La RTBF bloquée à Charleroi: “Je suis prête à risquer ma vie et celle de mon enfant”
ReportageDepuis 10 heures du matin, une manifestation contre le pass sanitaire se déroulait à Charleroi. Mais il s’avère qu’un deuxième mouvement citoyen avait démarré trois heures plus tôt à quelques mètres de là.
Malik HadrichDernière mise à jour:02-12-21, 18:54
“Liberté”, “Vandenbroucke démission”, “Vandenbroucke corrompu”... C’est sous ces slogans que la cinquantaine d’opposants au pass sanitaire rejoignent la place de la Digue à Charleroi en provenance de la place Verte toute proche. Sur le chemin, deux pétards explosent. Le premier fait sursauter quelques-uns.
Là-bas, une autre cinquantaine de personnes sont positionnées devant l’entrée de Médiasambre. Médiasambre est un pôle audiovisuel qui héberge notamment la Radio Télévision Belge Francophone (RTBF) et la chaîne locale, Télésambre.
RTBF bloquée
Les deux mouvements citoyens ne sont aucunement coordonnés entre eux. Ils se rencontrent par pur hasard. Aidé par un mégaphone, Bruno explique sa présence et celle de ses acolytes devant Médiasambre: “On bloque la RTBF pour dénoncer la propagande qui est faite. On est là pour défendre nos libertés individuelles. On est pour la vaccination pour ceux qui veulent la faire et on est pour la non-vaccination pour ceux qui ne veulent pas la faire. Pour les libertés de chacun. Ce sont nos droits individuels et inaliénables.
Moi, ce que je veux, c’est qu’ils nous donnent la parole. À chacun de nous ici!
Bruno, Manifestant contre le pass sanitaire
(...) On est en négociation pour qu’ils (NDLA. les responsables de la RTBF) viennent ouvrir le débat avec nous politiquement et socialement, pour qu’ils parlent avec le peuple. On est là pacifiquement. (...) Moi, ce que je veux, c’est qu’ils nous donnent la parole. À chacun de nous ici! Qu’ils fassent un papier, qu’ils viennent avec une caméra et qu’ils nous donnent la parole!”
Tant que leur souhait n’est pas exaucé, ils empêcheront les journalistes de la RTBF et de Télésambre de rejoindre leur bureau. Du moins jusqu’à ce que la police le leur permette.
Négociations
La rédactrice en chef de la cellule Régions à la RTBF, Valérie Druitte, tente de parlementer avec une poignée de contestataires: “Vous êtes bien organisés. Nous vous proposons d’interviewer celui qui a appelé au rassemblement”. Bruno répond: “Non, il n’y a personne en particulier qui a initié ce mouvement”.
Le brouhaha commence. Pas mal de gens veulent s’exprimer. “Ce que nous vous suggérons, c’est de vous balader dans la foule et de choisir trois ou quatre individus qui ont envie de relayer leur point de vue devant la caméra. Quitte à ce que ça se fasse à l’intérieur! Vous avez le choix. Il y a des vieux, des hommes, des femmes et même des enfants” complète Bruno. Valérie Druitte n’est visiblement pas favorable à cette solution. Il est vrai qu’en télévision, le temps d’une diffusion est compté. Tout est cadré.
Anti-vaccin
Des chants et des cris commencent à s’élever. “On n’entend plus chanter la RTB, on n’entend plus chanter la RTB”, “Corrompus”...
Aucun des manifestant(e)s que nous interrogeons n’est vacciné(e). Certain(e)s se méfient. D’autres sont des irréductibles. C’est le cas de Sora (50 ans) de Charleroi: “Il faut arrêter le désastre. Nous vivons un génocide planétaire avec cette thérapie génique (NDLA. c’est comme ça qu’elle appelle le vaccin contre le Covid-19).
Thérapie génique?
La thérapie génique consiste à faire pénétrer des gènes dans les cellules ou les tissus d’un individu pour traiter une maladie. Pourtant, le vaccin contre le coronavirus n’en est pas une.
L’ARN (Acide RiboNucléique) messager ne modifie pas l’ADN (l’Acide DésoxyriboNucléique). “L’ADN se trouve à l’intérieur d’une cellule. Or, l’ARN n’a pas accès à nos cellules” avait expliqué la cheffe de l’unité Infectiologie aux cliniques universitaires Saint-Luc de Bruxelles, Leïla Belkhir, lors de sa venue à l’Athénée Royal Pierre Paulus à Châtelet.
