“J’ai eu peur à l’idée de ne jamais revoir mes enfants”: les 48 heures les plus longues de la vie de Julie
Julie Simonis habite à Trooz. Durant 48 heures, elle a été séparée de son compagnon, de son fils de trois ans, Lenzo, et demi et de sa fille de neuf mois, Savannah, à cause des inondations. Elle nous raconte comment elle s’est sentie impuissante et comment elle s’est battue pour retrouver sa famille.
Sarah Moran GarciaDernière mise à jour:27-07-21, 13:28
Le 14 juillet débute comme un mercredi normal pour Julie Simonis. Vers 5h15 du matin, la Troozienne se lève et se prépare à partir pour le travail. Un dernier bisou à ses enfants et elle s’en va sous la pluie pour rejoindre Heusy. Vers 11h, la mère de famille découvre avec stupeur les images des inondations. “Je téléphone alors à tout monde pour voir si ça va. À ce moment-là, mon mari me dit qu’il y a un peu d’eau dans la cave, mais rien de grave”, explique Julie. Malgré tout, elle s’inquiète. Thomas, son compagnon est seul à la maison avec son fils de trois ans et demi et sa fille de neuf mois.
14h arrive alors. Julie termine sa journée. Elle sonne à nouveau à son compagnon qui lui explique que l’eau monte encore. À un tel point que l’on ne voit presque plus le toit des voitures. “Je m’en vais. Theux étant déjà bloqué, je prends l’autoroute vers Fléron et descends par la rue de Bouny. Mais là aussi, tout est bloqué. Je téléphone à Thomas qui me dit que l’eau est rentrée au rez-de-chaussée”, se souvient Julie. Pour elle, c’est la panique. La jeune maman décide de laisser sa voiture sur place et de poursuivre son chemin à pied.
Détermination
Cinq kilomètres la séparent de la rue de Verviers, où elle vit, et de sa famille, mais elle est déterminée. “Malheureusement, 500 mètres plus loin, la rue est complètement sous eaux. Les pompiers s’arrêtent, me chargent et essaient de passer. Mais le courant est trop fort, c’est trop dangereux pour eux. Ils décident donc de me ramener à ma voiture. Je comprends alors que je ne rentrerai pas à la maison, que je ne verrai pas mes enfants et mon compagnon”, explique-t-elle. Julie se réfugie alors chez ses beaux-parents avec qui elle essaie de trouver un moyen de rejoindre sa famille. En vain.
Elle reste toutefois en contact régulier avec Thomas qui lui explique être coincé au 1er étage. Il n’y a plus d’électricité dans la maison, donc rien pour chauffer le biberon de sa fille de neuf mois. “Elle ne boira que 10 millilitres de lait au lieu des 210 habituels”, commente-t-elle.
Je deviens folle. Je crie à l’aide. Tout le monde le voit, mais personne ne répond...
Julie Simonis
À plusieurs reprises, la mère de famille appelle les pompiers et la protection civile, lance des appels à l’aide sur les réseaux sociaux: “J’ai peur, je suis tétanisée à l’idée de peut-être ne jamais revoir mes enfants et mon compagnon. Je me sens impuissante. Je veux être avec eux.” Plus tard dans la journée, on lui annonce que l’armée et les secours vont aller les chercher. L’espoir renaît enfin... mais rien ne se passe. “Ils sont tellement débordés”, commente-t-elle.
Thomas n’ayant presque plus de batterie, il lui envoie un dernier message pour lui donner des nouvelles des enfants. Puis son téléphone s’éteint. “Je deviens folle, car mon papa ne me donne plus de nouvelles non plus. Je crie à l’aide. Tout le monde le voit, mais personne ne répond...”, regrette Julie.
Sauvetage
Le 15 juillet, dans la matinée, elle reçoit un message d’un inconnu avec ces mots: “J’ai sauvé votre mari et vos enfants. Ils vont bien et sont au sec.” Après les larmes de peur et de tristesse, ce sont à présent des larmes de joie qui coulent sur les joues de Julie: “Ils sont enfin sauvés. Sauvés par des citoyens que je ne remercierai jamais assez.” Plus tard, elle apprendra que ces sauveurs ont utilisé une baignoire pour bébé pour évacuer les enfants sur l’eau. “Mon fils, ma fille et mon mari ont été très courageux”, commente-t-elle.
Ils sont alors accueillis chez un couple qui vit rue Sainry puis hébergé à Péry. Les animaux de la famille, eux, demeurent bloqués dans la maison sous eaux, mais ils sont en sécurité.
Le 16 juillet, les routes réapparaissent peu à peu après la décrue. C’est aussi le jour où Julie a enfin pu retrouver sa famille, après en avoir été éloignée durant 48 heures. C’est le soulagement. “Je ne veux plus jamais les quitter”, nous dit-elle. “Je suis tellement fière de mon compagnon qui a tout fait pour nos enfants et qui a assuré comme un héros.”
Jamais je n’aurais imaginé un jour partir travailler et ne jamais rentrer chez moi...
Julie Simonis
Le pire est à présent derrière elle, mais le chemin vers une vie normale est encore long. Sa maison a subi d’importants dégâts, comme de nombreuses autres à Trooz. Lorsqu’elle voit le carnage laissé par les inondations, son cœur se brise. Même si elle ne préférait pas y penser, Julie se dit que sa famille aurait pu y rester. “Jamais je n’aurais imaginé un jour partir travailler et ne jamais rentrer chez moi...”, commente-t-elle.
Cauchemars
Les jours qui ont suivi ces terribles événements ont été éprouvants pour son fils de trois ans et demi: “Il faisait des cauchemars et criait dans son sommeil: “Papa ne me laisse pas tout seul”. Il ne voulait plus se laver, car il avait peur de l’eau. Les images à la télévision le perturbaient”, se souvient encore la jeune maman. Elle s’en est voulue de ne pas avoir été là pour eux durant ces 48 heures.
Il leur reste à présent un énorme travail à faire pour pouvoir remettre leur maison en état et pouvoir à nouveau y vivre. Heureusement, Julie, Thomas, Lenzo et Savannah sont actuellement hébergés dans la famille et s’installeront bientôt dans un appartement provisoire. “Beaucoup n’ont pas cette chance”, elle s’en rend bien compte. “Nous avons été entourés par les bénévoles. Heureusement qu’ils étaient là.”
Le 24 juillet, Julie et Thomas devaient se dire oui pour la vie. Malheureusement, l’eau a emporté leur projet de mariage.