Les rapports du GEES rendus publics: qu’en retenir?

Selon le dernier rapport du GEES daté du 3 juin, la Belgique n’est pas suffisamment préparée à une éventuelle deuxième vague dans les jours ou les semaines à venir. “En ce qui concerne une résurgence du virus, nous constatons qu’un certain nombre de recommandations de GEES n’ont toujours pas été suivies. Ces recommandations sont cependant indispensables afin de réduire le risque d’une deuxième vague”, peut-on lire. Le GEES énumère ainsi sept points problématiques. Les experts utilisent des codes couleur pour indiquer la gravité de la situation: pour trois points, le signal est au rouge, les autres sont en orange. Le groupe d’experts insiste notamment sur la nécessité de protocoles clairs en cas de nouveaux foyers dans les écoles, les entreprises, etc. et le besoin de personnel qualifié (médecins, infirmières) pour effectuer des tests. Ils demandent également plus de budget et du personnel supplémentaire pour l’institut de santé Sciensano.

Toujours selon le dernier avis en date du GEES, notre pays a besoin d’une “tour de contrôle” nationale capable d’effectuer une surveillance en temps réel d’une éventuelle deuxième poussée de l’épidémie. Les experts soulignent que le nombre d’admissions à l’hôpital et d’infections confirmées est encore relativement élevé en Belgique par rapport aux autres pays européens, en particulier nos pays voisins. Comme dans les rapports précédents, ils soulignent l’importance d’une gestion rapide et ciblée d’une deuxième vague. Le testing et le tracing constituent la première ligne de défense. En deuxième ligne, cette tour de contrôle permettrait de surveiller l’évolution du virus au niveau national et de coordonner les actions contre les “clusters”, les foyers épidémiques.

Le GEES insistait encore la semaine dernière sur l’importance de ne pas utiliser les transports en commun pour les déplacements non essentiels aux heures de pointe. Aussi étonnant que cela puisse paraître, ils conseillent également de ne pas les emprunter utiliser à des moments où la demande sera probablement élevée, lors d’un week-end ensoleillé, pour se rendre à la mer par exemple. Or, rappelons que samedi, à la demande des Verts, le “superkern” a décidé que chaque Belge recevrait un Rail Pass gratuit, valable pour dix voyages en train, afin de donner un coup de fouet au tourisme intérieur. Une décision prise sans concertation avec la SNCB et que la patronne du rail belge, Sophie Dutordoir a accueilli très froidement. Sur Twitter, cette dernière a notamment posé la question de la sécurité sanitaire des voyageurs et de son personnel “que la SNCB ne mettra en aucun cas en danger après y avoir durement travaillé ces derniers mois”.

Lors de leurs réunions avec le Conseil national de sécurité, les experts chargés de préparer le déconfinement ont demandé à plusieurs reprises que leurs avis soient rendus publics. “Le GEES réitère sa demande de rendre ses rapports publics”, peut-on lire au dernier point du rapport du 3 juin. Cette demande avait déjà été soumise le 6 mai dernier.

Pourtant, il a fallu attendre jusqu’à aujourd’hui pour que les politiques accèdent à leur requête. La Commission d’accès aux et de réutilisation des documents administratifs n’a pas validé les raisons invoquées par le CNS, lequel estimait que le GEES “ne pouvait pas être considéré comme une autorité administrative” à laquelle s’appliquait la loi sur l’accès du public aux documents gouvernementaux.

“La semaine dernière, il a déjà été décidé à l’issue du CNS du 3 juin de publier les rapports du GEES”, a déclaré vendredi le porte-parole de Sophie Wilmès. “La Première ministre est en faveur d’une transparence maximale”, a-t-il assuré.

“La crise frappe la population de façon particulièrement inégale”, écrivaient les experts dans leur rapport début juin. “Certains, le plus souvent les mieux payés, ont conservé leur emploi et leurs revenus et ont d’ailleurs pu économiser pendant le confinement.” A l’inverse, soulignait le GEES, la crise a frappé davantage les Belges aux revenus les plus bas. “Pour nombre d’entre eux, les allocations sociales n’empêcheront pas une augmentation de la pauvreté, malgré les mesures prises par le gouvernement.”

Les inégalités doivent être prises très au sérieux car elles constituent une menace majeure pour la cohésion sociale, avertissait le GEES qui plaidait dès lors pour que les familles en situation précaire reçoivent une aide financière (en cash) rapide et que des moyens supplémentaires soient alloués au secteur de l’aide alimentaire.

Fin mars, le gouvernement avait déjà décidé de venir en aide aux refuges pour sans-abri et aux banques alimentaires. Samedi, des moyens supplémentaires ont été débloqués pour celles-ci. 

_{L’article se poursuit sous le rapport.}

Dans son troisième rapport daté du 6 mai, le GEES conseillait au Conseil national de sécurité d’assouplir “au minimum” les règles relatives aux contacts sociaux. Afin de rendre le confinement plus “supportable”, les experts avaient recommandé que chaque personne soit autorisée à rencontrer deux autres personnes dans sa sphère privée, et de préférence à l’extérieur. Il devait toujours s’agir des mêmes personnes, et il ne devait jamais y avoir plus de deux personnes extérieures par ménage, à l’exception des enfants de la même famille. En résumé, la fameuse bulle de 4 annoncée pour la fête des mères était donc à l’origine limitée à 2 visiteurs par membre de la famille. 

Jugée trop complexe, cette règle a finalement été adaptée par le Conseil national de sécurité, donnant lieu à la fameuse “bulle des quatre” selon laquelle chaque ménage était autorisé à recevoir un maximum de quatre autres personnes. Cette bulle a depuis été élargie à dix personnes par semaine. 

_{L’article se poursuit sous le rapport.}

Dans tous ses rapports, le GEES insiste sur la nécessité de collecter davantage de données auprès de tous les patients infectés. Or, on s’en souvient: le projet du gouvernement sur le stockage de ces données avait été démonté par l’APD, l’autorité de protection des données: “trop vague, trop général, trop peu clair.”

Par exemple, le projet de loi ne précisait pas la durée de conservation de certaines données et les finalités exactes de toutes les données collectées. Dans son rapport du 13 mai, le GEES précisait les données qu’il jugeait nécessaire de recueillir: le lieu de travail, les transports publics utilisés, la langue parlée, le moment des premiers symptômes, les contacts récents, l’adresse électronique, entre autres.

Dans leur rapport du 14 avril, les experts de GEES mettent en lumière la situation “alarmante” dans les maisons de soins et de repos. Une situation “préoccupante", écrivent-ils, non seulement d’un point de vue médical et humain, mais aussi parce que l’épidémie s’est intensifiée et s’est propagée à partir des MRS.

Dès lors, le GEES appelait à prendre des mesures pour maîtriser rapidement l’épidémie dans les maisons de repos, en insistant sur l’importance de fournir le personnel et les résidents en équipements de protection.

Le GEES laissait toutefois une porte ouverte sur la possibilité pour les proches de rendre visite aux résidents des MRS, particulièrement isolés depuis le début de la crise, à condition de porter des vêtements de protection et un masque buccal, de se laver les mains et de limiter les visites à une seule et même personne.

Un jour plus tard, le CNS annonçait que les visites dans les maisons de repos et de soins étaient à nouveau autorisées, sous conditions strictes. Au sein du secteur, l’incompréhension fut totale tant cet assouplissement des règles semblait hâtif, compte tenu de la situation dramatique dans les MRS. Le ministre-président flamand Jan Jambon (N-VA) avait indiqué que l’autorisation des visites dans les MRS avait été discutée lors du CNS sur base de l’avis favorable des experts.