Il quitte le MR pour Défi à cause de Bouchez: “La goutte d’eau qui a fait déborder le vase”
InterviewCes derniers temps, le président du Mouvement Réformateur (MR), Georges-Louis Bouchez, a créé pas mal de remous. Aussi bien chez ses partenaires de coalition dans les différents gouvernements que dans son propre parti. Un des membres du MR à Châtelet en a tiré ses conclusions et a fermé la porte derrière lui.
Malik HadrichDernière mise à jour:28-01-22, 19:10
Le conseiller communal, Daniel Soudant, délaisse le MR pour Défi. À la base de sa décision: Georges-Louis Bouchez. “Je ne suis plus en phase avec la ligne idéologique de Georges-Louis Bouchez. Le MR vire trop à droite. Du côté conservateur. C’est ce qui est ressorti de ma réflexion. Pour moi, le libéralisme est synonyme de solidarisme. À ne pas confondre avec solidarité sociale! Je n’avais plus l’impression que c’était encore le cas au MR. Dès lors, il ne me reste plus que deux choix. Soit je me tais et je fais la gueule. Soit je l’ouvre et je démissionne. J’ai choisi la deuxième solution”.
Le solidarisme est défini par le Petit Larousse comme une théorie morale et sociale fondée sur la solidarité. Comme le résume parfaitement ce travail d’un doctorant en philosophie à l’Université McGill au Canada, ses défenseurs “cherchent à trouver une voie médiane entre un capitalisme –celui prôné par les économistes libéraux– qui, au détriment de la solidarité sociale, fait toute la place à la liberté individuelle, et un socialisme révolutionnaire qui souhaite renverser l’ordre social et restreindre la liberté individuelle au profit de l’égalité et, peut-on penser, de la solidarité sociale”.
Pas le seul
C’est ce que Daniel Soudant ne retrouve plus au MR. Or, selon lui, il n’est pas le seul à le regretter: “Je dis tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Mais croyez-moi! Il y a beaucoup de militants ou à tout le moins beaucoup de membres qui partagent mon opinion. Le président d’un parti impulse une idéologie et il s’avère que je ne suis plus du tout en phase avec les positions actuelles du MR. Je n’apprécie pas les attaques perpétuelles de Georges-Louis Bouchez vis-à-vis de tout le monde et notamment de ses partenaires de majorité”.
Il pense d’ailleurs qu’il est le premier d’une longue série de désistements à venir: “D’autres vont probablement suivre. Ils sont déjà nombreux à ne plus renouveler leur affiliation au parti. Mon départ va peut-être donner une impulsion à d’autres”.
Deux éléments déclencheurs
En ce qui le concerne, deux événements récents l’ont amené à trancher dans le vif. Le premier a trait à la politique... française: “Quand je lis l’interview de Georges-Louis Bouchez dans laquelle il affirme qu’il a plus de respect pour Eric Zemmour que pour Valérie Pécresse en France, cela me choque profondément. Je ne peux pas être d’accord avec ça. Zemmour, c’est l’extrême-droite. Je ne peux pas entendre ça. Et même si Georges-Louis Bouchez déclare qu’il combat les idées de Zemmour, ce n’est pas l’idée que je me fais du libéralisme. Pour moi, le libéralisme de Georges-Louis Bouchez est loin de celui du siècle des Lumières”.
Le second à la politique régionale wallonne: “Lorsque je constate la manière avec laquelle lui et des députés ont mis des bâtons dans les roues de Jean-Luc Crucke (NDLR. ex-Ministre des Finances, du Budget, des Aéroports et des Infrastructures sportives) pour son projet en faveur d’une fiscalité plus juste, je ne pouvais plus faire comme si de rien n’était. C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase”.
Deux libéraux, deux choix
Pourtant, notre interlocuteur est un libéral convaincu: “Je suis rentré aux Jeunesses Libérales en 1978. J’ai même officié durant 15 ans comme conseiller à la présidence. Mais je n’avais jusqu’ici jamais été confronté à pareille désunion. Je n’ai pas toujours été d’accord sur tout, mais je n’en étais jamais arrivé à un point de rupture. Je ne reconnais plus mon parti”.
Ceci dit, d’autres que lui préfèrent tenter de faire changer les choses au sein même du MR. C’est le cas, par exemple, de Denis Ducarme: “Je respecte totalement les actions et le choix de Denis Ducarme. Je n’ai absolument aucun reproche à lui faire. Peut-être n’est-il pas encore arrivé au même point de rupture que moi? Ceci dit, ce n’est pas plus mal qu’il mène le combat de l’intérieur. Mais à la différence de moi, c’est un poids lourd du parti”.
