Leïla Bekhti, la fille qui parlait avec les yeux
Interview à CannesC’est la bonne surprise de fin de Festival: Joachim Lafosse, réalisateur belge sélectionné pour la première fois en compétition, est venu nous cueillir avec “Les intranquilles”, un film qui parle de bipolarité. C’est un sujet très spécifique et à la fois incroyablement universel. “Les intranquilles" est un film d'amour qui interroge: comment on fait pour aimer l’autre quand il ne remplit plus sa part du contrat? Quand il va mal? Comment faire pour ne pas s’enfoncer avec lui, pour l’aider tout en continuant sa vie? Peut-on encore se projeter dans l’avenir? À l'affiche, Leïla Bekhti et Damien Bonnard sont époustouflants. L'un comme l’autre peuvent prétendre à un prix d'interprétation. Joachim Lafosse a un don pour magnifier ses acteurs. Ce n’est pas Emilie Dequenne, récompensée pour “À perdre la raison” en 2012, qui dira le contraire.
Leïla, mère de trois enfants, égérie L’Oréal, a vu sa carrière décoller après son apparition dans “Un prophète” de Jacques Audiard. C’est sur le tournage du film qu’elle a rencontré Tahar Rahim, son mari, père de ses trois enfants et accessoirement juré de cette édition cannoise aux côtés de Spike Lee et Mylène Farmer. Leïla est actuellement à l’affiche de “Comment je suis devenu super-héros” dispo sur Netflix. Damien Bonnard fut, lui, un figurant dans “Vénus noire” d’Abdellatif Kechiche, un loubard dans “Le bruit des glaçons de Bertrand Blier, un soldat français dans “Dunkerque” de Christopher Nolan. “D’après une histoire vraie” de Roman Polanski lui a enfin permis d’avoir un personnage avec un prénom. Il a bluffé tout le monde dans “Les misérables” de Ladj Ly, présenté à Cannes en 2019. Nous les avons rencontrés avant leur montée des marches.
Pourquoi on dit oui à Joachim Lafosse? Qu’est-ce qui vous plaît dans son cinéma?
Leïla: Pour son exigence, la manière dont il filme les choses du quotidien. Dans ce film, il filme un couple qui s’aime profondément, c’est une vraie famille. Il y a de la folie. Celle qu’on diagnostique avec le personnage de Damien, et la folie quotidienne, comme celle de mon personnage. J’aime beaucoup l’idée qu’elle se soit fait contaminer. Et il y a toutes ces scènes qu’on a pu réécrire ensemble parce qu’on a pu répéter dix jours avant le tournage. Ça a été merveilleux. On était en perpétuel mouvement avec ce film. Dès le début du tournage, Joachim nous avait dit qu’il n’avait pas la fin et que ça serait nos personnages qui la déciderait. C’est la première fois qu’un metteur en scène me disait un truc comme ça. Ce qui était difficile, c’était de ne pas rentrer dans des écueils. Il ne fallait pas que ça soit caricatural. Mon personnage ne devait pas être victimaire. J’aurais pu jouer la peur mais non, elle n’a pas peur. Le fait est que ça détruit leur quotidien. Deux personnes peuvent se séparer en s’aimant.
Damien: J’ajouterais que ce qui est beau quand on travaille avec Joachim, c’est qu’il laisse une place à la créativité, à la proposition. Il consulte tous les postes, il veut s’assurer que ça fonctionne pour tout le monde. Il est prêt à tout remettre en question pour ça soit juste dans la fiction.
Joachim dit que c’était son tournage le plus heureux…
Damien: Il a travaillé avec les gens de ses débuts. Johan, le premier assistant, c’était son prof de cinéma. C’est un film qu’il voulait faire depuis 35 ans.
Leila: C’est son film le plus personnel. Le petit garçon du film, c’est lui.
Damien: Tourner pendant dix jours dans les décors du film, ça a tellement aidé. On a trouvé des scènes qu’on aurait jamais eues sans ça. Avec le chef opérateur, ils ont abandonné ce qu’ils faisaient depuis des années, à savoir décider de faire tel plan, tel contrechamp… Ils ont décidé de suivre les personnages. Ils ont cassé leurs codes de fabrication. Il était très heureux.
Leïla: Il était très ému à l’idée de parler de ses parents. Ils l’ont vu, ils ont aimé. C’était important pour nous. Il a aussi très vite compris comment ça se passait avec nous. Il m'a dit les choses. Je ne suis pas susceptible dans le travail. Physiquement, il avait besoin de moi plus imposante que je ne le suis. Il a eu du mal à me le demander mais je lui ai dit: évidemment, pas de souci. J’étais en train de maigrir et il m’a dit “arrête”. Ce n’est pas tombée dans l’oreille d’une sourde. (Elle se marre.) Ça faisait partie du sujet. Elle le dit dans le film: “J’ai pris 15 kilos en deux ans”. Ça apportait encore plus de vérité.
