sérénité. Ce n’était pas la première fois que j’empruntais l’aéroport de Charleroi. Mon passeport est quasiment rempli de tampons de Charleroi. Pour rendre visite à mon frère ou à mon oncle qui habite à Bruxelles, il n’y a que des vols en direction de Charleroi ou de Paris depuis Iași. Or, Charleroi se situe plus près de Lille et son aéroport n’est pas très grand. Ce qui est pratique”.
Visa Schengen
Ouiam Ziti dispose d’un visa Schengen pour pouvoir pénétrer sur le territoire belge: “Je voyage avec lui depuis des années et je n'ai jamais rencontré le moindre problème”.
Un visa Schengen est un visa délivré pour un court séjour. Il permet à une personne de voyager dans tous les pays de l’espace Schengen pour une période de 90 jours maximum dans chaque période de six mois à compter de la date d’entrée dans un but touristique ou professionnel. Il est valable dans 26 pays européens dont la Belgique.
Notre témoin possède également une carte de séjour roumaine pour une durée de six ans. Cependant, la Roumanie ne fait pas partie de l’espace Schengen.
Conditions d’entrée
Le visa Schengen ne constitue pas non plus une garantie d’entrée sur le sol belge. Le règlement stipule que l’accès peut être refusé à un étranger lorsque:
• il ne prouve pas qu’il dispose de moyens de subsistance suffisants pour couvrir son séjour et son retour dans son pays de provenance; • il ne peut pas justifier l’objet et les conditions de son voyage; • il a été signalé aux fins de non-admission ou d’interdiction de séjour dans le système d’informations Schengen; • il constitue un danger pour la tranquillité publique, l’ordre public ou la sécurité nationale, ou risque de compromettre les relations internationales de la Belgique; • il a été renvoyé ou expulsé de Belgique depuis moins de dix ans; • il fait l’objet d’une interdiction d’entrée qui n’a été ni levée ni suspendue; • il est atteint d’une maladie pouvant mettre en danger la santé publique.
Problèmes
Pour ce qui est de Ouiam Ziti, les deux premières conditions ont posé problème. Pourtant, elle dispose déjà de son billet d’avion de retour pour la date du 3 janvier 2022: “L’un des policiers réclame mon visa. Une attestation de ma prise en charge aussi. Je n’ai pas l’original puisqu’il se trouve à l’ambassade française auprès de laquelle j’avais introduit ma demande en Roumanie. Malgré que les policiers ont accès à mon dossier à l’ambassade, j’appelle mon oncle de Bruxelles pour lui demander une copie. Je mets le haut-parleur pour que tout le monde entende. Je reçois le papier sous format numérique et je le montre aux officiers. L’un d’entre eux remplit les documents. J’ai mon certificat de vaccination contre le Covid-19.
Je propose d’utiliser ma carte bancaire française au distributeur automatique. Le policier me répond que ce n’est pas valable.
Ouiam Ziti, Etudiante en dentisterie à l’Université de Médecine et de Pharmacie Grigore T. Popa à Iași
Ensuite, l’agent me demande chez qui je compte séjourner. Je lui raconte que j’ai l’intention de passer un ou deux jours chez mon oncle avant de rejoindre mon frère à Lille. Il veut savoir quels sont mes moyens de subsistance. Je n’ai pas beaucoup d’argent sur moi. En Roumanie, la monnaie n’est pas l’euro. Convertir des devises demande du temps. Je n’en avais pas assez et puis, le montant échangé est taxé. C’est pourquoi j’attends toujours de me trouver en Belgique ou en France pour retirer de l’argent liquide. Mais j’ai des cartes de banque sur moi. Je propose d’utiliser ma carte bancaire française au distributeur automatique. Le policier me répond que ce n’est pas valable.
À partir de ce moment-là, je comprends que je ne pourrai pas rester
Ouiam Ziti, Etudiante en dentisterie à l’Université de Médecine et de Pharmacie Grigore T. Popa à Iași
Je présente alors ma carte roumaine et ma carte marocaine. Le policier refuse encore une fois. Je lui passe mon oncle au téléphone pour qu’il comprenne la situation. Vous devez savoir que mon oncle prend tous mes frais en charge depuis les sept années que je suis sur le sol européen. Il paie pour les droits d'inscription dans les écoles, le visa, les loyers... Il explique à l’agent qu’il était en mesure de lui assurer tout autre moyen de liquidités. Il lui garantit qu’il n’y a que des solutions dans cette histoire. Réponse du policier: ‘Je vous assure, Monsieur, qu’elle ne rentrera pas sur le territoire’. À partir de ce moment-là, je comprends que je ne pourrai pas rester”.
