Une fraude lors de l’achat de millions de masques par la Belgique? La “référence” d’Avrox pose question
Le gouvernement belge a acheté, en juin dernier, plusieurs millions de masques à une société luxembourgeoise inconnue au bataillon. Le contrat à hauteur de 45 millions d’euros fait toujours l’objet d'une enquête. Het Laatste Nieuws s’est penché sur le dossier de son côté et a mis au jour une “facture”suspecte jusqu’ici non dévoilée. Et pour cause, elle soulève beaucoup de questions auxquelles les parties prenantes refusent de répondre. Le spectre de la fraude se précise-t-il?
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Peut-être en avez-vous encore l’un ou l’autre dans le fond d’un tiroir: les masques blancs en tissu distribués gratuitement par l’État via les pharmacies il y a quelques mois ont depuis été oubliés par beaucoup d’entre nous au profit des stocks de masques buccaux jetables ou plus joyeux désormais disponibles partout. Et pourtant, la course pour ces dispositifs sanitaires d’apparence “gratuits” ont creusé un peu plus la bourse du contribuable: ils nous ont coûté quelque 45 millions d’euros via le ministère de la Défense qui a versé la majeure partie de la somme (37,5 millions d’euros) à l’entreprise luxembourgeoise Avrox pour relever le défi posé par l’instauration du port du masque en Belgique. Un joli pactole pour une entreprise inconnue dont on sait maintenant que son siège est une boîte postale trop petite pour contenir tous les noms d’entreprises qui y sont enregistrés.
Avrox, c’est deux dirigeants français: un ancien footballeur et un ancien patron de restaurant. L’actionnaire majoritaire est un millionnaire jordanien domicilié à Malte, lié à un holding aux îles Caïman et une société de production de films financés aux USA. Le trio a sauté sur le juteux contrat que la Belgique offrait dans l’urgence, au grand dam de son secteur textile local.
Affaire classée
On se souvient en effet de la colère de la fédération belge du textile, mais aussi de plusieurs partis de l’opposition, lorsqu’un tel contrat a été adjugé à un outsider comme Avrox. La question de son octroi a été soulevée (notamment par le sp.a et la N-VA), mais balayée par la Cour des comptes en juillet, laquelle n’a constaté “aucune irrégularité” dans l’attribution du marché, au grand soulagement du chef de la Défense, Marc Compernol. “Affaire classée! Circulez, rien à voir”, fanfaronnait-il alors. Aujourd’hui, après des mois d'investigations, Het Laatste Nieuws en doute. Une facture découverte par nos collègues poserait problème.
Pourquoi Avrox ne veut-elle pas dévoiler avec quel État elle avait déjà traité? La réponse: il n'y a aucune facture au nom d’un gouvernement dans son dossier
Un premier contrat introuvable
Pour trier sur le volet les entreprises candidates, celles-ci devaient prouver avoir déjà pu livrer au moins une fois une commande d’au minimum de 100.000 masques en tissu. Condition sine qua non et légitime pour rester en lice et qui était initialement en faveur des entreprises textiles belges. Mais comment Avrox a-t-elle décroché de telles preuves, comme évoqué le 5 mai dernier par Philippe Goffin (MR), alors ministre de la Défense? “Avrox nous a donné comme référence la livraison d'un million de masques à un autre État”. De quoi clouer les concurrents belges au pilori. Édifiant aussi, pour un outsider. HLN a voulu consulter la preuve en question. Introuvable.
En pleine tempête médiatique, Avrox jurait via une agence de communication que son client voulait simplement garder l’anonymat. En septembre dernier, même topo: ledit précédent contrat qui avait permis de décrocher le deal belge était assorti d'un soi-disant clause de confidentialité. De son enquête, HLN a de son côté ressorti une donnée interpellante: la commande d'un million de masques a été passée via une société inconnue sise à l’île Maurice: “Bright Periods Consulting”, dont les activités sont tout aussi nébuleuses. On sait que la firme a été montée en 2015 à Ibiza, et le registre mauricien stipule simplement le nom de son directeur, un certain Flavio De Gos Barra. De ce dernier, pas de CV bien fourni n’émerge sur la Toile. Tout au plus un profil Instagram... où il pose surtout en maillot de bain...
N'oublions que depuis 2019, l’île Maurice pointée du doigt par l’UE pour son manque de transparence financière et ses avantages fiscaux
Rien en tout cas n’indique nulle part que l’homme ou son entreprise sont des références de l’industrie textile, et encore moins dans les masques sanitaires ni un quelconque lien avec un gouvernement. BPC est par ailleurs depuis lors gérée par “Legacy Capital”, une société de gestion qui semble surtout faire écran pour ses véritables actionnaires. Et n'oublions pas que l’île Maurice est désormais sur la liste européenne des pays peu regardants en matière de transparence financière et de régimes fiscaux. Toutes les tentatives d’obtenir une quelconque preuve de la part de Legacy Capital restent lettres mortes.
Sine que non mais “invérifiable”
Pas mieux du côté de la Défense, qui se contente de répéter que preuve a été fournie fin mars par Avrox avant l’attribution du marché mais que l’État ne peut contractuellement être divulgué. Confronté au fait que le bon de commande a été passé au nom d'une société installée à l’île Maurice et nous par une source gouvernementale, le ministère botte en touche: “La Cour des comptes a estimé que la procédure était correcte”. Faux: la Cour des comptes n’a jamais vérifié l’authenticité des preuves fournies par les candidats, et le SPF le reconnaît: un tel contrôle n’était pas possible pour la Défense non plus. Étrange, quand on sait que la fiabilité des références était éliminatoire dans l’attribution du marché à 45 millions d’euros. La question est de savoir s’il s’agit de pure négligence ou si quelqu’un savait et a décidé de passer outre la probable fausse référence.
Naturellement, Laurent Hericord, patron d’Avrox, perd patience sur la question et affirme avoir fourni les preuves nécessaires en temps voulu... Mais se tait sur le sujet Bright Periods Consulting. Laurent Hericord a pourtant ses entrées à l’île Maurice, où il dispose d’une adresse, par ailleurs non loin du... siège de Bright Periods Consulting. Les médias ne sont pas les seuls à s’emparer de ce flou de plus en plus gênant. La police fédérale enquête également, selon HLN qui a appris à bonne source que l’intérêt de la police proviendrait d'un indicateur ayant révélé que la référence n’était qu’un montage habile pour obtenir le contrat. Auquel cas la Belgique aurait accordé le marché sur base d'un faux en écriture, et il y aurait fraude lors de l’appel d’offres public. Sans complicité au sein du SPF, ose-t-on encore espérer.
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