"Les grands oubliés de l'adoption animale": en immersion avec Animaux en Péril

La journée qui commence a un parfum si réjouissant, et pourtant si inhabituel pour les employés d'Animaux en Péril. Les trois premières adoptions de l'année 2019 vont avoir lieu. Un poney le matin, et deux ânesses l'après-midi, vont quitter le refuge de Meslin-l'Évêque, en route vers le bonheur. "La concrétisation d'un travail de longue haleine", souffle Sophie Locatelli, responsable du service adoption.

L'asbl héberge et soigne les équidés et animaux de ferme saisis pour faits de maltraitance ou de négligence graves, ainsi que les animaux errants. Certains ont des pathologies trop importantes pour être replacés, mais la plupart sont tout à fait aptes à prendre un nouveau départ.

La difficulté de l'adoption est réelle pour ces animaux moins populaires que les chiens ou les chats. Pourtant, "les moutons, les cochons, les chèvres sont tout aussi amicaux, et peuvent être des animaux de compagnie", assure celle qui est également présidente d'un autre refuge ami, le Rêve d'Aby.

"Ce ne sont pas des animaux suffisamment protégés. Ce sont les grands oubliés de la protection et de l'adoption animale. Un chien ou un chat maltraité sur Facebook va faire un carton, mais tous les jours, des cochons sont castrés et leurs queues sont coupées à vif, tout le monde trouve cela normal car ce ne sont que des bouts de lardon", poursuit-elle.

Déterminée à dynamiser le secteur de l'adoption, Sophie Locatelli peut donc savourer cette première victoire depuis sa prise de fonction le 1er janvier 2019. L'heureux élu se nomme Mango, un Shetland âgé de six ans, arrivé malade au refuge après avoir été détenu dans d'insupportables conditions par un maquignon qui n'en était pas à sa première récidive.

Le poney semble se douter que quelque chose se trame. Il ne se laisse pas facilement approcher dans la stabulation. "Je ne sais pas ce qu'il a aujourd'hui", s'étonne Lucas, le soigneur qui s'occupe du transfert. Finalement, la mission est réussie, et tout ce petit monde peut prendre la route.

Quarante kilomètres séparent Meslin-l'Évêque de ce village voisin de Tournai, futur fief de Mambo. Le dévouement de Sophie et de Lucas saute aux yeux pendant le trajet. Les deux passionnés passent le temps en faisant le point sur la situation de nombreux animaux du refuge.

Arrivés sur place, le couple nous attend comme des héros. Après la mort de deux poneys en l'espace de quelques mois, un dernier est encore présent dans le pré situé à l'arrière de la maison. Il n'a pas le moral en l'absence de compagnon, et l'arrivée de Mambo arrive à point nommé.

Les présentations se déroulent parfaitement, et les deux équidés n'en finissent plus de galoper dans le pré, sous le regard ravi du couple, heureux d'accueillir ce nouveau membre de la famille, et soulagé de revoir le petit protégé dans de bonnes dispositions. Le moment est savoureux.

"On avait envie d'en sauver un plutôt que d'en acheter un. Si un jour on ne peut plus l'assumer, l'association le reprendra", nous explique l'adoptante. Voilà un autre aspect important de l'adoption en passant par un refuge: ce n'est pas une vente, mais une adoption. L'animal reste propriété du refuge, qui le confie simplement à quelqu'un.

De retour à Meslin-l'Évêque, en Wallonie picarde, une petite pause et c'est reparti pour plus d'une heure de route direction Grez-Doiceau, afin d'offrir une nouvelle vie à deux ânesses, Enora et Arya. Une autre est déjà présente dans leur nouveau pâturage. Contrairement au matin, la rencontre est beaucoup plus calme. Elles saluent à peine leur congénère, préférant explorer les nouveaux lieux.

Point commun avec l'adoption précédente, cela se déroule dans un climat serein et détendu. Les deux ânesses prennent tranquillement leurs marques, alors que la plus ancienne trotte pour exprimer sa satisfaction. "Je vais dormir avec elles dans le box cette nuit", sourit l'adoptante. 

Cette journée particulière se termine pour Lucas et Sophie. La future vice-présidente d'Animaux en Péril espère qu'elle en appellera d'autres: "Plusieurs dossiers sont sur la bonne voie. D'autres personnes attendent le bon moment. Cette dynamique d'adoption se met en place".

"99 fois sur 100, comme nos conditions d'adoption sont sérieuses, cela se passe bien. Il ne faut pas adopter un animal de ferme comme un chien, il y a une infrastructure spécifique à avoir", conclut-elle. En adoptant via le refuge, une place se libère aussi dans celui-ci pour accueillir un autre animal dans le besoin.