Long cauchemar
L’accueil n’est visiblement pas chaleureux pour un sou. Selon notre interlocutrice, il est même entaché d’une insinuation scabreuse: “L’un des policiers me dit: ‘Comme ça, vous faites des études en médecine dentaire. Ça tombe bien, j’ai une carie. On peut peut-être s’arranger...’”
La suite ne sera qu’un long cauchemar pour Ouiam Ziti: “Deux policiers me conduisent dans une pièce fermée. J’ai soif et j’ai besoin de prendre mes médicaments pour le cœur. Je sollicite un verre d’eau. On me promet que j’en aurai un après la procédure. Mais quelle procédure? Je suis toute seule. On m’a confisqué mes effets personnels. Je suis privée de mon téléphone. Au bout de 20 à 30 minutes, deux policiers reviennent dans la cellule au sous-sol. Ils repartent. Plus tard, une policière effectue la fouille corporelle sur ma personne. Elle est très gentille et m’offre le verre d’eau que j’avais réclamé. Après une longue attente, un autre policier vient à ma rencontre. Il me lit mes droits.
J’ai des hallucinations visuelles. Je fais des crises de panique.
Ouiam Ziti, Etudiante en dentisterie à l’Université de Médecine et de Pharmacie Grigore T. Popa à Iași
Sur le document qu’il me soumet, il est inscrit que j’ai le droit de recevoir de la nourriture. Cela fait plusieurs heures que je n’ai plus rien avalé. Je signe et je reçois un sandwich au thon alors que je suis allergique à la viande et au poisson. Je n’ai toujours pas le droit de récupérer mon smartphone. Je n’avais déjà pas dormi la veille de mon départ. Je suis en plein stress. C’est horrible. J’ai des hallucinations visuelles. Je fais des crises de panique. Je suis très inquiète pour mon père, car il est cardiaque et qu’il n’a plus de nouvelles de moi. J’ai peur qu’il ne fasse un malaise à cause de moi. Des amis téléphonent pour savoir où je me trouve. On leur répond: ‘Elle est avec nous’ et c’est tout. Les policiers raccrochent directement”.
Visa abrogé
Aux alentours de 17 heures, des agents réapparaissent: “L’un d’eux m’annonce que l’Office des Étrangers a décidé de me refouler et d’annuler mon visa. Il cherche à ce que je signe de nouveaux documents. Je refuse tant que je n’ai pas mon père au bout du fil. Finalement, on m’autorise à le contacter. Lorsque je rallume mon smartphone, je m’aperçois qu’il y a une centaine d’appels manqués. Je joins mon père. Je converse en arabe avec lui. Un des policiers me dit alors: ‘Si vous ne parlez pas en français, on ne va pas être amis’. J’obéis. Pourtant, eux, ne se gênent pas pour discuter en néerlandais devant moi.
Je fais remarquer que l’été dernier, je me suis rendue en Espagne pour des vacances avec ce même visa. J’ai bien vu que les policiers ne le savaient pas.
Ouiam Ziti, Etudiante en dentisterie à l’Université de Médecine et de Pharmacie Grigore T. Popa à Iași
Finalement, je dialogue avec mon père pendant une ou deux minutes et puis, on me reprend mon GSM. On m’invite encore à signer les documents. Je veux les lire avant, mais on ne me l’autorise pas. J’implore les officiers de m’expliquer pourquoi je dois signer. Je suis sur le territoire belge avec un visa français. Je fais remarquer que l’été dernier, je me suis rendue en Espagne pour des vacances avec ce même visa. J’ai bien vu que les policiers ne le savaient pas. Ils s’absentent cinq à dix minutes avant d’affirmer que cela ne changeait rien. Je suis expulsée. Mon visa est abrogé. Et je dois signer.
Malgré plusieurs demandes, on refuse de m’alimenter.
Ouiam Ziti, Etudiante en dentisterie à l’Université de Médecine et de Pharmacie Grigore T. Popa à Iași
Je redemande à lire les documents. On me rembarre. Le policier me rétorque qu’il n’a pas le temps et qu’il ne travaille pas qu’avec moi. Il me répète qu’il faut que je signe avant d’être envoyée dans un centre fermé. Je lui rétorque que je suis prête à prendre le premier avion de retour à mes propres frais, mais il n’y en avait pas avant vendredi”.
