Prisée en France et en Flandre, pourquoi l’extrême droite ne perce-t-elle pas en Belgique francophone?
Près d’un Français sur deux (+- 45%) donnera sa voix à Marine Le Pen, dimanche prochain, selon un récent sondage. Chez nous, le Vlaams Belang est le deuxième parti flamand le plus plébiscité, derrière la N-VA. Au milieu, la Belgique francophone se distingue avec une représentation presque nulle des partis d’extrême droite. Pourquoi est-elle épargnée par l’émergence de ces mouvements? Comment expliquer ce paysage politique singulier? Focus.
26 mai 2019. Les Belges sont appelés aux urnes dans le cadre des élections fédérales, régionales et européennes. Considéré comme le grand vainqueur du scrutin, le Vlaams Belang confirme son regain de forme, déjà observable lors des élections communales et provinciales de 2018, et devient la deuxième formation politique du pays en nombre d’électeurs, derrière la N-VA. La vague brune était attendue, pas son ampleur. Environ un électeur flamand sur cinq a voté en faveur du parti d’extrême droite. Appelé à commenter cette percée sur les ondes de la RTBF, Charles Michel constate que “la Belgique n’est pas épargnée par la montée en puissance des populistes extrémistes, comme c’est le cas dans d’autres pays européens”.
La Belgique? Une partie seulement. Au sud du pays, les partis d’extrême droite demeurent (presque) invisibles, une incapacité à fédérer ancrée dans l’histoire. “Plusieurs facteurs expliquent ce paradoxe belge”, entame Benjamin Biard, docteur en sciences politiques et chercheur au CRISP (NDLR: Centre de recherche et d’information socio-politiques).
Le cordon sanitaire médiatique, un dispositif unique
Au début des années 90, plusieurs partis flamands prennent l’engagement ferme de ne pas gouverner avec le Vlaams Blok et de ne pas faire passer des propositions de lois ou de décrets qui nécessitent l’appui de ce parti. Le cordon sanitaire traverse ensuite la frontière linguistique et s’étend à la sphère médiatique au sud du pays. Concrètement, les partis jugés antidémocratiques, xénophobes ou racistes, qui véhiculent un discours de haine ne peuvent jouir d’une libre antenne. Leurs membres peuvent s’exprimer dans les médias, mais pas dans le cadre d’un direct.
“Le cordon sanitaire est d'abord politique. Il permet aux partis plus traditionnels de pointer un vote inutile pour l’extrême droite, incapable de participer au pouvoir et donc de mettre en oeuvre directement son programme électoral”, avance Benjamin Biard.
“Le dispositif médiatique présent en Belgique francophone permet encore davantage de comprendre la difficulté de l’extrême droite à s’implanter. Elle bénéficie d’une visibilité réduite dans l’espace public et d’une capacité moins importante à diffuser ses idées, son programme, à se faire connaître. Ce cordon sanitaire entretient l’image de formations ‘diaboliques’ et contrecarre d’entrée, avant qu’elles puissent tenter de le faire elles-mêmes, toute opération de dédiabolisation, de normalisation.”
Recherche leader charismatique
“L’extrême droite est incapable de se structurer car elle manque d’un leader charismatique et se caractérise par des tensions et des divisions internes depuis plusieurs décennies en Belgique francophone”, poursuit le professeur de l’UCLouvain.
À défaut d’une exposition suffisante dans les médias traditionnels, l’émergence d’une figure emblématique d’extrême droite passe-t-elle inévitablement par les réseaux sociaux? “Le cordon sanitaire médiatique préserve sa pertinence, mais son impact s’affaiblit notamment à cause des réseaux sociaux, c’est évident. Les forums et la fachosphère, aussi, permettent à ces formations de se victimiser, de se présenter comme des martyrs de la liberté d’expression.”
Une mobilisation forte de la société civile
“La mobilisation de la société civile face à l’extrême droite est extrêmement importante en Belgique francophone”, assure Benjamin Biard. “En amont, via le devoir de mémoire, le travail éducatif et culturel exercé dans les écoles, entre autres. En aval, il y a une véritable opposition à l’extrême droite marquée notamment par des actions en justice. On porte devant les tribunaux des expressions racistes incitant à la haine raciale. Unia et le MRAX interviennent régulièrement en ce sens. Ces acteurs ont notamment fait condamner le Vlaams Belang en 2004.”
Une effervescence de la société civile qui peut même aller jusqu’à entraver des événements organisés par l’extrême droite. “Il y a quelques mois, ‘Chez Nous” (NDLR: nouveau parti d’extrême droite né en octobre dernier) avait prévu de rassembler ses militants dans le cadre d’un congrès fondateur. Finalement, les organisateurs ont dû revoir leurs plans en dernière minute et se contenter d’une conférence de presse car la pression était trop forte”, rappelle Benjamin Biard.
“La société civile, composée notamment par les syndicats, exerce un rôle vraiment considérable en Belgique francophone plus qu’en Flandre ou en France. Il y a une forme de tradition. Mais cela peut évoluer dans le temps. L’exemple français est frappant. Lors de l’entre-deux-tours en 2002, un front républicain composé de millions de manifestants a vu le jour. Aujourd'hui, ils ne sont plus que quelques dizaines de milliers.”
Absence d’un sentiment d’identité national fort
“En Belgique francophone, le sentiment d’identité, qu’il soit wallon ou belgicain, est peu marqué comparativement à la France et le fameux modèle républicain, ou à la Flandre. Or, l’extrême droite a comme caractéristique idéologique de faire reposer son discours sur un nationalisme fort. Pour pouvoir pénétrer au sein de la société, il doit pouvoir s’appuyer sur un sentiment d’identité national ancré.”
Immunité acquise?
Pas sûr. “Il y a la place pour que l’extrême droite puisse se développer en Belgique francophone", assure Benjamin Biard qui justifie son propos par des exemples venus de l’étranger. “On l’a observé récemment en Allemagne, en Espagne ou encore au Portugal. Ces pays semblaient immunisés contre l’extrême droite depuis de nombreuses décennies, mais des partis ont finalement réussi à émerger, parfois sur un laps de temps assez réduit.”
“La demande électorale, symbolisée par la volonté d’exprimer un vote en faveur de l’extrême droite, n’est pas si différente de part et d'autre de la frontière linguistique. Les attitudes politiques par rapport à l’immigration et à la sécurité, notamment, sont assez semblables à travers le pays”, conclut Benjamin Biard. “Le terrain me semble fertile pour voir apparaître une formation d’extrême droite au sud. Mais le chemin demeure ardu. La capacité de partis politiques à se structurer et à proposer des listes complètes dans chaque circonscriptions reste faible.”
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