Complotistes
“Le pass sanitaire ne sert qu’à contrôler les faits et gestes de la population. Nous n’en avons pas besoin pour vivre en liberté. Mais nous sommes gouvernés par des gens corrompus. Après le vaccin, ce sera au tour des puces intégrées et de l’argent virtuel. Ce sont les complotistes qui disent la vérité. Qui évoque les effets secondaires des vaccins contre le Covid-19? Dans mon entourage, j’ai connu des thromboses, des myocardites... Un jeune garçon est devenu handicapé et a perdu son œil” continue Sora. Impossible évidemment de vérifier ces affirmations! Et même si elles étaient vraies, nous n’avons pas la preuve que la vaccination contre le coronavirus est la cause de ces problèmes de santé.
“Si je dois déscolariser mes enfants, je le ferai” ajoute notre interlocutrice. “Il suffit d’écouter, par exemple, Alexandra Henrion-Caude. Contrairement à elle, beaucoup de médecins sont corrompus. En Allemagne, l’un d’entre eux s’est suicidé, car il ne supportait plus les mensonges autour de la vaccination”.
“Hold-up”
Alexandra Henrion-Caude est une généticienne française de renom. C’est une ancienne directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Elle a notamment participé au documentaire contesté et contestable “Hold-up”. Elle y a même proféré un mensonge lorsqu’elle a affirmé que les phases 3 des essais pour les vaccins contre le Covid-19 avaient été ignorées.
En effet, le 3 novembre 2020, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) avait annoncé que dix vaccins potentiels avaient atteint la phase 3 des expérimentations. Parmi eux, ceux de Moderna et de Pfizer-BioNTech. Ils ont été testés sur des dizaines de milliers de volontaires sur plusieurs continents.
OMS
Cependant, Sora ne fait pas confiance aux dirigeants de l’OMS. Pourtant, l’institution fonctionne de façon démocratique. Son Directeur Général (DG) est élu par suffrage à l’Assemblée Mondiale de la Santé pour une durée de cinq ans. Celle-ci est composée des délégations des états membres. Le DG doit disposer de références en matière de santé publique.
Celui en place actuellement est le Docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus. Il est titulaire d’une licence en biologie de l’Université d’Asmara (Érythrée), d’un master en sciences (MSc) en immunologie des maladies infectieuses obtenu à l’Université de Londres et d’un doctorat (PhD) en santé communautaire de l’Université de Nottingham. Il est en outre membre honoraire de la London School of Hygiene and Tropical Medicine (NDLR. École londonienne de l’Hygiène et de la Médecine Tropicale en français). Il a également occupé durant dix ans le poste de Ministre de la Santé et celui des Affaires Étrangères dans son pays, l’Érythrée.
Extrême-droite
Par ailleurs, il est surprenant de constater qu’Alexandra Henrion-Caude apparaît volontiers dans un média tel que Valeurs Actuelles considéré en France comme étant d’extrême-droite ou à tout le moins conservateur. Elle a aussi participé à des manifestations organisées par Florian Philippot qui a longtemps fait partie du Front National (FN).
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Tribune minoritaire
Le 9 mai dernier, elle avait signé une tribune dans les colonnes de France Soir pour demander l’arrêt immédiat de toutes les vaccinations. 56 collègues du monde entier en ont fait de même. Mais ils sont loin d’être majoritaires au sein de la communauté scientifique.
Fake news
Pour ce qui est du médecin allemand auquel Sora fait référence, il s’agit d'une fake news. En effet, le directeur de la clinique de Chemnitz, Thomas Jendges, s’est suicidé. Mais d’après les services de police et le maire de Chemnitz entre autres, il n’a laissé aucune lettre d’adieu dans laquelle il commentait la cause de son geste.
D’ailleurs, une petite vérification suffit pour se rendre compte qu’il était favorable à la vaccination. Dans un communiqué de presse datant du 31 août 2021, il déclarait au nom de sa clinique: “Avec cette offre de vaccination, nous voulons en collaboration avec la ville, continuer à endiguer la pandémie de Corona. La vaccination réduit le risque d’une infection et d’une maladie grave due au SARS-CoV-2. C’est pourquoi nous offrons volontiers cette possibilité de vaccination”.
