Un homme mort à Charleroi: “Cet immobilisme” politique “coûte des vies”
InterviewsUne personne est décédée et une autre a été envoyée aux soins intensifs à Charleroi. Leur pathologie était différente. Mais d’après le directeur de Sida-Infections Sexuellement Transmissibles (Sida-IST) Charleroi-Mons, Rudy Gooris, la cause de leurs déboires est identique. L’homme tire la sonnette d’alarme.
Des injections de drogue opérées dans de mauvaises conditions sanitaires. Selon Rudy Gooris, elles ont mené à la mort d’un individu de 25 ans et à l’hospitalisation aux soins intensifs d’un autre quidam de 28 ans.
Le directeur de Sida-IST Charleroi-Mons s’en est ému dans une publication Facebook datant de lundi dernier: “J’ai appris vendredi le décès d’un jeune homme de 25 ans, suite à une septicémie. Dans la foulée, j’apprends aussi la présence aux soins intensifs d’un autre de 29 ans, suite à une endocardite infectieuse. Les deux pathologies sont clairement liées aux injections faites dans de mauvaises conditions”.
S’il est aussi catégorique, c’est parce qu’il connaissait ces personnes. Pour lui, l’issue était inéluctable: “Ces garçons n’avaient pas la possibilité de faire autrement”. En d’autres termes, l’absence d'une salle de “shoot” à Charleroi leur a été fatale.
Responsabilité politique
Dans sa publication Facebook, Rudy Gooris, met clairement les autorités face à leurs responsabilités: “Quand pourra-t-on parler d’homicide involontaire par défaut de prévoyance, voire de négligence coupable de la part des autorités??? En effet, l’absence de salle de consommation à moindre risque à Charleroi engendre encore toujours son lot de morts et d’hospitalisation qui pourraient être évitées!!! Mesdames et messieurs les RESPONSABLES politiques, combien nous faudra-t-il encore de décès pour que les choses changent à Charleroi comme c’est déjà le cas à Bruxelles, Liège et dans de nombreuses villes du monde?”
Loi de 1921
Une salle de consommation de stupéfiants à Charleroi, c’est un peu comme l’Arlésienne. Tout le monde en parle, mais personne ne la voit jamais venir. “Le problème, c’est la loi de 1921. Elle règle tout ce qui est lié aux stupéfiants” déclare Rudy Gooris.
Cette loi a pour objectif de:
• réprimer la production, la détention et la vente de drogues illicites;
• lutter contre le trafic de drogues illicites.
Même si elle a été modifiée entretemps par des Arrêtés Royaux (AR), il n’en reste pas moins que la possession, l’achat, la vente, la culture et le commerce de substances psychoactives demeurent interdites en Belgique. Il n’y a donc, actuellement, pas de politique de dépénalisation ou de légalisation de certaines drogues.
Parquet de Charleroi
Pourtant, des salles de “shoot” existent bel et bien dans notre pays: “Une salle de consommation peut être mise en place à condition que le Parquet donne son accord implicite. D’après ce que je sais, le Parquet de Charleroi est réticent à outrepasser la loi”.
Contacté par nos soins, le Procureur du Roi de Charleroi, Vincent Fiasse, confirme que la législation n’autorise pas ce genre d’endroits. Toutefois, il laisse clairement la porte entrouverte: “Le Parquet a une certaine latitude dans l’appréciation du délit. Nous avons la possibilité de classer sans suite certains dossiers. Par conséquent, il est envisageable qu’une salle de shoot soit instaurée à Charleroi sans que les personnes qui s’y rendent ne soient poursuivies. Mais il y a des conditions à cela.
Nous sommes enclins à ce que ce lieu soit aménagé pour autant qu’il n’y ait pas de dérapage. Quand je parle de dérapage, il peut s’agir d’une overdose, par exemple. Dans ce cas, une enquête serait très probablement entreprise. D’ailleurs, il se pourrait que la famille de la victime se porte partie civile et qu’un juge d’instruction soit mandaté pour éclaircir l’affaire. En tant qu’organisatrice, la Ville de Charleroi pourrait avoir des comptes à rendre”.
