La quarantaine assouplie dans les écoles n’enthousiasme pas dans la région carolo: “Tout ça en une semaine!”
Témoignages et interviewsLes différents ministres en charge de la Santé se retrouvent ce mercredi matin avec leurs homologues en charge de l’Éducation pour discuter d’une possible adaptation des règles sanitaires dans les écoles. Le Ministre fédéral, Franck Vandenbroucke (Vooruit), plaide pour un assouplissement de la quarantaine. À Charleroi, on se questionne.
Malik HadrichDernière mise à jour:26-01-22, 09:45
Le Collège Saint-Michel à Gosselies, l’Athénée Royal de Pont-à-Celles, l’Institut d’Enseignement Technique (IET) Notre-Dame à Charleroi, l’Enseignement Professionnel Secondaire Inférieur Spécialisé (EPSIS) Les Murets à Courcelles... Toutes ces écoles et bien d’autres encore de la région carolorégienne ferment leurs portes entièrement ou partiellement pour cause de Covid-19.
L’Échevine de l’Enseignement de la Ville de Charleroi, Julie Patte (PS), confirme la tendance: “Dans l’enseignement communal, une cinquantaine de classes sont fermées sur 800. Cela équivaut à six ou sept pourcents. Il y a beaucoup de contaminations”.
Contaminations accrues
De son point de vue, cette nouvelle vague est celle qui a le plus de conséquences sur le fonctionnement des établissements scolaires: “Le variant Omicron est très contagieux. Je n’ai pas les chiffres sous les yeux, mais je trouve qu’il n’y a jamais eu autant d’infections en même temps. Il y en a un peu partout. Le nombre d’Emergency Brake est limité. La plupart des fermetures sont dues à des raisons organisationnelles”. Cela signifie que les classes fermées s’expliquent majoritairement par un nombre insuffisant d’enseignant(e)s et d’éducateurs ou éducatrices disponibles.
Pour information, l’Emergency Brake est le terme employé pour définir le seuil à partir duquel une classe doit être fermée lorsqu’il y a des cas Covid-19. Actuellement, ce seuil est de quatre cas en une semaine. Et la clôture doit durer cinq jours.
Quarantaine assouplie
Malgré cette situation compliquée, le ministre fédéral de la Santé, Frank Vandenbroucke, prône pour un assouplissement des règles de quarantaine dans les écoles. Il propose que les enfants ayant eu un contact à haut risque dans leur milieu familial ne soient plus écartés automatiquement des cours en présentiel. Seuls les contaminés, symptomatiques ou non, seraient toujours tenus de rester à la maison.
Julie Patte se montre dubitative par rapport à cette suggestion: “Je ne suis pas infectiologue. Mais fin novembre, début décembre, nous avons fait face à des méga clusters. Du coup, les écoles touchées ont dû être fermées pendant un long moment. Il ne faudrait pas que ça se reproduise. Il ne faut pas que les classes deviennent des chambres de contamination. Je suis donc d’avis qu’il faut les fermer quand c’est nécessaire pour ne pas mettre en difficulté tout le système. Sans quoi, il faudrait attendre 1.000 fois plus longtemps avant une réouverture. Ce serait pire. Notre volonté est de minimiser le nombre d’absences et de rouvrir les classes dès que c’est possible”.
Directions débordées
Qui plus est, son état des lieux actuel n’est pas idéal: “Le travail que les directeurs d’école fournissent pour le moment est extraordinaire. Ils s’occupent uniquement de gérer la crise pour le moment. Ils doivent régulièrement se mettre à jour par rapport à l’évolution des protocoles. Ils doivent aussi renseigner les parents. L’autre difficulté pour maintenir les cours, c’est aussi que les classes ne peuvent plus être mixées. Chaque classe représente une bulle et chaque bulle doit rester distincte des autres. Il faut prendre en considération tout ça. En cas de nécessité, des outils en ligne sont utilisés.
Certains professeurs sont KO avec le Covid-19
Julie Patte, Échevine de l’Enseignement à la Ville de Charleroi
Ce qui permet de conserver une interaction entre les élèves et les professeurs même lorsque les cours sont suspendus. C’est le cas avec ClassDojo. L’enseignant envoie un exercice sous format PDF dans lequel le jeune peut insérer des notes. Une fois terminé, l’exercice est renvoyé à l’expéditeur qui peut apporter les corrections nécessaires. Cette application mobile est très simple d’accès. Il suffit de disposer d'un smartphone ou de préférence, une tablette. Naturellement, il faut encore que le professeur ne soit pas KO. Parce que certains sont vraiment malades avec le Covid-19”.