Enfants
Indépendante, Laetitia (37 ans) de Montignies-sur-Sambre va encore plus loin que Sora: “Je suis prête à mourir du coronavirus et à risquer la vie de mon enfant de sept ans. Quitte à mourir à cause du vaccin, autant que ce soit à cause du Covid-19! Au moins, je mourrais avec dignité. Mais si je décède, j’entraînerai le gouvernement dans ma chute”.
L’Agence Européenne des Médicaments (EMA) a donné son feu vert à Pfizer/BioNTech pour la vaccination des enfants à partir de cinq ans. “Je veux qu’on laisse mon enfant tranquille. Je me battrai pour la liberté de nos enfants”.
À côté d’elle, Irina (32 ans) de Châtelet partage cet avis: “On ne touchera pas à mon fils de cinq ans”.
Prisonnière
Si elle est présente aujourd’hui, c’est aussi parce qu’elle n’est plus complètement libre de ses mouvements: “Je suis contre le pass sanitaire parce qu’il y a plein de choses que je n’ai plus le droit de faire. Quand mon fils demande d’aller au cinéma ou à la patinoire, je lui dis que c’est impossible parce que maman n’est pas vaccinée. Il m’est impossible aussi de rendre visite à des proches dans les hôpitaux. C’est honteux! Et que dire de l’obligation vaccinale pour les infirmiers et infirmières? En plus, le taux de contamination augmente. Et après, qui restera-t-il pour soigner les gens?”
À la base, le personnel soignant est déjà obligé de se faire inoculer des vaccins s’il veut professer. Le vaccin contre le coronavirus va maintenant s’ajouter à la liste.
Effets secondaires
“Personne ne parle des nombreux effets secondaires de ce vaccin. J’ai une amie qui n’a plus ses règles depuis qu’elle s’est fait injecter la deuxième dose”. Ici encore, il est impossible de vérifier cette information. Mais il est vrai que les vaccins contre le Covid-19 sont susceptibles de provoquer des effets secondaires. En juillet dernier, la porte-parole de l’Agence Fédérale des Médicaments et des Produits de Santé (AFMPS) reconnaissait que la perturbation des règles chez les femmes avait été signalée quelques dizaines de fois.
Reste à voir si le vaccin en est à l’origine. Pour le gynécologue, Steven Weyers, “le vaccin n’est pas forcément la cause, mais le stress. Oui, le stress psychologique peut avoir un impact énorme. On le voit, par exemple, chez les jeunes femmes en période d’examen: elles n’ont plus leurs règles pendant deux ou trois mois. D’autre part, vous avez le stress physique. Après une opération ou une maladie grave, le cycle peut être perturbé.
Après une opération ou une maladie grave, le cycle peut être perturbé
Steven Weyers, Gynécologue
Cela peut également se produire avec le vaccin anti-covid, car il déclenche une réaction immunitaire sévère. Plus grave qu’avec d’autres vaccins, comme ceux contre le tétanos ou la grippe. Plus précisément, votre corps produira plus de cortisol, l’hormone du stress. Cela peut perturber l’hypothalamus et l’hypophyse, qui sont les deux glandes du cerveau qui contrôlent les ovaires. Ces ovaires sont également confus, ce qui entraîne une accumulation plus ou moins importante de muqueuse dans l’utérus. Et donc, vous avez des menstruations modifiées.”
Vaccin “rapide”
Employée administrative, Mireille (59 ans) d’Aiseau-Presles doute clairement du vaccin anti-Covid-19: “Il a été conçu en peu de temps. Même avec beaucoup d’argent, ce n’est pas possible d’aller aussi vite”.
Sur son site web, l’OMS détaille ce déroulement accéléré des opérations: “Certaines des étapes du processus de recherche-développement se sont déroulées en parallèle, sans que l’on renonce pour autant à appliquer des normes cliniques et d’innocuité strictes. Par exemple, certains essais cliniques portent sur plusieurs vaccins en même temps. C’est l’ampleur de l’engagement financier et politique envers le développement d’un vaccin qui a permis la mise en œuvre de ce processus. Toutefois, les études n’en sont pas moins rigoureuses. Plus il y a de vaccins en cours d’élaboration, plus cela augmente les chances de réussite”.
Pourquoi?
