“Un vrai challenge de savoir qui va travailler en unité Covid car on en a tous marre”
Des chiffres qui s’emballent, une inquiétude qui s’exacerbe. Un sentiment de déjà vu, un scénario (trop) connu. Depuis plusieurs jours, la crainte d’une nouvelle vague refait surface. Les hôpitaux appréhendent et se préparent à l’éventuel troisième round d’un combat presque ininterrompu depuis plus d’un an. L’heure n’est pas à un bilan approfondi, mais à la lassitude et au découragement. Les perspectives de changement manquent, la colère se renforce. “On a l’impression de ne pas être écouté par les responsables politiques.” État des lieux.
“Depuis un an, on ne fait plus la différence entre le week-end et la semaine”, glisse d’entrée Paul d’Otreppe, président de l’association belge des directeurs d’hôpitaux (’ABDH). Le répit? Ce n’est pas pour tout de suite. Les hôpitaux du pays se préparent à affronter une potentielle troisième vague de Covid-19. Dans quel état d’esprit?
“On baigne actuellement dans un cocktail un peu particulier composé d'épuisement chronique, d’inquiétude et d’un peu d’espoir apporté par la vaccination”, entame Arnaud Bruyneel, vice-président de la SIZ Nursing et infirmier en soins intensifs au CHU Tivoli de La Louvière. “C’est un vrai challenge de savoir qui va aller travailler en unité Covid car on en a tous marre. Même si on reste tous solidaires, on ressent l’épuisement et cela peut parfois faire naître certaines tensions.”
“La mobilisation des débuts a laissé place à une forme de découragement. Le contraste est frappant”, corrobore Paul d’Otreppe. “On perçoit également une colère froide au sein du personnel soignant qui a le sentiment de ne pas être écouté par les responsables politiques. D’autre part, les résultats obtenus durant cette crise ne sont pas bons, c’est évident. La Belgique se trouve souvent dans le bas des différents tableaux ou en haut lorsqu’il s'agit de classements négatifs. L’exemple le plus marquant est évidemment le lourd bilan des décès. Les acteurs de terrain en arrivent à se demander ce qu’ils ont fait de mal alors que le travail accompli est remarquable. Le fautif, c’est le système en place qui n’est plus du tout adapté.”
“22.000 morts, ce n’est visiblement pas suffisant pour réveiller les différents pouvoirs exécutifs”, poursuit le directeur général de la clinique Saint-Luc à Bouge. “Le constat est un peu effrayant. On s’interroge: “Qu’est-ce qu’on va bien pouvoir faire pour que les autorités comprennent que le changement est moins négatif que la défense du système actuel?”
22.000 morts, ce n’est visiblement pas suffisant pour réveiller les différents pouvoirs exécutifs
“On attend toujours le mea-culpa des politiques concernant le manque d’équipement avec lequel nous avons dû composer au début de la crise”, reprend Arnaud Bruyneel. “Des collègues sont morts et le silence politique est assourdissant. C’est certainement l’aspect le plus compliqué à vivre. On peut même évoquer une sorte de déni, c’est assez perturbant. Certaines traces seront difficiles à effacer.”
“Depuis l'éclatement de la crise sanitaire, les élus répètent qu’ils écoutent l’avis des experts. En réalité, ils consultent principalement des académiques. Des personnes compétentes et qu’il convient de sonder, mais qui sont plus souvent derrière un microscope que sur le terrain. Ils ont parfois une guerre de retard par rapport aux gens de terrain”, regrette Arnaud Bruyneel qui pointe également du doigt les modalités de la prime d’encouragement réservée au secteur non marchand.
“La secrétaire qui a exercé en télétravail et qui n’a jamais mis un pied en unité Covid a perçu le même montant qu’un infirmier. Ce n’est pas normal. Cela a logiquement été mal accueilli et n’a pas contribué à atténuer le découragement d’une partie du personnel soignant. Au contraire. Personnellement, je préfère avoir de réels investissements plutôt que des primes “one shot” et entendre plus tard “On n’a plus d'argent”.
“L’âge de pierre”
“Rien n’était prêt pour éteindre un éventuel incendie. On a eu l’impression que dès que les premiers ratés sont apparus, on a pataugé pour trouver des solutions adéquates”, estime Paul d’Otreppe. “Des lacunes structurelles ont éclaté au grand jour, aux yeux de tous. Je pense notamment à l’exploitation des datas. On nous a toujours dit ‘c’est dangereux’ et on a créé des coffres-forts en Wallonie bien séparés de ceux de Bruxelles et de la Flandre.”
“Quand la Covid a débarqué et qu’on a eu besoin des données, personne ne s’est posé la question de la connexion. On s’est retrouvé à envoyer manuellement sur une sorte de fichier Excel toutes les informations au fédéral pour qu’il puisse prendre les décisions. On était à l’âge de la pierre dans la gestion des datas. Ce n’est pas étonnant quand on sait que l’innovation représente 1% des moyens alloués”.
Un financement qu’il juge “complètement dépassé” dans son ensemble. “Tout le monde est déjà passé à un financement par pathologie, mais pas nous. On poursuit dans un système lié à la prestation qui est déresponsabilisant. On a dix ans de retard par rapport à d’autres pays occidentaux. Avec le modèle actuel, les soignants qui traitent des pathologies non-Covid se disent ‘Notre activité est réduite de 40 ou 50%, on ne peut plus travailler’. Vous créez une vraie concurrence entre tous les acteurs du système de santé. Le financement en vigueur est un vrai frein à la résolution de problèmes comme la Covid-19.”
“Mieux préparé psychologiquement”
Si elle a principalement cristallisé les manquements et lacunes, la crise a également emporté dans son sillage certaines avancées. “Les consultations en visioconférence étaient diabolisées par les syndicats de médecins avant la Covid, elles se sont désormais érigées comme un vrai standard”, se réjouit Paul d’Otreppe. “On peut aussi pointer la solidarité entre Régions. Heureusement que les hôpitaux flamands ont accueilli autant de patients wallons lors de la deuxième vague. On était littéralement débordés. Si on n’avait pas eu le soutien du nord du pays, on aurait pu vivre une situation identique à celle de l’Italie au printemps dernier.”
“On est désormais mieux préparé psychologiquement et les réserves de matériel sont importantes”, avance Arnaud Bruyneel. “Mais les bras manquent. On constate une pénurie d'infirmiers, de médecins, d'aide-soignants... On doit pouvoir compter à l’avenir sur des équipes volantes polyvalentes, des soignants issus d'autres services et formés en continu aux spécificités des urgences et des soins intensifs. Ils pourraient être mobilisés en cas de plan d’urgence hospitalier. Mais il faut se rendre à l’évidence, on ne pourra jamais se retrouver dans une situation vraiment confortable à l’heure de gérer une pandémie.”
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