Autre approche souhaitée
C’est pour cette raison que l’échevine demande une autre approche des événements dans le chef des responsables politiques: “Dans le schéma actuel, il faut tenir compte du statut vaccinal des parents. C’est très compliqué à mettre en place. Les directeurs doivent miser sur le bon vouloir des adultes. En plus, certains parents sont divorcés. Les uns sont vaccinés, les autres pas. Ils ont parfois une vision complètement différente pour leur enfant. Je vais vous citer deux autres exemples des difficultés auxquelles les directions sont confrontées.
L’AViQ a été noyée par les demandes de testing. Du coup, les tests PCR arrivaient une semaine après les contaminations.
Julie Patte, Échevine de l’Enseignement à la Ville de Charleroi
Lorsque les méga clusters tourmentaient certains de nos établissements, la gestion du tracing a été enlevée à la médecine scolaire pour la confier à l’AViQ (NDLR. l’Agence pour une Vie de Qualité) et à l’ISPPC (NDLR. l’Intercommunale de Santé Publique du Pays de Charleroi). Le nombre de cas positifs au coronavirus montait en flèche. L’AViQ a été noyée par les demandes de testing. Du coup, les tests PCR arrivaient une semaine après les contaminations. Car en plus des écoles, l’AViQ devait prendre en charge tous les autres cas.
En une semaine de temps, des jeunes placés en quarantaine devaient rentrer en classe le lundi et finalement, non.
Julie Patte, Échevine de l’Enseignement à la Ville de Charleroi
Ensuite, les protocoles changent trop souvent. Après Noël, l’ONE (NDLR. l’Office de la Naissance et de l’Enfance) en communique un, le jeudi. Or, les leçons avaient repris depuis quatre jours déjà. Quatre jours dans le flou. Le week-end qui suit, un autre protocole est instauré. Tout ça en une semaine! Des jeunes placés en quarantaine devaient rentrer en classe le lundi et finalement, non. Tout avait changé. Si les ministres imposent encore un nouveau protocole, il faut qu'il soit facilement applicable et qu’il reste en vigueur sur du long terme. Sinon, je crains vraiment qu’ils ne perdent le monde éducatif”.
Efforts insuffisants
Récemment, la Ministre de l’Éducation en Fédération Wallonie-Bruxelles (FW-B), Caroline Désir, a allégé la charge de travail des directrices et directeurs d’école. Elle a notamment postposé l’agenda qui doit tendre vers le plan de pilotage du Pacte pour un Enseignement d’excellence.
Mais pour notre interlocutrice, cela ne suffit pas: “Les directions arrivent à saturation. Elles attendent un soutien plus prononcé de l’ONE et de la Ministre, Bénédicte Linard (NDLR. Ministre de l’Enfance et de la Santé en FW-B). Elles ont l’impression d’être esseulées face à la crise. Leur première demande est de se voir adjoindre du renfort administratif. Elles doivent assumer tellement de missions qu’elles n’ont plus de temps pour le plan de pilotage”.
Professeurs mitigés
Du côté des professeurs, les avis sont partagés quant à l’assouplissement de la quarantaine soutenue par Franck Vandenbroucke. “Puisqu’il y a davantage de vaccinés qu’avant, j’y suis favorable” nous affirme Sandrine Berthoumieu qui donne des leçons d’éducation physique à La Garenne à Charleroi.
Mais ses collègues ne pensent pas tous de la même façon: “Certains n’ont aucun avis sur la question et d’autres sont contre. Il y en a qui ont peur du Covid-19. Ils ont peur pour la santé des gens. Ils considèrent que c’est honteux à l’égard des enseignants et des autres élèves”.
Parents en rogne
Via le groupe “Stop École Covid-19" sur Facebook, de nombreux parents suivent l’évolution de la pandémie dans le milieu scolaire.
Pour beaucoup d’entre eux, le souhait du ministre fédéral de la Santé est un non-sens. “Donc, par exemple, les parents sont positifs (et donc en isolement), mais ils peuvent conduire leurs enfants à l’école. Pff... n’importe quoi!” s’indigne Vanessa Santamaria.
Emilie Fatone-Napoli d’Anderlues partage son sentiment: “Donc, si un enfant est positif, il est mis en quarantaine pour les activités extra-scolaire, mais il doit aller à l’école! Ben oui, bien sûr”.
Équipements à Charleroi
Dans les écoles communales de Charleroi, les salles de gymnastique et de psychomotricité sont équipées en détecteurs de dioxyde de carbone (CO2). Ces appareils indiquent lorsque le taux de CO2 est trop élevé et qu’il faut aérer la pièce.
Pour les autres locaux, la livraison est toujours attendue. Et malgré le subside de la FW-B et un investissement de la Ville de Charleroi, il n’est pas garanti que chacun de ces espaces clos soient équipés.
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