En six jours, Ali Coskun a investi plus de 3.800 euros pour les SDF: “Ma plus belle expérience de vie”
InterviewNous vous avons déjà parlé de l’action humanitaire de l’ancien avocat d’Anderlues, Yves Losseau, qui distribue des repas aux Sans Domicile Fixe (SDF) de la région de Charleroi. Confronté à la détresse d’une partie de plus en plus importante de la population, il en appelle aux autres à suivre son exemple. Un habitant de Marcinelle (Charleroi), Ali Coskun, vient de se lancer.
Malik Hadrich
Cela fait six jours maintenant qu’Ali Coskun (29 ans) investit son temps et son argent pour les sans-abri de Charleroi. Jusqu’ici, il a sorti de sa poche plus de 3.800 euros et chaque jour, il consacre deux heures en soirée pour distribuer des biens en tout genre aux nécessiteux: “Les collectes, nous les distribuons principalement dans les centres d’accueil de nuit. Celui d’Auvelais et les trois connus à Charleroi. Nous allons au Triangle à Mont-sur-Marchienne et à l’Ilôt à Jumet notamment.
De 20 heures 30 jusqu’à 21 heures, nous courons dans tous les centres. Nous n’arrêtons pas. Dans tous les sens et dans tous les centres.
Ali Coskun, Citoyen engagé
Et grâce maintenant aux personnes qui m’ont rejoint, je reçois des adresses de squats. De 20 heures 30 jusqu’à 21 heures, nous courons dans tous les centres. Nous n’arrêtons pas. Dans tous les sens et dans tous les centres. Parce qu’après, il y a l’appel et les gens doivent rentrer. Or, ils ne peuvent pas ressortir facilement. Une fois que nous avons terminé ça, nous tournons dans le maximum de squats potentiels pour donner des sacs de couchage. Jusqu’à 22 heures puisqu’après, c’est le couvre-feu.”
Engouement surprenant
Pulls, vestes d’hiver pour hommes ou femmes, couverts, sous-vêtements, chaussures ou nourriture... Tout ne provient pas de lui. D’autres citoyens font des dons: “Pratiquement 200 personnes ont été sensibilisées par mon initiative et me prêtent main forte. Je ne m’attendais pas du tout à un tel engouement. Je sais que j’ai un entourage très généreux et qui a un grand cœur, mais je pensais que nous allions être une dizaine au maximum. Mais quand je vous dis que nous sommes 200, nous sommes peut-être en réalité 300 ou 400. Je reçois des messages dans tous les sens: ‘Monsieur, je peux vous donner des couvertures?’, ‘Monsieur, je peux vous donner des pulls?’, ‘Monsieur, je peux faire de la soupe?’... Franchement, je ne m’y attendais vraiment pas. Et ça me fait vraiment plaisir de voir cet élan de solidarité. J’ai fait le premier pas, mais nous marchons tous ensemble.”
Pour parvenir à toucher autant de monde, il n’y a pas eu de recette miracle: “Le bouche à oreille. J’ai demandé à chaque personne qui ne savait peut-être pas aider notre cause de partager mon message, d’en parler autour d’elle. Cela ne coûte rien. Tout le monde peut terminer sans-abri. Tout le monde peut se retrouver en détresse dans la rue. C’est comme ça que j’ai fait parler de moi. Des gens très généreux sont venus vers moi mais aussi des ASBL ou encore des anciens travailleurs d’ASBL qui me conseillent et m’épaulent. Ça s’est fait naturellement.”
Aujourd’hui, son initiative a tellement pris d’ampleur qu’il va fonder une Association Sans But Lucratif (ASBL). Elle s’appellera 'Ça vient du cœur’: “Ça me permettra d’exercer mes activités en toute légalité. Mais évidemment, je ne peux pas refuser l’aide que l’on m’apporte en attendant. Quand je vois la précarité qu’il y a dans la rue, je ne peux pas me permettre de dire ‘Non, je ne peux pas accepter.’ Je le fais et maintenant, nous allons faire ça dans les règles de l’art.”
Coup de tête
Tout est pourtant parti de rien ou presque. C’est presque sur un coup de tête qu’Ali Coskun s’est mis en tête de tendre la main aux démunis: “Je grillais une cigarette devant chez moi car je ne fume pas dans ma maison. Je rentrais du bureau. Il faisait tellement froid que j’ai décidé de rentrer à l’intérieur. J’ai poussé la porte. J’ai senti un vent d’air chaud sur le visage. C’est là que je me suis rendu compte de la chance que j’avais. Dans la foulée, j’ai publié un post Facebook pour annoncer que j’allais aider les gens de la rue.”
Expérience de vie
Aujourd’hui, il ne regrette pas le moins du monde de s’être lancé dans l’aventure. “C’est la plus belle expérience de ma vie” déclare-t-il. “En plus des collectes, j’ai acheté quelques vêtements et autres. C’est réellement au premier bonnet que j’ai distribué, au premier don que nous avons fait tous ensemble que je me suis dit: ‘Ali, il faut que tu continues ça.’”
Notre interlocuteur a été réellement surpris par la reconnaissance que les SDF lui témoignent et par le sens du partage qui est le leur. Au bout du compte, il en retire lui-même un bénéfice: “Je ressens de l’apaisement, une reconnaissance, une émotion que je ne peux pas décrire. Il faut le vivre pour le comprendre. À cause de la Covid-19, nous étions tous anxieux, angoissés, stressés. Depuis que je fais ça, je suis libéré. Je me sens mieux. C’est la plus belle des thérapies. C’est le plus beau des médicaments. Même le meilleur psychologue n’aurait pas su résoudre mon problème avec autant d’efficacité. Je suis tellement heureux et en paix avec moi-même.”
Son objectif est désormais de rallier encore plus de concitoyens à sa cause. Ce dont il a le plus besoin pour l’instant, ce sont des sacs de couchage.
Dons
Pour faire un don, il suffit de liker la page Facebook intitulée ‘Ça vient du cœur’ et d’envoyer un petit message privé. “Il y aura un contact avec chaque personne” assure Ali Coskun. “Je veux qu'il y ait ce contact humain car il ne s’agit pas uniquement d’offrir aux plus démunis. C’est aussi former une grande famille, parler avec chacun, remercier chaque donateur. C’est un élan de solidarité. Nous sommes tous ensemble.”
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