Néanmoins, ces exigences du Parquet carolo n’ont rien d’exceptionnelles: “Notre position est identique à celle adoptée par les autres Parquets du pays”. Et Vincent Fiasse ajoute: “La Ville de Charleroi est parfaitement au courant de notre point de vue. Depuis plusieurs mois maintenant”.
Ville de Charleroi
De son côté, la majorité communale actuelle de la Ville de Charleroi (PS, Écolo, C+) a toujours déclaré vouloir d’une salle de shoot sur son territoire. Formée en 2018, elle n’a cependant jamais encore concrétisé ses souhaits exprimés. Or, nous sommes déjà en 2022. “Le projet est toujours en cours d’élaboration. Il n’y a encore aucun échéancier fixé. La Ville souhaite faire correctement les choses” communiquent officiellement les autorités communales.
Comme nous ne nous sommes pas satisfaits de cette réponse, nous avons demandé plus de précisions quant à l’avancée exacte du projet: “Une réunion avec tous les acteurs concernés doit encore avoir lieu. Des visites et des rencontres avec des villes qui possèdent déjà une salle de shoot sont programmées”. Pour quand? Avec qui? Nous n’en saurons pas plus.
Longue attente
Rudy Gooris, lui, en a clairement assez d’attendre: “Je ne saurais plus vous dire depuis combien de temps je réclame ce type de sites. Plus de dix ans assurément. J’ai interpellé tout le monde: le monde politique, le monde judiciaire... À chaque fois, on me répond: ‘On y pense’; ‘On y réfléchit’; ‘On y travaille’. Mais au bout du compte, je ne vois toujours rien venir. Nos sollicitations sont plus anciennes que dans certaines villes en France ou à Bruxelles. Pourtant, là-bas, il y a enfin une salle de consommation à moindre risque. Ma patience a des limites. Cet immobilisme coûte des vies. Comme je l’ai déjà dit, un homme vient de mourir. Un autre est toujours à l’hôpital (NDLA. l’interview s’est déroulée le mercredi 29 juin 2022) et il n’est pas beau à voir”.
Effets positifs
Pour information, la première salle de “shoot” s’est ouverte en décembre 2021 dans la capitale. Il est encore un peu tôt pour en juger les effets. Mais pour le gérant de Sida-IST Charleroi-Mons, le dispositif a déjà montré ses avantages ailleurs: “Il permet de garder le contact avec les consommateurs. De contrôler leur état de santé. Une infirmière est là en permanence. Un éducateur est également présent pour travailler avec ces personnes. Si nécessaire, il leur offre un soutien pour des démarches administratives ou autres. Il y a toujours quelqu’un sur place pour intervenir immédiatement en cas d’urgence. C’est beaucoup mieux que la situation actuelle à Charleroi. Aujourd’hui, il peut s’y passer n’importe quoi, n’importe quand dans des lieux dégueulasses. Le risque d’overdose y est plus élevé”.
Ces propos sont corroborés par une étude détaillée de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) en France. Deux salles de “shoot” ont été passées au crible: l’une à Paris et l’autre à Strasbourg. Les résultats de l’analyse ont été révélés le 7 mai 2021. Ils penchent largement en faveur des Salles de Consommation à Moindre Risque (SCMR). Les conclusions des 40 chercheuses et chercheurs sont celles-ci: “Les résultats issus de ce programme de recherche montrent des effets positifs sur la santé, un rapport coût-efficacité des SCMR acceptable pour la société et une absence de détérioration de la tranquillité publique directement attribuable aux SCMR. Ces résultats sont globalement convergents avec les expériences conduites à l’étranger”.
Seul l’accès aux soins semble plus compliqué pour les usagers. Mais ce constat est propre au système mis en place dans l’Hexagone. Il est délicat de le transposer aux autres États qui ont adopté des salles de “shoot”.
Modification légale
Chez nos voisins, les SCMR étaient en phase de test. Chez nous, elles sont tolérées dans certaines villes, même si elles sont illégales. Un entre-deux qui agace Rudy Gooris: “Ce serait plus simple et plus clair si la loi de 1921 était changée. Or, seuls les politiciens ont le pouvoir de le faire. Tant que cette question ne sera pas réglée, il y aura des problèmes”.
