Le Covid-19? Quel Covid-19? Ils dansent sans masque les uns près des autres à Charleroi: “Honteux”

Des dizaines de gens agglutinés sous un chapiteau. Ils dansent et chantent sans masque et sans distanciation sociale. La scène a été filmée samedi soir sur le marché de Noël de Charleroi. Elle suscite de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux.

“C’est juste honteux... C’est un vrai cirque dans ce gouvernement... Cette ville... Les petits se sacrifient pour les grands” écrit Marie Dorjoux sur Facebook.

“...Pfff... la désagréable impression du ‘deux poids, deux mesures’” surenchérit Jean Lecoutelier.

“Ah oui! Là, on peut danser, se coller-serrer. Tout cela sans masque! Mais les mariages, baptêmes, etc. avec masques. Et personne, pas de contrôle, rien!” s’indigne Paloma Tatiana Riccardi.

En réalité, ce n’est pas vraiment exact. L’entrée au marché de Noël de Charleroi est conditionnée au Covid Safe Ticket (CST) et au port du masque. “Charleroi a adopté ces mesures avant même le Codeco (NDLR. Comité de Concertation) de vendredi passé. Nous avions décidé d’évoluer vers un système CST+ qui implique l’obligation du CST et du port du masque. Nous rappelons qu’à ce moment-là, les boîtes de nuit étaient toujours ouvertes et que beaucoup d’autres villes n’étaient pas allées aussi loin” précise la Ville de Charleroi.

Toutefois, dans le dossier de presse du 9 novembre dernier que nous avions reçu pour l’événement, il est bien indiqué qu'une fois le CST montré à l’entrée, “les gestes barrières ne doivent plus être respectés”.

C’est le Codeco du 17 novembre qui a changé la donne. À partir de ce moment-là, la distance de sécurité, la limitation des contacts sociaux et le port du masque à partir de dix ans étaient devenus impératifs pour le marché de Noël carolo comme pour tous les événements publics et réunions privées de plus de 50 personnes à l’intérieur ou de plus de 100 personnes à l’extérieur.

Dans la région de Charleroi, d’autres communes ont préféré annuler leurs festivités. C’est le cas de Montigny-le-Tilleul, Fontaine-l’Évêque, Gerpinnes-centre, Ham-sur-Heure/Nalinnes, Erquelinnes ou encore Courcelles...

Les Fééries de Courcelles étaient prévues du 3 au 29 décembre 2021. “Il était impossible de maintenir un tel événement de masse, basé sur le partage et la convivialité dans de telles conditions. Mais si cela permet d’augmenter nos chances de passer les fêtes de fin d’année en famille, cela en vaut vraiment la peine!

Il s’agissait d’une décision très difficile à prendre, mais au vu de la situation, nous n’avions pas d’autres choix que de se diriger vers l’annulation des fééries de Courcelles et de rester prudents afin de mieux nous retrouver dans les mois à venir. Il nous tenait vraiment à cœur de poursuivre cette aventure jusqu’au bout, mais il faut savoir raison garder; la préservation de la santé reste prioritaire!” a déclaré la Députée-Bourgmestre, Caroline Taquin (MR), dans un communiqué de presse.

Sur Facebook, l’Échevin des Fêtes, Joël Hasselin (MR), justifie cette décision par les directives du Gouverneur de la Province du Hainaut, Tommy Leclercq (PS): “Contrôle du CST pour tout le monde y compris les plus de 12 ans, contrôle de la carte d’identité et masque obligatoire pour toutes les personnes au-dessus de dix ans, interdiction d’enlever le masque sauf pour boire, mais en étant assis sur l’ensemble du site, etc. Je ne vois pas comment asseoir les nombreux visiteurs lors des concerts ou dans les chalets dans un marché de Noël. Trop, beaucoup trop de restrictions qui sont impossibles à faire respecter. Sans oublier un service de gardiens qui dépasse largement les budgets établis, etc.

On ne peut pas sortir du sang d’un caillou! Aussi, de nombreux bénévoles ne sont pas présents au vu des risques de santé. On ne peut que les comprendre, car chacun est libre de son choix, tandis que les tâches ne se feront pas toutes seules. Pour terminer, il y a en plus le risque d’une menace de fermeture obligatoire, et ce, après avoir engendré des dépenses onéreuses, il faut au minimum rester correct avec l’argent des citoyens. Vous aurez compris, que ceci n’est pas un choix, mais une contrainte.

Je terminerai en signifiant que nous sommes les premiers déçus au vu du travail abattu, mais prendre des risques sanitaires, gaspiller l’argent des citoyens en sachant qu’il est impossible de faire respecter les règles dans de telles conditions, il faut savoir rester logique.”

Alors, pourquoi les autorités communales carolos n’ont-elles pas suivi la même direction? “La Ville de Charleroi tente toujours de trouver le meilleur équilibre entre ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas” répondent-elles. Il est vrai que rien n’interdit la tenue d’un marché de Noël en plein air si les conditions pour y pénétrer sont remplies.

