Le mal-être des élèves et enseignants: “C’est dingue que les profs ne soient pas prioritaires pour la vaccination”
interviewDepuis un an, la pandémie de coronavirus a bouleversé nos vies. L’occasion pour les journalistes de 7sur7 de dresser un bilan en sondant les secteurs particulièrement affectés. Comment la covid les a-t-elle impactés? Qu’ont ils fait pour s’adapter et comment voient-ils l’avenir? ÉPISODE 1: L’ENSEIGNEMENT.
Le secteur de l’enseignement peut pousser un ouf de soulagement. D’ici le 19 avril, tous les élèves du secondaire reprendront à 100% en présentiel. Une perspective qui ne doit pas faire oublier les difficultés rencontrées par les enseignants depuis le début de la crise. Pour 7sur7, deux d’entre eux ainsi que Joseph Thonon, président de la CGSP-Enseignement, détaillent les obstacles auxquels ils sont confrontés chaque jour. Tous trois regrettent un manque de soutien de la part du gouvernement et s’inquiètent des conséquences de ces derniers mois pour les élèves.
“Pour apprendre à mes élèves à lire et pour travailler la phonologie, c’était l’horreur avec le masque. Ils n’entendaient pas correctement, ne voyaient pas comment bien positionner leur langue et leur bouche. Et s’ils n’entendent pas bien, ils n’écrivent pas correctement non plus. Afin d’aider les élèves à surmonter cette barrière, je me suis tournée vers la gestuelle, mais j’avoue que j’ai vite décidé d’enlever le masque pour ces leçons. C’est bien trop important. J’essaie de me tenir à l’écart des enfants à ce moment, mais ce n’est pas toujours possible”. Le témoignage de Stéphanie (nom d’emprunt) illustre bien la complexité du métier d’enseignant lors de cette année scolaire si particulière.
“S’il n’y avait pas le coronavirus, on te ferait plein de câlins”
Comme pour n’importe quel secteur, il a fallu s’adapter au jour le jour. L’enseignante en première primaire ajoute: “Je travaille normalement beaucoup en ateliers avec mes élèves, c’est-à-dire qu’ils changent de place tout le temps, qu’ils touchent du matériel différent à chaque atelier, qu’ils sont assis à côté d’élèves différents à chaque fois, etc. J’ai dû abandonner et changer ma manière de travailler. Être toujours assis à la même place, à côté du même copain, ne correspond plus trop aux pédagogies actuelles. Les enfants ont aussi beaucoup de mal avec les distances sociales. À cet âge, ils adorent vous prendre dans leurs bras. Ce n’est plus possible. Combien de fois, cette année, ils ne m’ont pas dit: ‘S’il n’y avait pas le coronavirus, on te ferait plein de câlins”.
Dans le cadre de l’enseignement, c’est l’avenir des enfants qui peut être en jeu. “Cela a provoqué pas mal de dégâts pédagogiques et de mal-être aussi bien chez les élèves que chez les enseignants”, analyse Joseph Thonon, président de la CGSP-Enseignement. Si les élèves de Stéphanie sont trop petits pour se rendre compte de ces changements, ceux d’Olivier (nom d’emprunt également) accusent le coup moralement.
Il y a des crises de colère. Les élèves ne sont pas bien dans leur peau
Le professeur de français en secondaire nous explique que des élèves “craquent mentalement à domicile”, même “ceux qui sont scolaires de base” ont parfois du mal à s’accrocher. “Il y a des crises de colère. Ils ne sont pas bien dans leur peau, c’est normal que le climat soit difficile pour des ados. Le nombre d’enfants en décrochage est alarmant.” Joseph Thonon va dans le même sens: “Il y a le décrochage réel, c’est-à-dire que l’enseignant a perdu contact avec l’élève, et il y a le décrochage passif, où l’élève est encore là, mais ne travaille plus et n’est plus motivé.”
“Plusieurs mois pour s’assurer que tous les élèves avaient une connexion convenable”
Le distanciel a inévitablement accentué les inégalités scolaires. “Il y a une série de problèmes impossibles à régler: le local, les familles nombreuses où il n’y a pas de place pour travailler, les connexions Internet. En un coup de baguette magique, on ne peut pas y remédier”, regrette Joseph Thonon. “On a même dû créer une classe spéciale pour les élèves qui n’étaient pas connectés. Il a fallu plusieurs mois pour s’assurer que tous les élèves avaient une connexion convenable”, témoigne Olivier.
