Yves Coppieters plaide pour une “stratégie différente”: “On ne peut plus vivre de cette manière plus longtemps”
interviewEspoir et perspectives. Loin de certains messages anxiogènes qui dégagent peu d'horizons, Yves Coppieters appelle “à faire preuve de courage” et à “envisager le relâchement de certains sous-secteurs avant le printemps”. Le sport et la culture pourraient bénéficier d’allègements à court terme, selon lui. “Il ne faut évidemment pas tout rouvrir en même temps et les protocoles devront être très stricts, mais je suis convaincu que ce n’est pas cela qui va nourrir l'épidémie.” L'épidémiologiste de l’ULB plaide pour une “stratégie différente” et une “vision plus globale” de la pandémie. “On ne peut plus vivre de cette manière plus longtemps”, estime-t-il. Entretien.
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J-2 avant la réouverture des salons de coiffure. Certains experts ont exprimé leurs craintes quant à une potentielle hausse des différents indicateurs après la reprise des métiers de contacts. Le risque est-il important?
Y.C: Toute réouverture de tout secteur peut être un élément pour faire remonter les chiffres. Mais un an après l’éclatement de l’épidémie, on ne peut plus se permettre de ne pas prendre ce risque-là. La situation devient intenable sur le plan social, économique, etc. Si les coiffeurs respectent le protocole tel qu’il est défini (masque, ventilation...) et que des contrôles sont opérés pour s’assurer que cela est bien appliqué, je ne pense pas que le profil de l’épidémie va radicalement changer.
Des voix se sont élevées pour regretter cet assouplissement, alors qu’un geste vis-à-vis de la jeunesse semblait plus urgent. Partagez-vous cet avis?
Il faut être loyal vis-à-vis des métiers de contact. L’engagement politique était clair. Après la réouverture des commerces dits non-essentiels, on leur avait assuré qu’ils seraient les prochains sur la liste. Ne pas respecter cet engagement n’aurait pas été correct. Se poser la question maintenant, cela n’a pas de sens. Tous ces métiers de contact sont bénéfiques pour la société. Voir une activité sociale de base de ce type fonctionner à nouveau, cela procure un effet psychologique stimulant.
Le nombre de contaminations oscille autour de 2.000 cas depuis plus de deux mois. Peut-on considérer que l’épidémie est sous contrôle?
Oui, c’est le cas depuis une dizaine de semaines. Le plateau est trop haut, mais on constate une stabilité. Le taux de reproduction est inférieur à 1 et les situations graves n’augmentent pas fondamentalement. Il y a moins de 300 personnes en soins intensifs, le nombre d’admissions à l’hôpital tourne autour de 125 chaque jour et on se situe désormais sous la barre des 50 décès quotidiens.
Le seuil des 800 contaminations par jour est complètement obsolète
Les chiffres actuels demeurent encore bien au-dessus des seuils fixés par les autorités politiques à l’aube de l’hiver. Ces objectifs doivent-ils être revus?
Il faut savoir que le seuil des 800 contaminations par jour n’est basé sur aucun élément et c’est un critère qui est trop dépendant du testing. Si vous augmentez votre capacité de tests, vous allez recenser davantage de cas positifs. Ce chiffre a été décidé avant l’arrivée des variants et ne tenait pas compte de l’évolution de la vaccination qui est censée diminuer la propagation des transmissions. C’est un seuil complètement obsolète.
D’autre part, le nombre de transmissions n’est plus un indicateur très robuste à ce stade de l'épidémie. Le nombre de contaminations reflète la circulation du virus dans la population, mais n’est pas la véritable image car il est dépendant de la capacité de testing. Il faut surtout regarder le nombre d’hospitalisations et le taux de reproduction.
Vous évoquez les variants. Leur émergence s’est accompagnée d’une vague d’inquiétude...
C’est un problème, c’est clair. Mais il y a aussi beaucoup de fantasmes autour du risque des mutants. On suppose que la souche britannique, qui circule le plus chez nous, va prendre de plus en plus de place dans la population et être à l’origine de la majorité des contaminations. Cela reste une hypothèse. On a établi un mur de protection avec les gestes barrière et les différentes mesures en vigueur. Si le mur persiste, il sera efficace aussi contre les variants. Si on conserve les gestes barrières et un maximum de mesures de protection, notamment un testing très rapide au moindre symptôme, il n’y a pas de raison que ce variant pénètre plus que le virus actuel.
Pas de raison de s’alarmer, donc?
Il n’y a pas de raison de s’inquiéter, mais pas de raison de relâcher non plus. Il faut encore être prudent avant de relâcher, mais je ne fais pas allusion aux secteurs, en affirmant cela. Plutôt au comportement de la population. Si vous appliquez les gestes barrières dans votre vie de tous les jours, vous n’attraperez pas la Covid-19. La probabilité est très faible, même si vous êtes une personne à risques. Ce qui alimente l'épidémie, c’est la lassitude. C’est le ras-le-bol des gens qui appliquent moins bien les gestes barrières. Cela contribue davantage à propager le virus que d’assister à un spectacle, assis pendant deux heures avec un masque qui couvre la bouche et le nez.
