Un infirmier en soins intensifs: “Les patients Covid non vaccinés? C’est frustrant, mais je ne leur en veux pas”
Rebond épidémique, absences et inquiétude. Le pic d’affluence de patients Covid-19 dans les hôpitaux est prévu pour la fin du mois de novembre, selon les modèles. Dans les services, on tente de se préparer. Comme on peut. “Le taux d’absentéisme au sein du personnel soignant complique considérablement la situation”, avance Arnaud Bruyneel, vice-président de la SIZ Nursing. “On est obligé de fermer des lits. C’est le cas dans quasiment tous les hôpitaux.”
Phase 1A+ (bientôt) enclenchée. Les hôpitaux s’apprêtent à garder 33% des lits ouverts en soins intensifs pour les patients Covid-19 dans un délai de deux semaines, soit un lit sur trois. Certains établissements ont déjà franchi le pas, comme l’UZ Brussel. “Si les chiffres continuent d’augmenter, les hôpitaux seront en grande difficulté”, alertait, mercredi, Margot Cloet, directrice déléguée de l’organisation de soins Zorgnet-Icuro, sur Radio 1.
“Depuis plusieurs semaines on est déjà obligé de fermer des lits en raison de l’absentéisme au sein des effectifs”, déplore Arnaud Bruyneel, infirmier en soins intensifs au CHU Tivoli de La Louvière et doctorant en santé publique. “C’est le cas dans quasiment tous les hôpitaux. Cela arrive chaque année, mais pendant les vacances. Novembre, c’est normalement la période la plus chargée. C’est cela qui est inquiétant. On a beaucoup de certificats de longue durée, principalement pour des burn-out. Depuis 1,5 an, les soignants essaient de tenir le coup pour les patients, pour les collègues. Mais là, depuis septembre, les absences se multiplient. Certains prennent même des congés sans solde pour se retrouver.”
“On a du mal à voir le bout”
Des effectifs réduits qui imposent à certains hôpitaux de s'adapter presque au jour le jour. “On s’organise comme on peut. On navigue à vue, avec deux ou trois jours d'avance. On diminue notre activité non Covid, lorsque le nombre de patients Covid augmente. On n’a même pas encore reçu notre horaire pour le mois de décembre, parce que les responsables ne savent pas comment le boucler. Aux absences médicales s’ajoutent les congés annuels qui doivent être pris en cette fin d'année.”
“On a du mal à voir le bout”, poursuit Arnaud Bruyneel. “Les patients Covid représentent une charge de travail plus importante. La durée de séjour est plus longue, c’est plus éprouvant physiquement, à cause des mesures d’isolement, et psychologiquement. Lorsqu’une vague s’affaiblit, les experts qui analysent les chiffres assurent souvent que la pression diminue dans les hôpitaux, mais ce n’est pas la réalité. On rattrape le retard accumulé. C’est cyclique. Quand on repousse des interventions, les cas sont souvent plus complexes lors de l’admission. Les patients qui ont dû attendre restent souvent hospitalisés plus longtemps.”
“Les patients non vaccinés sont souvent mal informés”
Différence notable entre la quatrième vague et les précédentes, l'impact de la campagne vaccinale. “Le vaccin est efficace pour éviter 90% des formes graves”, se réjouit le vice-président de la SIZ Nursing. “Parfois, face à certains patients non vaccinés, on se dit qu’on aurait pu éviter ça. Souvent ils demandent aux médecins et aux infirmiers ce qu’il se serait passé s’ils avaient été vaccinés et certains avouent regretter leur choix. C’est frustrant. Mais on ne juge pas. Il faudrait changer de métier si c'était le cas. Les infirmiers en USI sont confrontés au quotidien à des patients qui sont là en raison de leurs choix de vie. On soigne. Point. Ce n’est pas différent pour le Covid.”
“Je n’en veux pas aux patients non vaccinés”, martèle avec conviction le Louviérois. “En discutant avec eux, on décèle souvent une mauvaise information. Ce n’est pas illogique. Beaucoup d’informations contradictoires circulent. Même les experts les plus médiatisés vont parfois à contresens. Une frange de la population est perdue dans la masse d'informations.”
“L’obligation vaccinale pour les soignants? On risque de les braquer”
Ce qui fâche surtout les professionnels du secteur, c’est l’avant-projet de loi imposant la vaccination obligatoire aux soignants. Le 1er avril, ceux qui n’auront pas franchi le pas risqueront de perdre leur agrément. “90% des professionnels de la santé sont déjà vaccinés”, souligne Arnaud Bruyneel.
“Un rapport du KCE (NDLR: le Centre fédéral d’expertise des soins de santé) montre que le pourcentage de vaccination varie considérablement d’un établissement de santé à l’autre. Est-ce vraiment utile de forcer la main, alors qu'on pourrait convaincre autrement une partie des indécis? Le caractère obligatoire risque de braquer une frange des soignants et certains vont quitter la profession. Il y aura un amalgame du style ‘après tout ce qu’on a vécu, on nous oblige encore à se faire vacciner.” Je considère que les responsables politiques dépensent beaucoup d’énergie dans ce dossier pour finalement toucher un faible pourcentage de soignants non vaccinés. Cela avait du sens quand on était à 60% de soignants non-vaccinés, beaucoup moins désormais.”
“Dommage de toujours reproduire les mêmes erreurs”
D'autres décisions politiques ont parfois suscité une certaine incompréhension, comme le relâchement (temporaire) du port du masque en Flandre. “C’était un choix aberrant. Le Covid-19 est un virus saisonnier et c’est normal qu’à une certaine période de l’année, on va davantage insister sur le masque et à un autre moment, relâcher un peu. Mais là, ce n’était vraiment pas le bon moment à l’aube de l’automne. C’est frustrant car c’était davantage une décision politique que scientifique. En Flandre, on a un peu voulu faire les malins en soulignant les bons taux de vaccination. Mais avec ce genre de décision, on perd une partie de la population sur la cohérence des mesures. C’est dommage de reproduire toujours les mêmes erreurs après quatre vagues.”
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