Le claquage de porte de Wilmès, le coup de pression de Van Quickenborne sur le PS: récit d’une nuit de négociations agitée
Un Vice-Premier ministre qui quitte la table à deux reprises et un Premier ministre qui part du “16” avant que l’accord n’ait été pleinement conclu: au cours du sprint final vers l’accord budgétaire, le gouvernement De Croo a trébuché sur deux dossiers dans la nuit de lundi à mardi: le travail de nuit dans l’e-commerce et l’exemption des cotisations sociales pour les premiers emplois. Récit d’une nuit de négociations agitée.
Fleur MeesDernière mise à jour:13-10-21, 11:08Source:HLN
L’attitude triomphante des Vice-Premiers Vincent Van Quickenborne (Open Vld), Pierre-Yves Dermagne (PS) et Sophie Wilmès (MR) lors de la conférence de presse de mardi matin pouvait difficilement mieux contraster avec le climat tendu des négociations de la veille. Jusqu’à 23 heures lundi, un accord semblait pourtant à portée de main. La liste des pierres d’achoppement s’était alors considérablement réduite: une solution avait été trouvée pour soulager la facture énergétique des Belges et une autre pour la réinsertion des malades de longue durée, qui risquent désormais des sanctions s’ils ne remplissent pas certaines obligations. Même le PS s’était rallié à cette dernière idée, le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit) ayant lui-même évoqué cette possibilité.
Vers minuit, deux points de blocage restaient néanmoins sur la table: le travail de nuit dans l’e-commerce et l’exemption des cotisations sociales pour les premiers emplois. “Les choses ont alors commencé à aller de travers”, confie un ministre présent à la table. “Sophie (Wilmès, NDLR) a jeté un certain nombre de dossiers sur la table, avec lesquels elle pouvait embêter le PS”, raconte-t-il. L’ancienne Première ministre, pourtant connue pour privilégier le compromis, ressort alors une idée défendue par son président Georges-Louis Bouchez il y a quelques semaines dans la presse: sanctionner, voire exclure les chômeurs qui refuseraient un emploi dans un secteur en pénurie. En sachant pertinemment qu’elle essuiera un refus catégorique du PS. “Tout le monde se bat pour ses idées. Et oui, parfois des mots durs sont prononcés, mais cela fait partie du jeu”, dit-on du côté des libéraux. Sophie Wilmès, après avoir quitté une première fois les discussions, est ensuite ramenée à la table par Alexander De Croo. Les discussions peuvent reprendre.
Mais pas pour longtemps. Rapidement, les discussions s’enveniment de nouveau. À noter que les versions des protagonistes diffèrent, certains ministres, épuisés, ne se souvenant pas de tous les détails. Après un veto des socialistes sur l’assouplissement des règles concernant le travail de nuit dans l’e-commerce, celles-ci tournent ensuite autour de l’exemption des cotisations sociales pour les premiers emplois. L’offre de départ est celle des syndicats et des employeurs: une exonération allant jusqu’à 3.100 euros par trimestre et limitée à 6,5 ans. Or, pour les libéraux, le plafond fixé est beaucoup trop bas.
“Van Quickenborne savait très bien qu’il n’y avait pas d’accord à 5 heures, il voulait juste mettre la pression sur le PS”
La ministre des Affaires étrangères quitte alors une deuxième fois la table vers 3 heures du matin pour rejoindre son cabinet. Par téléphone, le Premier ministre lui fait une proposition: un plafond à 4.000 euros. Elle accepte. Il est alors 4 heures 30 du matin, Alexander De Croo quitte le “16”, tout comme le Vice-Premier Ecolo Georges Gilkinet. Dans la foulée, l’Open Vld Vincent Van Quickenborne sort devant les journalistes qui font le pied de grue rue de la Loi et annonce un accord. Sauf qu’à l’intérieur, le ministre socialiste de l’Emploi Pierre-Yves Dermagne refuse toujours le volet e-commerce. “Van Quickenborne savait très bien qu’il n’y avait pas d’accord à 5 heures, il voulait juste mettre la pression sur le PS”, explique une source non socialiste.
L’accord n’est plus et le flou règne dans les rédactions du pays. Le jeu des reproches commence, le MR accusant les socialistes francophones “d’avoir fait sauter un accord qu’ils avaient conclu”. Le PS, quant à lui, affirme que l’accord n’a jamais été scellé. Et Alexander De Croo d’aller, une fois encore, éteindre l’incendie. À neuf heures, l’accord est enfin définitivement conclu, juste à temps pour la conférence de presse prévue deux heures plus tard...