Centre de transit
Par après, direction le Centre de transit Caricole à Steenokkerzeel: “J’y suis conduite à 21 heures. Là-bas, on me saisit de nouveau toutes mes affaires: mon médicament pour le cœur, mes produits d’hygiène, mes tablettes... Je me retrouve isolée pendant six jours. Je ne suis sortie qu’une fois durant 15 minutes”.
Pour être tout à fait clair, Ouiam Ziti n’est pas placée en isolement. Elle décide elle-même de ne pas quitter sa chambre: “Il faut me comprendre. Je suis dans un état psychologique lamentable. Pour aller à l’extérieur, je dois appeler un membre du personnel au préalable. Il est impératif que personne d’autre ne soit dehors en même temps. En plus, l’infirmier me procure un autre médicament que celui que je prends habituellement pour mes soucis cardiaques. J’y suis allergique. Il me provoque de l’urticaire. Je suis complètement perdue. Je ne suis pas en capacité de raisonner convenablement”.
Procès-verbal
Elle fait tout de même appel à un avocat: “Il soutient tout d’abord qu’aucun procès-verbal n’a été rédigé au sujet de mon arrestation. D’après lui, c’est illégal”.
Interpellé à ce sujet au sein de la Commission de l’Intérieur, de la Sécurité, de la Migration et des Matières Administratives, le secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration, Sammy Mahdi (CD&V) spécifie: “Un rapport administratif reprenant le déroulement de l’audition a été établi par les autorités chargées du contrôle aux frontières. La décision de refoulement a été prise par l’Office des Étrangers et non par les autorités chargées du contrôle aux frontières”.
“Pays de loi”
La jeune femme poursuit son récit: “Ensuite, mon avocat m’apprend que dans les documents des autorités, il est indiqué que je n’avais aucun moyen de subvenir à mes besoins. Pourtant, j’avais mes cartes bancaires sur moi et mon oncle s’était porté garant pour mon séjour. Enfin, les policiers ont écrit que j’avais l’intention de rester durant 22 jours en Belgique. Je vous assure qu’à aucun moment, je n’ai prétendu cela.
Avant cette mésaventure, je n’avais jamais eu affaire à un policier de ma vie
Ouiam Ziti, Etudiante en dentisterie à l’Université de Médecine et de Pharmacie Grigore T. Popa à Iași
Je comptais passer deux ou trois jours au maximum en compagnie de mon oncle à Bruxelles. Personne n’a jamais voulu écouter ce que j’avais à dire. Je n’ai jamais pu m’expliquer. Un policier m’a dit: ‘Ici, vous êtes dans un pays de loi’. Mais cela fait sept ans que je réside en Europe. Je suis entrée sur le continent, en France, à l’âge de 16 ans. Avant cette mésaventure, je n’avais jamais eu affaire à un policier de ma vie. J’étais même disposée à quitter la Belgique le jour-même”.
Elle introduit un recours en extrême urgence devant le Conseil du Contentieux des Etrangers (CCE). Ce qui suspend son expulsion du territoire prévue le vendredi 17 décembre 2021: “L’audience a été programmée au mardi 21 décembre”.
Que des hommes
Après les six jours durant lesquels la Marocaine se recroqueville sur elle-même, elle est transférée “au deuxième service” du centre fermé: “C’est un coup au moral en plus. Je n’y rencontre pratiquement que des hommes. Une femme partage sa chambre avec son mari. On a éjecté son époux pour que je puisse m’installer avec elle. Je ne souhaite pas être désobligeante à l’égard des gens qui sont regroupés dans ce service.
Je suis terrifiée. Personne ou presque ne manie la même langue que moi. Tout le monde me défigure.
Ouiam Ziti, Etudiante en dentisterie à l’Université de Médecine et de Pharmacie Grigore T. Popa à Iași
Mais je suis terrifiée. Personne ou presque ne manie la même langue que moi. Tout le monde me dévisage. Un monsieur, notamment, se montre insistant. ‘Vous êtes mariée’ m’interroge-t-il. J’ai très peur. Mon avocat ne comprend pas non plus pourquoi on m’a dirigée vers ce centre car, en règle générale, il est réservé aux hommes”.
