“Mépris, discrimination”, “Une bande de branques”... Les acteurs culturels de Charleroi sont “enragés” suite au Codeco

“Avoir fermé les théâtres et le culturel, Messieurs et Mesdames du gouvernement. Vous avez encore tout compris. Vous êtes vraiment une bande de branques. Je vous le dis: vous êtes une bande de branques. Et je ne comprendrais pas qu’aux prochaines élections, les Belges aillent voter. Même pas voter pour quelqu’un. Je ne comprendrais pas que les Belges aillent voter la prochaine fois. Vous ne méritez plus aucune confiance. Vous n’êtes plus crédibles”. L’artiste carolo, Jonas Feront, n’y va pas par le dos de la cuillère lors de son Facebook Live réalisé ce jeudi.

En effet, son spectacle humoristique “Ma thérapie, c’est vous” prévu les 24, 25, 26 et 27 février 2022 au théâtre Le Poche est menacé par les dernières mesures gouvernementales contre le Covid-19.

Pourtant, il prévient: “Si les décisions gouvernementales disent que les théâtres sont toujours fermés pour la semaine du 21 février 2022, moi, mon spectacle aura lieu. Soit au théâtre, soit au centre commercial de mon choix. J’en ai déjà un en vue à Charleroi puisque j’ai dit que je jouerais à Charleroi, ma ville natale. Donc, je jouerai à Charleroi pour commencer. Et si vous, le gouvernement, vous fermez les théâtres, j’irai quand même jouer aux dates et aux heures prévues mon spectacle dans un centre commercial de Charleroi puisque le public, vacciné ou pas vacciné, peut rentrer dans les centres commerciaux depuis toujours (...).

Je vous inviterai puisqu’on peut faire tout ce qu’on veut dans un centre commercial. Et si le centre commercial n’est pas d’accord, ne vous inquiétez pas! Jonas a toujours un plan B. Si on ne peut pas jouer dans un centre commercial, j’irai jouer sur le toit d’un building. Et je vous inviterai parce qu’on a quand même le droit de vivre et de faire des choses”.

Fondateur de l’Association Carolo d’Improvisation en 2003, Fabian Vervier, partage, lui aussi, sa colère. Son raisonnement publié sur son mur Facebook est argumenté: “En 2020, malgré une baisse de fréquentation de plus de 50 pourcents, le TEC (NDLR. Transport En Commun) a transporté 89 millions, 89 millions de voyageurs!!! Je vous laisse additionner Bruxelles, la Flandre et la SNCB (NDLR. Société Nationale des Chemins de fer Belges)…”

Ses statistiques proviennent du rapport annuel de la TEC qui est en ligne.

“Je n’ai pas les chiffres 2021, mais logiquement, ils doivent être équivalents ou supérieurs. Et dans ces transports en commun, j’ai un très léger doute sur le contrôle des pass sanitaires, des règles de distanciation, etc. Omicron fout la trouille aux politiques et un simple citoyen sait juste faire la comparaison entre ces transports et les taux de fréquentation des théâtres… Je ne suis pas omniscient, je compare juste des données officielles émises… Vous jouez au Vogelpik durant vos réunions, c’est juste pas possible. Heureusement, cette fois-ci l’HoReCa et les coiffeurs ne sont plus d’horribles vecteurs de propagations… Et tant mieux pour mes amis dans des secteurs qui sont si durement touchés par cette hérésie!”

Il ne manque pas non plus de proposer sa solution aux problèmes provoqués par la pandémie: “Refinancez les soins de santé, augmentez les 600 malheureux lits de soins intensifs, engagez plus de personnel médical et arrêtez de le mettre la pression en voulant licencier des personnes qui ne souhaitent pas se faire piquer! Pour info, je suis vacciné”.

Les réactions officielles de différents lieux culturels carolos ne manquent pas. Le Centre chorégraphique de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Charleroi Danse, s’en est tenu à quelques mots forts sur sa page Facebook officielle: “Mépris, discrimination et maltraitance touchent le milieu de la culture. Devant les dernières mesures prises, injustes et infondées, nous poursuivons notre combat pour que nos lieux restent ouverts et que nous puissions y accueillir tous les publics”.