Mais Mireille n’en reste pas là: “Pourquoi n’entend-on jamais des médecins qui soignent le Covid-19? Et pourquoi ne soulève-t-on jamais les conflits d’intérêt des autres? Pourquoi n’évoque-t-on pas les traitements par ivermectine ou hydroxychloroquine?”
L’ivermectine a fait l’objet de plusieurs études scientifiques. Jusqu’ici, les résultats ne sont pas probants. D’un côté, une méta-analyse de 15 essais publiée dans l’American Journal of Therapeutics conclut que l’ivermectine réduit de 62 pourcents le risque de décès avec un niveau de certitude modérée.
D’un autre côté, une autre méta-analyse de la non moins sérieuse Cochrane Library a retenu 14 études portant sur 1.678 participants. A l’issue de cette étude, elle ne peut se prononcer sur l’efficacité ou pas du médicament. Les experts qualifient les preuves de très faible à faible niveau de certitude.
Il n’existe donc aucune unanimité et donc, aucun effet garanti.
Hydroxychloroquine
Concernant l’hydroxychloroquine, l’Institut scientifique de santé publique belge, Sciensano, s’est basé sur les statistiques des patient(e)s hospitalisé(e)s à cause du Covid-19 en 2020. Les données montrent que “le traitement par une faible dose d’hydroxychloroquine tel qu’il fut prescrit dans les hôpitaux belges était associé à une mortalité hospitalière moins élevée que les patients n’ayant pas reçu ce traitement”. Néanmoins, ce médicament n’est plus recommandé (sauf exceptions) en Belgique pour le traitement du coronavirus “suite aux résultats d’autres études et recommandations internationales”.
Même pas peur!
Pour Mireille, le Covid-19 n’est pas aussi grave que cela: “Je n’ai pas peur du virus. Nous sommes des virus. Et si je devais être contaminée, je ne veux pas que l’on accuse mes petits-enfants d’en être à l’origine. Je regrette d’avoir suivi le premier confinement. Le gouvernement empêche bien nos hôpitaux de fonctionner correctement. Et puis, tous ces soignants non-vaccinés. C’est monstrueux de les sanctionner. Le gouvernement a du sang sur les mains. Sans oublier tous ceux qui se sont suicidés, qui ont perdu tous leurs biens, leur famille... Je pense que le confinement a causé plus de morts que le Covid-19".
Aucune statistique officielle ne peut le démontrer. Ce qui est certain, par contre, c’est que le coronavirus a tué jusqu’ici plus de cinq millions de personnes dans le monde.
Educatrice, Celima (36 ans) de Gilly relève, elle, l’incohérence de plusieurs mesures sanitaires: “Je rentre dans un centre commercial sans Covid Safe Ticket. Mais à deux pas de là, il y a un cordon qui m’empêche d’aller au restaurant parce que je ne dispose pas du laissez-passer. Je ne vois pas l’utilité de ce pass sanitaire. Tout ce que cela a comme répercussion, c’est que cela restreint la clientèle des restos”.
L’intervenante prétend n’être ni pro-vaccin, ni anti-vaccin: “Personnellement, je ne suis pas vaccinée car le vaccin ne marche pas. En plus, il a été créé sur le tard. Je suis méfiante. Je sais que le virus existe. Mais pour moi, on exagère. La grippe occasionne plus de morts. A mes yeux, ce sont des décisions davantage politiques que sanitaires. Ma maman a fait les deux doses de vaccin, mais elle ne fera pas la troisième quand elle voit la situation actuelle. Le médecin d'une amie aide-soignante dans le Brabant Wallon lui a déconseillé de se faire vacciner”.
D’après une étude réalisée par l’UHasselt, la KU Leuven, l’UAntwerpen, l’UGent, Statbel et Sciensano couvrant la période du 8 mars au 9 mai 2020, le taux de mortalité du Covid-19 est de 1,25 pourcent. Celui de la grippe est de 0,1 pourcent. Et à cette époque, le variant Delta (plus contagieux) n’était pas majoritaire dans le pays.
Selon Sciensano, la vaccination a permis d’éviter 30.000 hospitalisations depuis le début de la campagne de vaccination en Belgique. Pour la période allant du 18 au 31 octobre 2021, le risque d’hospitalisation a diminué de 88 pourcents chez les patients entièrement immunisés de 18-64 ans. Le risque de complications engendrant une admission en soins intensifs a diminué de 93 pourcents pour ce groupe.
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