7sur7 à TorontoLe film sexy “Hustlers” avec Jennifer Lopez et Constance Wu dans les rôles principaux a été présenté ce samedi au Festival du film de Toronto. Nous avons rencontré la réalisatrice.
Déborah Laurent
Lorene Scafaria a longtemps cru qu’on l’empêcherait de faire son film. Quel homme blanc et riche allait accepter de lui donner de l’argent pour monter son film présentant des hommes blancs et riches (pour la majorité) se faire arnaquer par des strip-teaseuses? “Les hommes, au départ, étaient mal à l’aise” quand le pitch du film a été présenté, admet la productrice Elaine Goldsmith-Thomas. Quelqu’un a même demandé s’il était possible de ne droguer que les vilains. “On peut peut-être faire de l’un des gars un violeur et le droguer”, a-t-il été suggéré autour de la table. “Mais si on refaisait Le Loup de Wall Street, diriez-vous que Leonardo DiCaprio doit juste arnaquer les vilains?”, interroge la productrice, à juste titre.
Lorene voulait faire un film de strip-tease destiné à un public féminin. “Les films du genre destinés aux hommes ne montrent pas, je crois, la même humanité, la même empathie”, nous confiait-elle lors de notre rencontre à Toronto. “J’étais excitée à l’idée d’enfiler les chaussures d’une strip-teaseuse et de raconter à quoi ressemble leur vie au quotidien: les pour, les contre, les bons jours, les mauvais jours...” La machine s’est mise en route quand Jennifer Lopez a été rattachée au projet.
Si Jennifer Lopez vous proposait de vous envelopper dans sa fourrure... N’importe qui dirait oui.
Lorene Scafaria, réalisatrice de “Hustlers”
Lorene Scafaria a réussi à transformer l’histoire qu’une strip-teaseuse a vendue à un tabloïd en un film sur la puissance des femmes. “Je voulais montrer comment le monde des affaires a eu un impact direct sur leurs vies, comment le crash boursier a impacté leur travail. Il y a un avant et après l’effondrement de Wall Street pour ces femmes. Je ne voulais pas changer des choses, je ne voulais pas que ça soit noir ou blanc. Je ne voulais pas convaincre le public qu’il devait rallier leur cause ou les juger. C’est surtout une histoire d’amitié, c’est l’histoire de ces femmes qui montent un business ensemble. Je voulais parler de la dynamique du pouvoir. C’est un film sur le capitalisme, l’argent est lié au genre et le genre est lié à l’argent.”
Au début du film, Jennifer Lopez, dont le personnage de Ramona est une vétérante du club de strip-tease, prend Constance Wu, alias Destiny, la petite nouvelle, sous son aile. Littéralement. Elle l’enveloppe dans son gigantesque manteau de fourrure pour qu’elle ne prenne pas froid. “C’est la première scène que j’ai écrite et la dernière qu’on ait tournée”, indique Lorene.
“Pour moi, ça a toujours été “la” scène: Ramona qui ouvre son grand manteau de fourrure et qui enveloppe Destiny. Destiny a des contacts avec des hommes au travail, elle a des relations superficielles avec les autres filles, elle a sa grand-mère mais celle-ci ne sait pas ce que sa petite-fille fait pour gagner sa vie, elle n’a pas vraiment de connexion avec quelqu’un. Quand on voit Ramona l’envelopper, on dirait un bébé kangourou. Elle passe de “je ne connais personne” à ça, une relation avec une intimité immédiate avec une femme. Mais je pense que si Jennifer Lopez vous proposait de vous envelopper dans sa fourrure... N’importe qui dirait oui”, lâche Lorene dans un grand éclat de rire.
À côté de cette scène marquante et métaphorique, il y a cette phrase, qui clôture le film et qui fait dire à Jennifer Lopez que “l’Amérique est un strip-club”, le monde entier est un strip-club! Lorene explique: “C’est pour ça que c’est difficile de juger les gens pour ce qu’ils font dans la vie. Tout le monde navigue dans ce système endommagé. Écrire est un exercice d’empathie. J’adore prendre des personnages qui sont généralement incompris et faire en sorte qu’on les comprenne mieux. Le club de strip-tease est un microcosme, une métaphore du monde. On essaie tous d’avancer comme on peut.”
“Hustlers” sortira le 16 octobre en Belgique. Retrouvez notre critique du film le jour de sa sortie.