Il y a beaucoup de fantasmes autour du risque des mutants
Vous êtes donc favorable à d'autres assouplissements pour certains secteurs à court terme?
Oui je pense qu’il faut oser relâcher certains sous-secteurs, pas des secteurs entiers. Je pense notamment à la culture et au sport en extérieur. On ne peut pas dire demain: “On rouvre toutes les salles de spectacle”. Mais la réouverture des salles qui sont capables d’appliquer le protocole et dans lesquelles il n’y a aucun risque pour les clients, devrait être envisagée. Cela peut vraiment contribuer à reprendre espoir et à améliorer la santé mentale, sans avoir une incidence fondamentale sur les différents indicateurs. Prenons l’exemple des musées, leur réouverture n’a pas eu d'impact considérable sur la situation sanitaire.
On le sait, les professionnels de l’horeca devront se montrer plus patients. Dans quelle mesure?
Quand les beaux jours reviennent, il faut songer à relâcher tous les secteurs où des activités en extérieur sont possibles. J’inclus évidemment l’horeca dans cette liste. Regardez en Italie, les terrasses fonctionnent et les restaurants restent ouverts jusqu’à 18h. Cela me semble être un protocole tout à fait raisonnable une fois que les conditions climatiques le permettront en Belgique.
À quoi pourrait ressembler le tableau de bord annoncé pour le Comité de concertation du 26 février prochain?
Ce tableau de bord doit évidemment être basé sur plusieurs indicateurs sanitaires comme le nombre d’hospitalisations, le taux de reproduction, l’occupation en soins intensifs, le taux de positivité, le taux de pénétration des mutants... Mais il doit également intégrer d’autres indicateurs qui reflètent l’état de santé global de la population. C’est bien de dire qu’on doit atteindre 75 hospitalisations par jour, mais si dans le même temps le taux de suicide augmente drastiquement chez les jeunes, ça ne va pas. On se cache une réalité. Il faut évaluer le bien-être de la population, considérer les conséquences sur les maladies chroniques, etc. Il est sans doute temps de sortir de cette vision purement sanitaire et privilégier une vision de la santé au sens large. On sait que l’on va devoir vivre avec le virus. Après un an, on doit être capable d'assumer une stratégie différente.
La campagne de vaccination a connu quelques couacs au démarrage et du retard semble avoir été pris dans le processus, même si le ministre de la Santé juge “incorrect" d'affirmer cela.
Les doses commandées sont bien suffisantes pour couvrir l’ensemble de la population. Mais les doses commandées ne sont pas les doses réellement livrées. La Belgique est un petit pays qui n’a pas la capacité d’influencer les chaînes de production pour fabriquer des vaccins ou les mettre en flacon. L’Allemagne a tapé du poing sur la table, la France également, mais pas la Belgique. Je ne pointe pas le fait que les vaccins n’arrivent pas, mais l’attitude attentiste des autorités politiques face à ce problème. On ne peut pas simplement dire qu’on est tributaire des distributeurs. Avec l’argent public, on ne peut pas faire n’importe quoi.
Vous êtes resté plutôt à l’écart de la querelle médiatique entre experts et politiques. Considérez-vous que les protagonistes assument simplement leurs rôles ou certaines limites ont-elles été franchies?
Si le virologue exprime sa crainte parce que le taux de reproduction augmente, c’est logique. Quand le politique promet de rouvrir les coiffeurs dans 15 jours, il est également dans son rôle. Le problème, c’est lorsque l’expert endosse un rôle politique ou l’inverse. Chacun a droit à la liberté d’expression, mais il y a quand même un devoir de réserve. Chacun doit rester à la place qui lui est attribuée dans la pandémie. En tant qu’analyste de la santé publique et épidémiologiste, je ne vais pas donner mon avis sur le MR ou sur les Flamands. Par contre, je peux avoir un avis sur la ministre de la Santé et sur la politique qu’il mène. Mais je ne vais pas commencer à étaler une couche de politique.
Les différends entre sphères politique et scientifique paraissent particulièrement marqués en Belgique...
Je trouve que la sélection des spécialistes qui parlent le plus dans les médias, et j’en fais partie, j’en suis désolé, biaise complètement le débat actuellement. Je comprends que les politiques se détachent de cela. La situation n’est pas gérable de cette façon. Le tort que certains ont, c’est de s’en prendre à un expert en particulier. En France, le panel d’experts est plus large et Emmanuel Macron ne cible jamais tel ou tel scientifique, il pointe dans certains cas une position défendue. En Belgique, on s’attaque parfois à des noms, à des personnes.
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