Maux de tête et problèmes de voix
Malgré toute leur bonne volonté, les enseignants remarquent, parfois impuissants, les difficultés des élèves. Les trois mois sans école de l’année scolaire précédente, sans compter les vacances d’été, se font ressentir. Ils tentent parfois de rattraper le coup, mais les mesures sanitaires les rappellent souvent à la réalité. “Nous avions décidé de mélanger les P1-P2 pour faire des groupes de niveaux ainsi que du tutorat afin d’aider au mieux les élèves en difficultés et de permettre aux autres d’avancer. Nous ne pouvons plus le faire, car nous ne pouvons pas mélanger les classes. Par contre, ils peuvent aller jouer ensemble dans la cour. C’est illogique”, s’agace Stéphanie.
Et la santé des enseignants au milieu de tout ça? Outre le stress lié à la continuité pédagogique, ces derniers doivent faire avec le port du masque obligatoire. “C’est clairement une charge de fatigue supplémentaire, on doit forcer sa voix”, reconnaît Olivier. Joseph Thonon compare les enseignants “à des comédiens”. “C’est un métier particulier où il faut parler très souvent. Beaucoup ont des maux de tête ou des problèmes de voix”.
La sécurité des enseignants est-elle garantie?
Dans un autre temps, le responsable de la CGSP-Enseignement pointe du doigt “un manque” concernant la sécurité “loin d’être garantie” des enseignants. “Les conditions de travail sont extrêmement difficiles. Nous avions demandé par exemple des plexiglas, des protections supplémentaires, mais nous n’avons jamais rien vu venir. C’est aussi l’une des rares professions où la fourniture du masque n’a pas été appliquée”, dénonce-t-il.
Les deux enseignants que nous avons contactés expliquent ne pas se sentir particulièrement en danger en se rendant à l’école. “Comme les élèves, nous nous sommes habitués à ce climat anxiogène et la situation dans notre établissement est calme”, temporise Olivier. Par ailleurs, la ministre de l’Éducation Caroline Désir a donné mardi à Auderghem le coup d’envoi d’un projet-pilote de dépistage salivaire des enseignants en Fédération Wallonie-Bruxelles pour déceler rapidement toute contamination au coronavirus dans une école.
Vaccination et poudre aux yeux
Cependant, le fait que les enseignants ne semblent pas être prioritaires dans le processus de vaccination démontre beaucoup de choses selon nos témoins. “Quand on voit ça, mais aussi les moyens qu’on nous donne, c’est hypocrite de dire que c’est prioritaire que l’enseignement continue. Je ne me suis pas senti soutenu au niveau du gouvernement. C’est comme d’habitude en Belgique, à la débrouille”, relève Olivier.
“Il y a un certain mépris concernant l’enseignant. Ceux qui doivent prendre les élèves dans les bras comme en maternelle ou dans l’enseignement spécialisé, il y a toujours une crainte. C’est dingue qu’ils ne soient pas prioritaires”, s’étonne Joseph Thonon. “Cela date de bien avant la Covid, nous sommes une priorité quand ça les arrange. Il y a de moins en moins d’argent pour l’enseignement en FWB. Les mesures censées nous aider ne servent pas à grand-chose. C’est plus de la poudre aux yeux que de vrais moyens”, surenchérit Stéphanie.
Quelle fin d’année scolaire?
Les élèves de 3e et 4e secondaires reprendront l’enseignement en présentiel à 100% à partir du 29 mars prochain. Leurs aînés de 5e et 6e secondaires retrouveront, eux, le chemin de l’école à temps plein dès la rentrée de Pâques, le 19 avril. “C’était indispensable pour sauver l’année scolaire”, se satisfait Joseph Thonon.
“Maintenant, nous attendons une compréhension des enseignants par rapport aux difficultés rencontrées par les élèves cette année. Les épreuves comme le CEB et le CE1D n’ont aucune raison d’être supprimées”, poursuit-il. Olivier est du même avis: “Elles doivent avoir lieu. C’est comme si on préparait les élèves pendant un an pour finalement leur dire qu’ils ne jouent pas les ‘Jeux Olympiques’. Et c’est tout de même un signal pour les élèves quant à leur niveau”, estime l’enseignant.
Une autre question va vite se poser: l’avenir des élèves. “Va-t-on faire redoubler un élève en décrochage ou va-t-on le faire passer même s’il n’a pas tous les acquis? Il faudra faire une évaluation et trouver le juste milieu”, s’avance Joseph Thonon, président de la CGSP-Enseignement. “Ce qu’il faut savoir, c’est si les élèves seront toujours motivés à poursuivre les études dans le futur”, conclut Olivier.
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