“Pensionné, handicapé, expulsé par Magnette”, la désobéissance civile gagne les rues de Charleroi
ReportageCe lundi 5 octobre est la journée mondiale de l’habitat. L’Association Sans But Lucratif (ASBL) Solidarités Nouvelles via son collectif citoyen DAL (Droit Aux Logements) a décidé de profiter de cette occasion pour mener une action de désobéissance civile dans les rues de Charleroi. L’encyclopédie Universalis définit la désobéissance civile comme un acte citoyen illégal, mais non violent qui a pour but d’exercer une pression sur les décideurs politiques sur une question de société.
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Au beau milieu d’une place Verte encore assez aérée à 11 heures du matin, une petite dizaine de personnes forment un cercle. Sophia Walravens de l’ASBL Solidarités Nouvelles donne ses consignes. Comment réagir en cas d’arrestation? Comment ne pas se blesser? etc. Le petit comité s’apprête à mener une action de désobéissance civile afin de lutter contre l’habitat non occupé. En l’occurrence, ici, aucune demande de rassemblement n’a été rentrée auprès des autorités communales. “Ce n’est pas cohérent de demander au système la permission pour s’exprimer alors que celui-ci ne nous demande pas notre avis sur la question du logement” justifie la coordinatrice de l’initiative.
Et le message qu’elle veut faire passer est sans aucune ambigüité: “Nous nous unissons pour exprimer notre colère contre les logements inoccupés. Aujourd’hui, à Charleroi, près de 800 bâtiments sont inhabités. Pendant ce temps-là, de plus en plus de personnes se retrouvent à la rue. Le besoin sera encore plus criant cet hiver. À cause du coronavirus, les abris de nuit ne peuvent fonctionner qu’à moitié de leurs capacités”.
Rue de la Montagne
Sophia Walravens prend le temps de décrire aux médias présents son combat pacifique intitulé “Le vide, ça suffit!”. Mais pas trop non plus! Elle doit conduire le cortège vers la place Charles II où se trouve l’Hôtel de Ville. Là-bas, d’autres contestataires l’y attendent. Ensemble, ils veulent prendre possession de la rue de la Montagne de bas en haut pour interpeller les Carolos: “Nous voulons attirer l’attention du public sur la problématique du droit au logement. Nous agissons pour tous les Carolos. Ils sont tristes et en colère de voir ce que la rue de la Montagne est devenue. Autrefois, c’était le cœur névralgique du commerce à Charleroi. Maintenant, il n’y a plus rien et l’insécurité y règne. Les gens partent de Charleroi à cause de cela.”
Il est vrai que la rue de la Montagne fait peine à voir: une multitude de vitrines vides, des sans-abri qui se réfugient sur le perron des anciens magasins, certains exclus de la société qui fument du crack au vu et au su de tout le monde... Cette rue est abandonnée à son propre sort depuis que le centre commercial Rive Gauche a ouvert ses portes à proximité. Et ce, même si l’un ou l’autre indépendant tente de faire revivre l’endroit.
Au-dessus des anciennes surfaces commerciales, il y a pourtant des logements. Mais beaucoup d’entre eux restent vides de toute présence humaine: “Du côté de la Ville de Charleroi, on nous explique que certains appartements sont inaccessibles car il faut passer par la cellule commerciale vide. Pourtant, il existe des solutions pour contourner l’obstacle. À Maastricht, par exemple, des architectes ont créé des passerelles par l’arrière.”
Visées politiques
On le sent. En plus de vouloir conscientiser la population, l’organisatrice du mouvement veut aussi interpeller les politiciens communaux: “Nous invitons les responsables politiques à débattre de l’accès au logement avec nous. Bien sûr, l’échevine du Logement est concernée (NDLR. Laurence Leclercq). Mais elle n’est pas la seule. Il y a aussi l’échevin des Bâtiments (NDLR. Xavier Desgain), celui des Finances (NDLR. Thomas Parmentier) et bien évidemment, le décideur en chef, Paul Magnette. Nous ne sommes pas contre eux. Nous voulons pouvoir discuter avec eux des possibilités qui existent pour améliorer sensiblement la situation. Nous sommes prêts à écouter leurs contraintes et leurs projets. Mais nous avons aussi des propositions à faire et il existe des outils législatifs qui ne sont pas encore utilisés. Et si échange de points de vue il devait y avoir, nous resterions attentifs à la concrétisation des promesses.”
Parmi les manifestants, nous retrouvons Germain Dufour. Cet ancien sénateur écologiste est venu de Liège: “Je suis très sensible à la question du manque de logements. Toutes les villes wallonnes sont confrontées au même problème.” Selon Sophia Walravens, il n’est pas le seul à s’être déplacé dans la capitale belge de la Bande Dessinée (BD). D’autres seraient originaires de différentes villes francophones dont la capitale, Bruxelles: “Nous voulons créer des liens, des synergies. Et il n’est pas exclu que d’autres actions aient lieu ailleurs qu’à Charleroi.”