Officiellement, le Centre de transit Caricole a pour unique particularité de détenir des étrangers qui se sont vus interdire l’accès au territoire. C’est pour cette raison que Ouiam Ziti a été dirigée là-bas. “Exceptionnellement, elles peuvent être transférées vers un autre centre en fonction de la disponibilité de places” éclaire Sammy Mahdi dans la Commission de l’Intérieur, de la Sécurité, de la Migration et des Matières Administratives.
Régime plus favorable
Néanmoins, le régime auquel notre témoin est confronté est moins strict que lors de son passage dans la première section: “Lors des six premiers jours, je n’avais droit à aucune visite. Ici, bien. Mais je n’ai pas l’autorisation de toucher ou d’embrasser mes proches. Seule une heure par jour est accordée. Et un surveillant m’accompagne à chaque fois. Pour le reste, on ne me rend toujours pas mon smartphone. On m’octroie juste un vieux GSM Nokia 3310 avec une carte SIM pour pouvoir contacter ma famille et mon avocat”.
Audience manquée
Ouiam Ziti attend avec impatience de participer à l’audience du 21 décembre 2021: “C’est le seul moment où je peux plaider ma cause. La veille, je questionne le personnel du centre pour savoir comment mon déplacement allait être mis sur pied. Il me rassure. Des chauffeurs sont là pour ce type de requêtes. Je me lève à sept heures et demie du matin. L’audience est planifiée à neuf heures et demie.
Mon recours est rejeté car je n’étais pas présente au jugement
Ouiam Ziti, Etudiante en dentisterie à l’Université de Médecine et de Pharmacie Grigore T. Popa à Iași
Les salariés du centre me révèlent alors qu’ils n’ont pas reçu la convocation de l’Office des Etrangers. Moi, je l’avais. Je la leur montre sur l’ordinateur. Ils s’éclipsent un instant avant de m’annoncer qu’il n’y avait aucun conducteur disponible. Mon droit est bafoué. Mon recours est rejeté car je n’étais pas présente au jugement”.
D’après les règles de la CCE, la présence de la plaignante n’est pas obligatoire à condition que son avocat la représente. Ce qui a été le cas. Toutefois, on peut deviner entre les lignes que la présence des deux personnes est souhaitée: “Vous et/ou votre avocat devez être présents à l’audience. La loi vous oblige à comparaître à l’audience ou à y être représenté. L’absence à l’audience sera sanctionnée”.
Le règlement notifie qu’en principe, aucun report n’est admis lors d’un empêchement.
Qui plus est, la CCE ne tranche que sur la légalité de l’acte et non sur l’opportunité de la décision.
Pourquoi?
Contactée par nos soins, la directrice du Centre de transit Caricole, Rika Goethaels, ne sait pas nous renseigner précisément sur la raison de l’indisponibilité des chauffeurs le 21 décembre 2021. Mais elle émet deux hypothèses: “Chaque personne amenée dans le centre subit un test PCR (NDLR. polymerase chain reaction en anglais ou réaction de polymérisation en chaîne en français) pour déterminer si elle est porteuse du Covid-19 ou non. En attendant les résultats, elle est placée en quarantaine. Entre le jour de l’arrivée de votre témoin le 13 décembre en soirée et la date de son audience, le 21 décembre, huit jours se sont écoulés. Or, ce n’est qu’au bout de neuf jours que sa quarantaine est terminée”.
Cette explication ne tient pas vraiment debout puisque Ouiam Ziti nous a expliqué qu’elle avait été confinée durant six jours et pas neuf.
L’autre éventualité évoquée par Rika Goethaels est une grève des chauffeurs. C’est le service de transport “Bureau T” de l’Office des Etrangers qui est chargé de conduire un(e) occupant(e) d’un centre fermé vers une quelconque juridiction. Nous avons vérifié et nous n’avons pas connaissance d’un arrêt de travail en date du 21 décembre 2021.
Retour en Roumanie
Après qu’elle ait été déboutée de son action, l’étudiante décide de rentrer en Roumanie.
Son départ a lieu le vendredi 24 décembre 2021: “C’est la période des fêtes de fin d’année. C’est le premier vol disponible. Les autres sont tous complets. J’achète mon ticket avec mon propre argent pour pouvoir m’en aller au plus vite. Le policier me fait parapher mon document de sortie. Il demande la carte SIM de mon téléphone. Or, mon billet d’avion est en format numérique sur ma boîte e-mail.