Dans une interview, Leïla, vous avez dit: “J’ai vu La Strada à l’école. En rentrant j’ai raconté à ma mère que c’était fantastique parce que la dame parlait avec ses yeux et non avec sa bouche. Ça avait été une découverte extraordinaire.” Finalement, “parler avec les yeux", c’est ce que vous faites dans ce film. Il n’est pas très bavard, tout est dit dans les attitudes, les regards.
Leila: Je ne sais pas mais ça me fait plaisir ce que vous me dites. Avec le temps, ils se parlent moins. Mais c’est normal: avec le temps, dans un couple, on a parfois besoin de moins dire les choses. Parce qu’on se sait, on se sent.
Damien: Et puis, ça fait du bien de s’éloigner des films qui expliquent tout. C’est bien de ressentir les choses comme elles sont.
Damien, vous, vous avez dit qu'on vous a donné longtemps que des rôles “de policiers ou de voyous. Je n’avais pas de nom, pas de prénom, juste des fonctions.” Vous avez déclaré alors attendre avec impatience “de pouvoir jouer un père ou un mari”. Alors, ça fait quoi?
Damien: Ben je suis bien dans la merde parce que cette famille me manque énormément.
Ce qu'il a de particulier avec “Les intranquilles", c’est que c’est un sujet très précis et à la fois très universel...
Leïla: Damien aurait pu être alcoolique, c’était le prétexte pour parler du couple. Il ne la voit plus que comme une infirmière, et moi je le vois plus que comme un diagnostiqué. Le désir s’en va. Ce qui a été difficile pour moi, c’est qu’on ne voulait pas en faire quelqu’un qui subit. Forcément, c’est une victime collatérale. Mais elle fait tout ça profondément par amour. Elle a envie de protéger les siens. On sent bien que quand Damien est à l’hôpital, ce sont les moments où elle pense à elle. Ce sont les seules fois on la voit apprêtée. Et encore… Ce sont des moments où elle repense à elle. Elle tient sa famille à bras le corps.
Avoir gardé vos prénoms, c’était un choix?
Damien: Dans la dernière version du scénario, Joachim avait mis nos prénoms. Il nous a demandé si on était d’accord de les garder. On a dit d'accord. Ça a permis de garder certaines scènes alors qu’on avait fini de tourner. Si je rappelais Leïla pour lui dire un truc, vu que c’était les mêmes prénoms, ça pouvait être conservé.
À part leurs prénoms, il y a de quoi de vous dans ces personnages?
Leïla: Je ne me rends pas compte quand je joue mais ce qu’il y a de moi, c’est que je n’ai pas l’impression de sacrifier des choses pour les gens que j’aime, pour m’en occuper. Je peux être comme ça dans la vie: je peux être un peu louve. Ce n’est pas une qualité ni un défaut mais j’aime organiser les choses pour les autres. Pour moi, j’ai beaucoup de mal mais ça ne me dérange absolument pas de tout faire pour les autres. Après, ça peut être lourd parce que je prends les choses à cœur, je veux tellement que tout se passe bien... En fait, la folie la contamine. C’est ça qui est fou dans ce film: ce sont des choses du quotidien dans lesquelles tout le monde peut se projeter. Elle pose des questions à son fils pour savoir ce qu'il a fait avec son père, quand, avec qui... Les mères peuvent faire ça.
Damien: Moi, ce personnage, c’est tout ce que je m’interdis dans la vie. La violence, l’énervement, l’extravagance...
Leïla, votre conjoint, Tahar Rahim, est dans le jury. Vous n’avez pas eu peur qu'on vous reproche un conflit d’intérêt?
Leïla: Il aurait le droit de voter pour moi, mais il ne va pas le faire. Après... Tahar dans le jury, c’est la pire chose pour moi: c’est la personne qui est la plus dure avec moi. Et puis, de toute façon, il y a Jacques Audiard qui l’a révélé qui est en compétition, il y a aussi Asghar Farhadi avec lequel il a tourné...
Il a aussi joué avec Joachim Lafosse...
Leïla: Oui, mais ce n’est pas ça qui m’a décidé à tourner avec lui. Tahar et moi, on a chacun nos trucs de nos côtés. En tout cas, Tahar, s'il voit encore la Leïla qu'il connait au bout de trois minutes de film, c’est que j’ai mal fait mon travail. De toute façon, Spike Lee et les autres, je pense que ce n’est même pas un sujet pour eux.
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