Tensions internes
Du côté du MR de Châtelet, l’annonce du départ de Daniel Soudant ne fait pas que des malheureux. L’ex-président de la section locale, Marcel Deltenre, ne laisse planer aucun doute dans une de ses publications Facebook: “On nous l’avait placé dans les pieds pour ce résultat....?? Mais quelle bonne nouvelle, un loup sans meute vient de quitter les rangs. Certes, il a trouvé un nouveau terrain de chasse. Les responsables de son nouveau terrain ne vont pas tarder à se rendre compte, que le loup est incapable de rassembler, mais son seul but, est de se retrouver le chef de meute.
Je ne conteste pas ses ‘facultés’, mais bien ses méthodes qui sont... comment dire?... conformes à son ego démesuré
Marcel Deltenre, Ex-président du MR à Châtelet
Mais je vous invite à lire attentivement la définition du mot ‘meute’. Je ne conteste pas ses ‘facultés’, mais bien ses méthodes qui sont... comment dire?... conformes à son ego démesuré. On nous a imposé sa présence, il a détruit notre section qui était, avant son arrivée, la troisième plus forte section locale et avait collecté des dizaines de nouveaux affiliés. Les instances supérieures n’ont pas voulu nous écouter, aucun soutien sauf d’une personne qui à aussi mon soutien inconditionnel.
Il y a quand même deux choses positives dans l’histoire, il a quitté le MR et ne sera pas non plus le porte-parole pour Charleroi
Marcel Deltenre, Ex-président du MR à Châtelet
J’espère que les ‘grands politiques’ chez qui nous avons dénoncé l’attitude de ce personnage et qui ont ignoré nos appels, s’en mordent les doigts. Il y a quand même deux choses positives dans l’histoire, il a quitté le MR et ne sera pas non plus le porte-parole pour Charleroi. Et dans l’avenir, Messieurs les ‘hauts placés’, écoutez les sections locales. Ne pas ignorer ceux qui travaillent sur le terrain, qui se dévouent corps et âme pour les citoyens et chassez les arrivistes prétentieux sans aucune pédagogie qui ne visent qu’une ‘place’”.
Daniel Soudant, lui, ne nie pas les tensions internes. Mais il se défend: “En juillet 2018, Denis Ducarme souhaitait remettre de l’ordre dans la section locale et j’ai été choisi comme tête de liste à Châtelet. Or, je n’habite la commune que depuis le mois de février 2016. Certains qui vivent à Châtelet depuis plus longtemps n’ont pas apprécié. Cela a provoqué de la rancœur et de la frustration. Par la suite, on a déjà crevé les pneus de ma voiture. J’ai aussi été agressé verbalement. On me disait que je n’étais pas un chef de meute, que j’avais un égo surdimensionné, que mon seul intérêt était le pouvoir, que j’étais un dictateur...
Les soucis sont dus à quelques membres et ils se représenteront. Cela restera une section problématique
Daniel Soudant, Conseiller Communal à la Ville de Châtelet
Après les élections durant lesquelles le MR avait gagné un siège et pour lesquelles j’avais réalisé le deuxième score de la liste, on m’a proposé la place de chef de groupe au Conseil Communal et celle de la présidence de la section locale. Or, je ne désirais pas la présidence. J’ai accepté à contre-cœur par fidélité pour mon parti. D’ailleurs, j’ai démissionné de ces deux postes en juin 2021. Les problèmes ne sont pas neufs au MR de Châtelet. L'objectif avec ma nomination était d’y ramener un équilibre et de la sérénité. Je n’y suis pas parvenu. Mais les soucis sont dus à quelques membres et ils se représenteront. Cela restera une section problématique”.
Désormais, ils seront deux (au lieu d’un seul) au Conseil Communal châtelettain à défendre la couleur amarante de Défi.
Pourquoi Défi?
Pourquoi Daniel Soudant a-t-il décidé de rallier Défi? “Pour deux raisons. La première, c’est qu’au tout début dans les statuts du parti, il est indiqué que Défi prône un libéralisme social. La seconde, c’est que le président (NDLR. François De Smet) est un ami de longue date et avec lui, je retrouve des valeurs que je ne retrouvais plus au MR”.
Comme le président du centre démocrate Humaniste (cdH), Maxime Prévot, avant lui, François De Smet a d’ailleurs lancé un appel du pied aux autres déçus du MR.
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