Le Théâtre de l’Ancre à Charleroi confie, lui, ses sentiments au lendemain du Codeco: “Incompréhension, colère, tristesse... Voilà nos sentiments ce matin alors que nous devons fermer une nouvelle fois nos portes pour une durée indéterminée. Doit-on rappeler que depuis presque deux ans, le secteur culturel respecte à la lettre les protocoles (masque, gel distance, détecteurs de CO, CST, CST+, heure de fermeture anticipée, réduction de notre jauge…) et qu’on lui demande des investissements financiers importants pour pouvoir vous accueillir en toute sécurité?

Doit-on rappeler que de nombreux événements tests en Belgique et dans le monde ont confirmé que les lieux culturels n’étaient pas des vecteurs de contamination? Doit-on rappeler le rôle de la culture dans le vivre-ensemble, l’éducation et le développement de l’esprit critique? Oui, ce matin, nous sommes dépités et enragés face aux décisions politiques arbitraires qui ont été prises et à leur incohérence, face à ce mépris librement affiché. Une fois de plus, on nous demande d’être patients et résilients…

Nous n’avons cessé de l’être et de tenter, mois après mois, de rattraper les dégâts causés par ces fermetures à répétition... Alors oui, nous sommes amers face à ce fossé grandissant entre le citoyen et le système politique tellement éloigné de la réalité. Oui, nous sommes déconcertés par ces décisions qui alimentent les incompréhensions et les oppositions entre les citoyens. Oui, nous sommes inquiets face à cette fracture sociale qui s’accroit et nous pensons que la Culture aura fort à faire pour rattraper cette perte de sens et reconstruire un avenir plus cohérent”.

Même son de cloche sur la page Facebook officielle du Palais des Beaux-Arts (PBA): “C’est avec consternation que le PBA a appris, ce mercredi soir, la décision du Codeco de fermer les salles de spectacle à partir de ce dimanche 26 décembre, de surcroit jusqu’à une date indéterminée (la mesure sera réévaluée mi-janvier, mais courrait jusqu’au 28 janvier au minimum). Comme l’unanimité de nos confrères du secteur des arts de la scène, nous sommes stupéfaits par cette mesure à la fois incompréhensible, injuste et discriminatoire”.

La salle de spectacle explique pour quelles raisons elle a choisi ces trois qualificatifs: “Incompréhensible, car les enquêtes les plus sérieuses ont largement démontré que les théâtres ne constituaient pas particulièrement des endroits de contamination. Cette incompréhension est d’ailleurs partagée par plusieurs experts qui se sont déjà exprimés dans la presse.

Injuste, car notre secteur est sans aucun doute un de ceux qui a consenti le plus d’efforts pour garantir la sécurité de ses usagers: limitation des jauges, distanciation, port du masque, mise en place du Covid Safe Ticket, ventilation, mesure des taux de CO2… et dans certains cas mise à disposition de tests. Nos spectateurs eux-mêmes se sont d’ailleurs montrés des plus compréhensifs, coopératifs et responsables.

Discriminatoire enfin, car il est évident que des pans entiers d’activité vont demeurer ouverts alors que les études et événements tests (au niveau international) montrent que les lieux culturels sont ceux où le risque de contamination est le plus faible”.

Le ressentiment est d’autant plus grand que le mois de janvier est chargé et important pour le PBA: “Un opéra, une grande pièce de théâtre, un concours de piano destiné aux jeunes virtuoses, une chorégraphie en partenariat avec Charleroi Danse, un grand concert de jazz et enfin les trois représentations de notre propre production Chantons sous la pluie, véritable triomphe en France, mais qui serait donc reportée pour la troisième fois sur le lieu même de sa création, à Charleroi! Tous ces spectacles, ce sont plusieurs milliers d’heures de travail perdues pour près de deux cents artistes, techniciens et équipes administratives! Il faut y ajouter les organisateurs indépendants qui utilisent notre salle pour des variétés qui n’en finissent plus d’être reportées”.

Entre le 13 et le 19 décembre 2021, 8.153 nouvelles contaminations au Sars-CoV-2 ont été dépistées en moyenne par jour. Soit un recul de 36 pourcents par rapport à la semaine précédente.

Toutefois, la menace d’Omicron se fait de plus en plus grande. Ce variant représente actuellement 33 pourcents de l’entièreté des contaminations. Or, il est beaucoup plus contagieux que le Delta, déjà lui-même beaucoup plus contaminant que les variants précédents. Sa dangerosité, elle, n’est pas encore établie avec certitude.

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