Hadja Lahbib réagit pour la première fois au voyage controversé en Crimée: “Il est vraiment irresponsable de jouer de tels jeux politiques”
La nouvelle ministre des Affaires Étrangères a jugé “regrettable, dans le contexte international actuel”, la polémique autour de son déplacement en Crimée en 2021. “Ce sont des petits jeux politiques. En période de guerre, c’est irresponsable de jouer à cela”, confie-t-elle à nos confrères de Het Laatste Nieuws en marge de sa visite de travail au siège de l’ONU à New-York.
La ministre des Affaires Étrangères, Hadja Lahbib (MR) a confirmé mardi son intention de se rendre en Ukraine lorsque les conditions le permettront. “Nous allons préparer ce voyage, mais cela ne s’improvise pas. Il faut que le timing soit bon”, a-t-elle précisé, interrogée par Belga en marge de sa visite de travail au siège de l’ONU à New-York, consacrée depuis dimanche à la Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.
Elle a également répondu à plusieurs questions du journal flamand Het Laatste Nieuws. Interview.
À New York, vous avez rencontré de nombreux ministres des Affaires étrangères et dignitaires des Nations unies. L’un d’entre eux vous a-t-il parlé de la polémique autour de votre voyage en Crimée?
“Absolument pas. Sur la scène internationale, ce n’est absolument pas un problème. Nous n’en parlons pas. Honnêtement, la controverse est purement politique. Il est vraiment irresponsable de jouer de tels jeux politiques, alors qu’une guerre est en cours en Europe. C’est dommage.”
Ne comprenez-vous donc pas la controverse? Vous avez voyagé en Crimée via Moscou, aux frais de la Russie. En Ukraine, c’est assimilé à de la collaboration...
“Il faut prendre la situation dans son contexte. Le voyage a eu lieu il y a un an, avant la guerre. Je me suis rendue en Crimée en tant que journaliste. Ce travail n’est pas comparable à celui d’un ministre. C’était mon souhait d’y aller car cela correspondait parfaitement à d’autres voyages que j’avais effectués dans le passé. La controverse porte sur mon travail de journaliste et il ne faut pas le confondre avec mon rôle actuel de ministre. Maintenant, je fais d’autres choix.”
Vous y étiez en effet en tant que journaliste, mais à la radio, vous avez ensuite fait des déclarations très russophiles. Ce n’était pas un regard critique de la situation en Crimée...
“Encore une fois, il faut remettre les choses dans leur contexte. À la radio, je parlais de l’annexion de la Crimée par la Russie, qui n’a pas été reconnue par la communauté internationale.
J’ai accepté l’invitation russe, autrement, je n’aurais jamais eu accès à la Crimée en si peu de temps et je n’aurais pas pu voir si cela valait la peine d’y faire un documentaire
Vous étiez d’ailleurs très enthousiaste à propos de ce documentaire. Qui a été le premier à suggérer qu’il ne devrait pas être diffusé?
“C’est moi! C’était mon choix à 100%. Pour être claire: ce documentaire n’a jamais été enregistré ni monté. Je voulais montrer la réalité de la Crimée. C’est aussi la raison pour laquelle j’ai accepté l’invitation russe: sinon, je n’aurais jamais eu accès à la Crimée en si peu de temps et je n’aurais pas pu voir si cela valait la peine de faire un documentaire. S’il s’avère ensuite que la Russie ne soit pas en mesure de garantir la liberté journalistique, vous devez faire certains choix. Le documentaire n’a donc jamais été réalisé. Et puis la guerre a commencé.”
Pourquoi avez-vous gardé le silence sur cette affaire pendant si longtemps? Ça donnait l’impression que vous aviez quelque chose à cacher.
“J’ai donné la priorité aux dossiers importants des Affaires étrangères. De plus, j’ai perdu un membre de ma famille la semaine dernière, c’était donc aussi une période difficile sur le plan personnel. Je n’ai littéralement pas eu le temps de réagir à des polémiques qui sont en fait de la pure politique. Des faits qui ont été manipulés par quelqu’un qui n’avait rien d’autre à faire pendant l’été. Vraiment, c’est une honte. Jouer à des jeux politiques de ce genre dans un contexte international tendu, où les relations diplomatiques sont si importantes, ce n’est tout simplement pas responsable.”
Aviez-vous informé Georges-Louis Bouchez?
“Cela n’a pas été discuté spécifiquement avec Georges-Louis, mais ce n’était pas un secret. C'était sur mes réseaux sociaux depuis un an. Personne n’en a fait toute une histoire. Jusqu’à aujourd’hui.”
Le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba, vous a envoyé une lettre. Cela a-t-il atténué les tensions?
“Kouleba porte beaucoup de confiance en la Belgique, il sait que nous les soutenons à 100%. Il n’y a aucun problème avec la Belgique et avec moi personnellement. Nous allons donc poursuivre le dialogue serein entre nos deux pays.”
Vous pouvez donc faire votre travail de ministre des Affaires étrangères sans aucun problème et maintenir de bonnes relations avec l’Ukraine?
“En effet, il n’y a absolument aucun problème.”
Avez-vous toujours l’intention de vous rendre en Ukraine dans un avenir proche?
“J’ai d’abord d’autres voyages à l’ordre du jour. Pour l’instant, l’Ukraine a d’autres chats à fouetter, comme l’évacuation de la région de Donetsk. Notre priorité est donc de leur apporter un soutien suffisant et de veiller à ne pas les abandonner.”
Certaines rumeurs disent que l’Ukraine vous a déjà refusé l’accès au territoire à plusieurs reprises. Est-ce vrai?
“Non, ce n’est qu’une rumeur. Le voyage n’a pas encore été planifié car la sécurité ne peut être garantie et aucune date n’a été fixée dans le calendrier. Ce n’est donc pas parce que je ne serais pas la bienvenue.”
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