Je suis traitée comme une criminelle alors que c’est moi qui me suis procurée mon billet d’avion
Ouiam Ziti, Etudiante en dentisterie à l’Université de Médecine et de Pharmacie Grigore T. Popa à Iași
C’est mon oncle qui me l’a envoyé. Je n’ai pas eu de petit-déjeuner. Malgré plusieurs demandes, on refuse de m’alimenter. On me promet de me donner à boire et à manger: un sandwich avec du fromage, du café et de l’eau. Mais je n’ai jamais rien vu venir. Après la fouille, on me rend finalement la carte SIM et j’ai accès à mon ticket. L’avion a du retard. Je suis entourée de trois policiers. L’un d’eux montre le document au pilote. Je pénètre dans l’appareil avec les policiers avant tous les autres passagers. Je suis traitée comme une criminelle alors que c’est moi qui me suis procurée mon billet d’avion. Pourquoi m’humilie-t-on devant tout le monde? Je n’ai jamais vécu ça de toute ma vie”.
Indignation politique
Son indignation est partagée par plusieurs députés à la Chambre des Représentants. Au sein de la Commission de l’Intérieur, de la Sécurité, de la Migration et des Matières Administratives, Sammy Mahdi (CD&V) précise, entre autre, les conditions dans lesquelles Ouiam Ziti a été retenue au Centre de transit Caricole: “Les chambres de quarantaine au Caricole disposent d’une salle de bains avec douche et toilette, d’une télévision et du Wi-Fi. Les résidents ont également leur smartphone et peuvent donc passer et recevoir des appels en permanence”. Sur ce dernier point, notre interlocutrice prétend pourtant le contraire.
Par contre, Sammy Mahdi reconnaît que la Marocaine devait apostropher un membre du personnel pour pouvoir sortir.
Séquelles physiques et psychologiques
Toute cette histoire laisse encore des séquelles dans le chef de notre interlocutrice: “Finalement, j’ai perdu 11 jours alors que je suis en pleine session d’examens. Ma santé s’est détériorée. Récemment, j’ai souffert d’une crise de tachycardie. Mes pulsations cardiaques sont montées jusqu’à 139 par minute (NDLR. généralement, le cœur bat entre 60 et 80 fois par minute). Cela ne m’était encore jamais arrivé. Depuis ces événements, je dors très peu. Je fais des cauchemars. J’ai perdu du poids”.
Nouveau recours
Ouiam Ziti a maintenant déposé un autre recours “par voie normale”. Mais elle ne le fait pas dans le but de revenir en Belgique: “Ma seule demande est que l’abrogation de mon visa Schengen soit annulé. Si je dois être bannie de la Belgique, je l’accepterai. Tout ce que je veux, c’est qu’on ne gâche pas mon avenir. Si la résiliation de mon visa est confirmée, je n’aurai plus le droit de rejoindre la France pendant quatre années. Or, je suis une étudiante francophone de l’Université de Médecine et de Pharmacie de Iași. Pour la bonne réussite de mon parcours universitaire, j’ai besoin d’effectuer des stages dans un pays francophone. Depuis le début, je cherche à en obtenir en France et en Belgique.
J’ai déjà des stages qui sont programmés
Ouiam Ziti, Etudiante en dentisterie à l’Université de Médecine et de Pharmacie Grigore T. Popa à Iași
J’examine les propositions qui s’offrent à moi. J’ai déjà des stages qui sont programmés. J’ai l’attestation d'un dentiste du Havre, en France, qui est enclin à m’accueillir. Il me promet en plus une spécialisation. C’est important car on ne peut rien obtenir sans spécialité. Normalement, je dois me rendre là-bas à la fin du mois d’avril. Au programme: deux semaines de stage et deux semaines de formation. Ensuite, j’ai un autre stage à Paris prévu à la fin du mois de juillet qui doit servir à valider mon année”.
Il lui reste une année d’études et une année de thèse à boucler avec succès pour recevoir son précieux sésame: son diplôme.
Le secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration a soulevé le problème du visa au sein de la commission parlementaire. Il veut apaiser tout le monde: “Dans la mesure où l’intéressée n’a pas fait l’objet d’une interdiction d’entrée, la décision de refoulement et l’abrogation de son visa n’auront pas d’incidence sur un éventuel futur visa ou séjour en Belgique ou en France”.
Comité P
En attendant, le député fédéral, Simon Moutquin (Ecolo), a déclaré qu’il allait entamer des procédures notamment vis-à-vis du Comité P pour enquêter sur le comportement des policiers dans cette affaire.
Le Comité P est le Comité Permanent de contrôle des services de police.
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