Tout cela, ce sera pour plus tard. Germain Dufour a du mal à arpenter la rue de la Montagne. Il claudique. Pourtant, il est là. Au poste! “Nous sommes à la veille de l’hiver et il y a beaucoup de gens qui cherchent à se loger. Pour moi, il y a assez de moyens financiers pour les aider. C’est une question de volonté politique. Je pense que les Régies Foncières sont sous-employées dans cette optique. Elles pourraient jouer un rôle plus important dans la rénovation des quartiers.”
“Magnette, t’es foutu”
Le temps d’échanger quelques mots avec lui et ce sont finalement une cinquantaine de manifestants qui se déploient dans la deuxième partie de la rue de la Montagne. Ils sont descendus de la place Charles II. Certains s’assoient à même le sol devant les bâtiments fantômes. Ils tiennent une pancarte à la main. D’autres cartons sont placés sur les vitrines vides des anciennes échoppes. “Magnette, t’es foutu, les militants sont dans la rue”, “Qui sème la colère récolte la misère”, “Laissez-nous les rénover, on pourra les occuper” sont quelques-uns des messages affichés. Un partisan prend des clichés. Il porte un t-shirt sur lequel on peut lire: “Pensionné, handicapé, expulsé par Magnette.”
Une chose est certaine. Les rebelles ne passent pas inaperçus alors que le temps de midi est entamé et que les passants commencent à affluer. Chantale Bascour (49 ans) approuve: “C’est chouette, cette action. C’est vraiment bien que les gens se bougent.”
Épaule fracturée
Elle-même se sent concernée par la question du logement dans la ville. Elle habite à Dampremy: “Mon appartement est rempli d’humidité et je dois débourser 550 euros de loyer chaque mois. Ce n’est plus possible. En plus, je viens de me faire agresser aux Beaux-Arts et mon épaule est fracturée. Les politiciens restent inactifs.”
Pour elle, des solutions sont pourtant envisageables en matière de logements: “Ils n’ont qu’à transformer les magasins vides en habitations. Et ils devraient empêcher les propriétaires d’augmenter leurs loyers.” Lassée, Chantale s’apprête d’ailleurs à quitter Charleroi pour Namur: “J’en ai marre de Charleroi. La pollution, les agressions, les gens deviennent cons...”
Indignation
C’est sur l’air de Yannick Noah “Aux arbres citoyens” qu’elle reprend sa route. Les manifestants ont décidé de revisiter le titre de l’ancien joueur de tennis français. “Puisqu’il faut changer les choses, aux armes citoyens! Il est grand temps qu’on propose un toit pour demain” entonnent-ils.
Patrice Grisez (55 ans) marche à côté en direction de la gare. Lui aussi est choqué par la situation des Sans Domicile Fixe (SDF) à Charleroi: “Les bâtiments vides, c’est scandaleux. Et dire que pendant ce temps-là, il y a tellement de sans-abri qui vivent sous une tente. La Ville de Charleroi doit rénover ces immeubles pour pouvoir y loger des gens. Et pourquoi pas des commerces avec?”
“Les belles paroles”
À ses yeux, c’est clair: les hommes politiques de la Ville de Charleroi n’en font pas assez! “Au début, il y a eu les belles paroles. Et puis, tout s’envole.” Au point de lui-même s’envoler vers d’autres cieux? “J’ai déjà pensé à déménager. Mais mes racines sont ici. Alors, je m’en vais de temps en temps à Anderlues pour me ressourcer. Là-bas, les commerces sont toujours présents. La voie publique y est animée. C’est agréable de s’y promener. Parce que je n’ai jamais connu Charleroi dans un tel état.”
Nous en resterons là. Il ne faudrait pas que Patrice rate son train pour un témoignage. Les chants reprennent de plus belle: “Tous ensemble! Tous ensemble, ouais, ouais!” L’union fait la force. Les protestataires ne le savent que trop bien.
Quelques chiffres
• En 2019, la Ville de Charleroi a distillé 327 permis pour la construction de nouveaux logements. Elle en a octroyé 238 pour des transformations. Enfin, 27 habitations ont été régularisées (mise en conformité). Au total, cela fait 565 nouveaux logements habitables ou en passe de l’être.
• Le nombre de rénovations en 2019 est en hausse par rapport à l’année précédente. En 2018, on en dénombrait 171.
• Selon le rapport annuel du Réseau Social de Charleroi en 2018, 1.264 personnes différentes ont fréquenté les abris de nuit carolos cette année-là.
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