Présence de dealers à Sainte-Marguerite: un sentiment d'insécurité règne dans le quartier
LiègeUn sentiment d'insécurité règne parmi les riverains et les habitants de Sainte-Marguerite, à Liège. Depuis de nombreuses années, les rues du quartier sont le théâtre de trafics de stupéfiants. Les habitants se sentent abandonnés et certains envisagent même à quitter les lieux le plus rapidement possible. Nous en avons rencontré quatre sur place et tous nous décrivent une même situation, un même mal-être.
Sarah Moran GarciaDernière mise à jour:08-04-22, 16:43
Le calme règne, ce matin, dans le quartier de Sainte-Marguerite, à Liège. Quelques voitures circulent, des gens passent, les éboueurs ramassent les poubelles. Une matinée somme toute normale. Nous ne sommes toutefois pas là par hasard. Plusieurs riverains et commerçants dénoncent la présence accrue de dealers dans les rues du quartier. Serge Schoonbroodt, en tête, veut faire bouger les choses avant son départ pour une autre vie dans les îles Canaries.
Cela fait plus de dix ans que lui et son compagnon tiennent une maison d’hôte rue Hullos. L’organiste aime son quartier et sa propriété, mais il en a assez de voir défiler devant chez lui, et dans les rues voisines, des dealers. Selon Serge, ils sont de sortie tous les soirs, parfois dans des lieux réservés aux enfants, à l’instar de la plaine de jeu, sur la place de l’Église, qu’il qualifie de “plaine de drogue” une fois la nuit tombée. Vraisemblablement, ce seraient toujours les mêmes personnes. “On les connaît, la police et les autorités aussi”, commente-t-il. Il s’agirait principalement d’habitants du quartier.
Un réseau démantelé, mais...
En novembre 2020, dans le cadre d'une opération anti-drogue, la section stupéfiants de la brigade judiciaire de la police locale de Liège était intervenue à Sainte-Marguerite. Le vaste trafic de drogue avait des ramifications en Espagne et au Maroc. 1,5 kilo de cocaïne avait été saisi, ainsi que 22.700 euros en liquide, du matériel informatique, des téléphones portables et une arme à feu. Douze personnes avaient été condamnées à des peines de prison.
On aurait pu croire que cette importante opération allait mettre fin au trafic de drogue dans le quartier, mais il n’en est rien, selon les riverains. “Ils sont toujours là. Ça veut dire que, finalement, le quartier est attractif pour eux, parce qu'il n’y a pas de contrôles, parce qu'il n’y a pas de surveillance efficace”, estime Serge Schoonbroodt.
La présence des dealers, d’aucuns qualifient d’agressifs, créée un sentiment d’insécurité et de mal-être dans le quartier. L’exemple le plus récent s’est produit ce samedi. Le vendeur d’un night shop s’est fait agresser par un jeune du quartier, alors qu’il travaillait dans sa boutique. L’homme a pris un tabouret et l’a jeté violemment sur le vendeur. “C’est malheureux, mais il y a tous les jours des problèmes, ici. Il y a tout le temps des bagarres à cause de la drogue. J’ai déjà appelé la police. Parfois elle vient, parfois elle ne vient pas”, regrette l’homme. “Je travaille dans le quartier, mais je ne suis pas à l’aise. J’ai peur. Mon contrat se termine dans deux mois, après j’aimerais bien partir.”
Nous avons également rencontré une pharmacienne du quartier. Cela fait 24 ans qu’elle est installée à Sainte-Marguerite. Si elle n’a personnellement jamais eu de problèmes avec les dealers de rue, le sentiment d’insécurité est fort. “On sentait un climat dans lequel il ne fallait pas bouger, il ne fallait rien dire, sinon ça allait mal se passer”, raconte-t-elle. “On le ressent moins qu’avant, mais il y a toujours des choses qui se passent. Il ne faut pas se voiler la face, c’est juste moins visible, moins oppressant.” Elle se souvient d’échanges devant sa vitrine, de regards menaçants.
Dénonciations et réclamations
Cette problématique des dealers de drogue fait partie de beaucoup d’autres, dénoncées par le collectif citoyen mis en place par Serge, il y a quatre ans. “On les dénonce depuis des années. Le bourgmestre était venu à l’assemblée citoyenne et la Ville avait promis, à l’époque, que des mesures allaient être prises pour changer le quartier. On a demandé une plus grande présence de la police et des gardiens de la paix pour séréniser le quartier, parce que les gens ici ont besoin d’être rassurés. On est dans un quartier multiculturel avec plus de problèmes sociaux, mais ce n’est pas une raison pour laisser le quartier dans cet état-là.”
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Après ses réclamations, le collectif citoyen a gagné l’installation une caméra, placée en face de la place de l’Église et de la plaine de jeu. Mais ce qui était perçu comme un moyen d’endiguer le problème du trafic de drogue dans le quartier n’a pas eu l’effet escompté. “Ça n’a pas résolu le problème. Le trafic s’est juste déplacé”, commente Serge Schoonbroodt.
“Il y a des gens qui sont ici pour faire du tort aux habitants, aux gens de passage. Ils ne sont pas nombreux, mais je pense que si la police, si la Ville voulaient y mettre le paquet et mettre les moyens pour mettre fin à cette problématique, on y arriverait. C’est une question de volonté”, conclut l’organiste liégeois.
Plans d’action de la police
Les habitants de Sainte-Marguerite se sentent abandonnés, mais selon la police de Liège, cette affirmation est infondée. Le quartier “fait l’objet de patrouilles quotidiennes à des heures différentes et de plans d’action ciblés chaque semaine”, indique la porte-parole de la police liégeoise, Jadranka Lozina, qui précise que la police est bien au courant des problématiques auxquelles fait face le quartier, fréquenté par une population extrêmement précarisée composée notamment de toxicomanes et d’illégaux.
“Les doléances des riverains sont écoutées et nos policiers tentent à chaque fois de les objectiver et de maintenir, le cas échéant, une présence policière accrue”, poursuit la porte-parole. “Il est à noter que ces plans d’actions se font soit en civils, soit en uniforme afin d’augmenter leur efficacité.”
Lors des contrôles, les policiers liégeois sont confrontés à des consommateurs qui ne sont pas des dealers pour autant.
Jadranka Lozina, Porte-parole de la police de Liège
Selon la police de Liège, ces plans d’action ne permettent toutefois pas d’objectiver les faits de deal de stupéfiants et les autres problématiques dénoncées par le collectif citoyen et ses riverains, comme la prostitution. “Lors des contrôles, les policiers liégeois sont confrontés à des consommateurs qui ne sont pas des dealers pour autant”, indique Jadranka Lozina. “Il est vrai que les problèmes se déplacent au fur et à mesure des plans d’action menés dans les quartiers”, ajoute-t-elle.
Selon la porte-parole, le sentiment d’insécurité de la population pourrait aussi venir de la présence d’un site Fedasil, et donc de la présence d’illégaux qui s’ajoutent aux consommateurs de stupéfiants, “et qui se dispersent à l’arrivée de la police”.