L’imam Mohamed Toujgani aurait fait partie d’un réseau qui recrutait des jeunes pour le djihad

L’imam, né à Assifane, un village des montagnes du Rif marocain, vivait en Belgique depuis 38 ans et prêchait à la mosquée Al-Khalil de Molenbeek. Un lieu de culte que Johan Leman, ancien directeur du Centre pour l’égalité des chances, avait appelé “le Kinepolis des mosquées belges” pour la diversité des courants qui y sont représentés. Une “offre variée”, qui a fait d’Al-Khalil la mosquée la plus visitée du pays.

Jugé conservateur, Mohamed Toujgani est également vu par beaucoup comme un imam luttant contre le radicalisme et la violence. Son expulsion semble pourtant être due à un rapport de la Sûreté de l’État dans lequel l’intéressé est qualifié de “danger pour la sécurité nationale”. Ce document lui reproche d’avoir contribué à la diffusion d’idées extrémistes en Belgique, notamment par des discours antisémites. On évoque ainsi le contenu d’une vidéo de 2009, dans laquelle il appelle, lors d’un sermon, à brûler des sionistes, alors que le conflit entre Israéliens et Palestiniens faisait rage à Gaza. Pour rappel, Mohamed Toujgani a fait appel de la décision de Sammy Mahdi de lui retirer en octobre dernier son permis de séjour.

Selon HLN, le secrétaire d’État pourrait également avoir été motivé par un autre rapport datant celui-ci de 2007, un document confidentiel de la division anti-terroriste de la police judiciaire de Bruxelles sur les liens entre les milieux djihadistes belges et espagnols. On peut y lire le témoignage d’un djihadiste repenti décrivant à la garde civile espagnole comment des personnes ont été recrutées en Belgique pour partir combattre en Irak sous la bannière d’Al-Qaïda.

En tête de liste des dirigeants de cette cellule de recrutement figure un certain “Bassam”, selon le djihadiste repenti. Celui-ci serait en fait Bassam Ayachi, 75 ans, qui opérait à l’époque depuis le “Centre Islamique Belge” (CIB) à Molenbeek. Pendant des dizaines d’années, l’homme fut au centre de la mouvance djihadiste à Bruxelles et a été lié au départ de plusieurs jeunes en Irak. Dont la toute première femme européenne à y commettre un attentat-suicide au nom de l’islam: Muriel Degauque, une trentenaire de Monceau-sur-Sambre décédée le 9 novembre 2005 à Bakouba. En 2013, Ayachi s’est lui-même rendu en Syrie - son pays natal - pour y prendre les armes. 

Abdelkader Chouaa, 67 ans, est désigné comme le bras droit de Bassam Ayachi. Habitant à Verviers, l’homme était particulièrement connu aux Pays-Bas. Il y prêchait régulièrement et entretenait des liens avec plusieurs membres du Hofstadgroup, la cellule terroriste à laquelle appartenait l’homme qui a assassiné le réalisateur néerlandais Theo van Gogh en pleine rue à Amsterdam en 2004. En 2015, Chouaa a été accusé par l’un de ses propres fils de recruter des jeunes pour aller combattre en Syrie. Le frère de ce dernier, Abdellah, 40 ans, est actuellement jugé au procès des attentats du 13-Novembre à Paris. Il aurait en effet fourni une aide logistique et financière aux terroristes qui ont frappé la capitale française en 2015.

Le témoin a enfin désigné un certain “Mohamed Tozgane” comme le troisième chef du réseau, responsable de la mosquée Al-Khalil à Molenbeek. Ce qui a amené la police belge à conclure qu’il devait s’agir de Toujgani. Le document ne s’étend pas sur le rôle précis qu’il aurait joué dans le réseau. Mais il décrit comment Toujgani s’est rendu au moins deux fois à l’étranger en compagnie d’Abdelkader Chouaa. En février 2006 en Allemagne et en mai de la même année en Espagne, afin de rencontrer des fidèles “partageant les mêmes idées”, écrit HLN.

Selon le rapport de police, l’existence du réseau de recrutement a été prouvée par le départ de deux jeunes musulmans de Bruxelles vers l’Irak: Ali Tabich, alors âgé de 26 ans, et Rachid Ahrouch, 27 ans, en novembre 2005. Ahrouch y a perdu la vie le mois suivant. Tabich est rentré chez lui en mai 2006 et a été condamné à cinq ans de prison. En 2017, il a été arrêté avec deux de ses frères, car ils auraient livré du matériel de fabrication pour explosifs aux auteurs des attentats de Bruxelles. Ils ont finalement été libérés. 

Les trois chefs présumés de ce réseau de recrutement n’ont jamais été poursuivis, faute de preuve. Précisons enfin que la mosquée était déjà connue dans les années 80 pour recruter des jeunes pour le djihad en Afghanistan et qu’au moins trois des assaillants des attentats de Paris (Abdel Hamid Abaaoud, Chakib Akrouh et Salah Abdeslam) l’auraient fréquentée, ce qui a probablement aussi contribué à la décision de Sammy Madhi d’expulser Mohamed Toujgani.

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