La veuve du passager mort au BSCA: “Après 2 ans et demi, la Belgique tombe des nues?”

Le ministre de la Justice Koen Geens qualifie d’“inapproprié” le comportement des agents impliqués dans les images issues du dossier de Jozef Chovanec, mort à 38 ans il y a 2 ans et demi dans une cellule à Charleroi. Quant à Pieter De Crem, ministre de l’Intérieur, il estime que la réaction de la police a été “tout à fait disproportionnée” et exige des “éclaircissements”. 

De la transparence, c’est tout ce que demande Henrieta Chovancová, la veuve de l’homme décédé. “C’est hallucinant, la manière dont ça se passe en Belgique”, estime-t-elle. “Cela fait 2 ans et demi que mes avocats et moi-même remuons ciel et terre pour qu’il y ait une enquête sur la mort de mon mari. Et cela fait 2 ans et demi qu’il ne se passe quasiment rien. Encore pire: après 2 ans et demi, soudain, toute la Belgique semble tomber des nues. Tout le monde est choqué par les images. Mais elles existent depuis 2 ans et demi”, martèle la veuve, écœurée et fâchée.

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“Ce n’est pas dans mon caractère de m’emporter facilement, mais je suis tellement triste. Cela me donne encore plus l'impression désormais que là-bas à Charleroi, on a tenté de faire passer la mort de mon mari sous le radar. Comme s'il était un détritus dont il fallait se débarrasser”, soupire-t-elle.

Malaise dans les hauts rangs de la police fédérale, où on semblait en effet tomber du ciel hier en découvrant dans Het Laatste Nieuws les images insoutenables qui ont suivi l’arrestation de 2018. “Pour être honnêtes, ces images sont nouvelles pour nous. Nous n’en connaissions même pas l’existence et ne les avions donc jamais vues”, explique Sarah Frederickx de la police fédérale. 

Et l’attitude des agents, tantôt riants, tantôt faisant des gestes assimilés à un salut hitlérien, sont un choc pour le QG de la police à Bruxelles. Les agents concernés sont restés en service depuis le décès de Jozef Chovanec. Vu la gravité des faits, une réunion de crise longue de plusieurs heures a été tenue hier à la police fédérale. Des décisions ont été prises. 

L’inspectrice qui a fait un salut hitlérien - qu’elle ne dément pas, mais qu’elle “justifie” en expliquant que la victime les avait traités de “fascistes” lors de l’arrestation - a été mutée sur le champ et affectée à une tâche purement administrative. “Elle ne sera plus en contact direct avec le citoyen”, explique Sarah Frederickx, qui précise qu’il ne s’agit pas encore là d'une sanction, mais d'une mesure temporaire en attendant l’issue de l’enquête disciplinaire. De véritables sanctions pourraient donc suivre, notamment le licenciement de la policière aujourd’hui âgée de 22 ans. Rien n’a été décidé concernant les autres agents en cause. La police pointe la complexité de la procédure disciplinaire. En coulisses, on dit qu'on souhaite surtout éviter de commettre une erreur qui permettrait aux agents incriminés de demander des dommages et intérêts pour faute de procédure.

Mais à côté de cela, la direction de la police fédérale veut savoir pourquoi ces images de vidéosurveillance, dont seule une partie a été divulguée dans la presse hier, ne sont pas remontées jusqu’à elle en temps et en heure. Ils estiment que le fait que les images aient été saisies par le juge d’instruction n’est pas une excuse. “Soyons clairs: si nous avions su en 2018 ce que nous avons appris aujourd’hui, nous aurions pris des mesures à ce moment-là. Mais malheureusement, nous ne savions rien. Et nous voulons savoir comment c’est possible”, résume la police fédérale. 

Le chef de la police aéroportuaire de Charleroi était en vacances au moment des faits, a appris HLN à bonnes sources. “Il est évident que l’information n’est pas remontée là où elle devait à l’époque. Si l’enquête révèle que des personnes n’ont pas pris leurs responsabilités - quelles que soient leurs raisons - nous donnerons suite”, avertit Sarah Frederickx.

Des propos que le veuve voulait entendre depuis longtemps: “La mutation de cette femme (la policière qui a fait le salut nazi, NDLR) est un début. Mais j’attends bien plus que ça. Des policiers ont exercé une pression durant de longues minutes sur la cage thoracique de Jozef, alors qu’il ne bougeait déjà plus depuis plusieurs minutes. Je ne trouve pas cela normal”, dénonce-t-elle. 

Le parquet de Charleroi s’est réfugié, hier, derrière la crise sanitaire pour justifier le retard pris dans l’enquête judiciaire. L’avocate de la veuve et de la fille du couple s’en indigne. “Parce qu’à ce que je sache, il n’y avait de coronavirus ni en 2018, ni en 2019, ni jusque fin février 2020. Et pourtant il a fallu 15 mois avant la crise sanitaire pour que le rapport d’autopsie soit prêt. Et soyons francs aussi là-dessus: ce rapport ne donne aucune réponse. Nous avons demandé des devoirs d’enquête complémentaires bien avant le corona. Nous voulions de nouvelles auditions. Une seule personne a été entendue. Une seule personne en six mois. C’est juste un manque de sérieux”, déplore l’avocate.