Au niveau financier, la Ville de Charleroi n’a pas sacrifié de montants supplémentaires malgré les restrictions imposées par elle-même et le gouvernement fédéral: “Nous offrons 30.000 euros de subside. C’est identique à une année normale”.

En effet, l’organisateur n’est pas la Ville de Charleroi, mais la Société Privée à Responsabilité Limitée (SPRL) 50N5E. Malheureusement, il n’a pas souhaité réagir à ce stade.

Contacté par nos soins, Joël Hasselin ne lui jette pas la pierre: “Les premiers fautifs, ce sont les deux gouvernements. La semaine dernière, les Gouverneurs après avoir consulté leurs bourgmestres ont demandé, lors du Codeco, une transparence totale, une équité et une réglementation facile à adopter. Ce qui a été pondu pour les marchés de Noël est infaisable. Et les problèmes constatés au marché de Noël de Charleroi samedi arriveront encore.

Au moment d’instaurer une règle, il y a deux questions à se poser: est-ce applicable? Peut-on la contrôler? En l’occurrence, ici, ce n’est pas le cas. Si nous avions voulu maintenir les Fééries de Courcelles, nous aurions dû placer des barrières Nadar tout autour de l’événement, un garde ou deux à l’entrée, des contrôleurs dans les chalets... Non, c’est impossible. Il aurait fallu que le gouvernement fédéral prenne ses responsabilités et interdisent les marchés de Noël pour tout le monde”.

Il n’incrimine pas la Ville de Charleroi: “On ne peut pas en vouloir à Charleroi d’avoir ouvert son marché de Noël. Ce n’est pas comme si ça se préparait une semaine à l’avance. À Courcelles, les Fééries représentent un budget d’environ 120.000 euros. À Charleroi, le coût pour l’organisateur doit être autour des 250.000 euros. Pendant longtemps, on vivait dans l’incertitude. Est-ce que ce sera interdit? Ou reporté? Ou autorisé, mais avec quelles mesures de restriction?

Pendant ce temps-là, il faut du temps pour monter les chalets, etc. Donc, comme aucune décision n’était prise à l’avance, beaucoup de marchés de Noël ont commencé à être installés avant le Codeco du 17 novembre. La Ville de Charleroi n’aurait pas su faire marche arrière. Nous oui, car notre structure est plus petite et nous avons pu attendre mardi soir avant de trancher”.

Sur les réseaux sociaux aussi, plusieurs pointent du doigt un manque de cohérence dans les mesures sanitaires décrétées par le gouvernement fédéral. “Marché de Noël de Charleroi samedi soir. Super! De l’animation, un peu de vie! Contente que Charleroi puisse organiser et en profiter. Mais c’est un non-sens pour les autres commerçants et surtout pour les discothèques. Là, il y a un souci. Certaines mesures ne sont pas cohérentes par rapport à de tels événements. Je suis restauratrice et je soutiens tous les secteurs. Je ne demande pas mieux que la fête soit au rendez-vous et que nous puissions vivre normalement. Mais deux poids, deux mesures” estime Cresilia Biancucci sur Facebook.

“Dans le même esprit, tu ne peux pas aller visiter tes proches à l’hôpital malgré les gestes sanitaires appliqués, mais tu as pu aller dans les centres commerciaux blindés pour le Black Friday et rencontrer des centaines d’inconnus sans respect des règles sanitaires de base. Mais comme le gouvernement fait confiance aux gens qui n’en cliquent pas une, je pense que l’erreur est là, malheureusement. Dommage pour les personnes qui seront peut-être malades du covid-19!”

Concrètement, les personnes présentes lors de la fiesta improvisée au marché de Noël carolo soit étaient vaccinées, soit étaient en possession d’un test PCR négatif ou d’une certification de rétablissement.

À situation égale, les personnes vaccinées transmettent moins le coronavirus que les autres. Sauf que d’après l’épidémiologiste de l’Université Libre de Bruxelles (ULB), Marius Gilbert, elles ont, en moyenne, deux fois plus de contacts sociaux que les non-vaccinés. Il se base sur des récentes enquêtes européennes menées notamment par l’Université d’Hasselt (UHasselt) pour l’affirmer. Sur Twitter, il conclut: “La diminution du risque liée à l’efficacité vaccinale n’est plus suffisante pour compenser l’exposition plus importante à laquelle les vaccinés sont confrontés. Les communes les plus vaccinées deviennent celles où la transmission augmente le plus”.

Les fêtards du marché de Noël de Charleroi ont donc adopté un comportement à risques. Et ce, même si la soirée s’est déroulée à l’air libre sous un chapiteau et qu’ils encourent beaucoup moins de risques d’être hospitalisés que les non-vaccinés.

La Ville de Charleroi, l’organisateur et les services de police se sont réunis ce lundi pour en tirer les conclusions nécessaires. Deux adaptations sont toujours à l’étude: un renforcement des contrôles ou des mesures restrictives supplémentaires.

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