C’est aussi l’avis du bourgmestre de Charleroi, Paul Magnette (PS). Au début de l’année 2020, il déclarait au conseil communal au sujet d'une salle de “shoot”: “Pour concrétiser ce dispositif, il faudrait apporter des modifications à la loi actuelle et s’assurer d’un financement spécifique”.
Le Sénat a d’ailleurs décidé de décortiquer cette loi sur les stupéfiants à l’occasion de son centenaire. Un an plus tard, il en est encore aux consultations. La dernière en date remonte au 20 juin dernier. Ont été auditionnés: le professeur en criminologie et coordinateur de l’Institut de recherche Sociale sur les Drogues à l’Université de Gand, Tom Decorte ainsi que la directrice du département des sciences sociales et politiques à l’Université Catholique d’Uruguay, María del Rosario Queirolo Velasco.
SOS
Plusieurs services existent à Charleroi et dans sa périphérie pour lutter contre son assuétude aux drogues:
> l’ASBL Trempoline a une mission d’orientation et de premier accueil vers tout service ou toute institution.
• Adresses: 25, rue Grégoire Soupart à 6200 Châtelineau (Châtelet) ou 54, rue Grimard à 6060 Montignies-sur-Sambre (Charleroi).
• Accueil: du lundi au vendredi entre neuf heures et midi ou sur rendez-vous à Châtelineau; sans rendez-vous et sans condition les jeudis et vendredis entre neuf heures et 16 heures ou les deuxièmes et quatrièmes samedis du mois entre neuf heures et midi à Montignies-sur-Sambre. Un programme communautaire y est aussi disponible sur rendez-vous.
• Téléphones: 071/40.27.27 pour le site de Châtelineau et 071/22.05.55 pour celui de Montignies-sur-Sambre.
> Le service Carolo Contact Drogues du CPAS de Charleroi a une mission d’orientation et d’information.
• Adresse: 10, rue d’Angleterre à 6000 Charleroi.
• Accueil: les lundis, mardis et vendredis entre huit heures et demie et midi et demi. Les mercredis et jeudis entre 13 heures et 17 heures.
• Téléphone: 071/30.26.56.
• E-mail: cliquez ici.
> L’ASBL Le Comptoir a pour mission l’accueil, l’information, la réduction des risques, les soins et l’accompagnement socio-éducatif des usagers de drogues.
• Adresse: 5, avenue Général Michel à 6000 Charleroi
• Accueil: du lundi au vendredi entre 11 heures et 16 heures. Permanence médicale de midi et demi à 14 heures.
• Téléphone: 071/63.49.93.
• E-mail: cliquez ici.
> L’ASBL Diapason-Transition. Diapason est une maison d’accueil socio-sanitaire (consultations médicales, sociales, psychologiques et soutien éducatif). Transition est un centre de courts séjours afin de réussir un sevrage.
• Adresses: Diapason se situe au numéro 2 du boulevard Dewandre à 6000 Charleroi. Transition se trouve au numéro 216 de la chaussée de Fleurus à 6060 Gilly (Charleroi).
• Accueil: tous les matins entre neuf heures et midi chez Diapason; sur rendez-vous en téléphonant du lundi au vendredi entre neuf heures et 18 heures chez Transition.
• Téléphones: 071/20.17.81 pour Diapason; 071/48.95.08 pour Transition.
• E-mail: cliquez ici.
> Le service de Santé Mentale du CPAS de Charleroi propose l’accueil, l’orientation, l’accompagnement psychosocial et psychothérapeutique des (ex-)consommateurs de drogues, alcool, de médicaments, et de leurs proches, et ce sous forme de consultations individuelles, de couples, de familles et de groupes.
• Adresse: 18, rue Léon Bernus à 6000 Charleroi.
• Accueil: du lundi au vendredi entre neuf heures et 18 heures.
• Téléphone: 071/32.94.18.
• E-mail: cliquez ici.
Retrouvez, ici, toute l’actualité de Charleroi et de sa région.
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