Malaise lors de la conférence de presse de “Bac Nord”: “Je vais peut-être voter Le Pen après ce film”
7sur7 à CannesLes dérives de la police vues du côté de l'uniforme: à rebours de nombreux films sur les quartiers sensibles, "Bac Nord" du réalisateur Cédric Jimenez, présenté à Cannes, plonge dans une affaire qui a fait vaciller la police marseillaise, en adoptant résolument le point de vue des fonctionnaires. Et cet angle de vue a interpellé un journaliste irlandais qui l'a fait savoir au réalisateur en conférence de presse: J’ai vu ça de l’œil d’un étranger et je me suis dit: Peut-être que je vais voter Le Pen après ça”.
“Bac Nord” se met dans la peau de trois policiers joués par Gilles Lellouche, Karim Leklou et François Civil. Le film est inspiré d'une histoire vraie. L’unité Bac Nord a longtemps été portée aux nues pour ses résultats en matière de lutte contre la délinquance. Elle a fini par être dissoute après la révélation d’une série de vols de drogue ou d’argent, en marge d’interventions dans les cités de la ville. Les victimes? Des petits trafiquants de cannabis le plus souvent, à qui étaient dérobés billets ou barrettes de shit.
Près de dix ans après les faits, l’affaire, remontée jusqu’au ministre de l’Intérieur de l’époque Manuel Valls, a donné lieu à un premier procès qui s’est conclu par sept relaxes et des peines avec sursis pour onze prévenus, jugement dont le parquet a fait appel en mai.
Le film a été tourné avant cette décision, et adopte la ligne défendue par les policiers mis en cause: les dérives sont le résultat de la politique du chiffre entretenue par la hiérarchie dans ce qui était, au niveau des statistiques, “la meilleure Bac de France”.
“J’étais gêné, vraiment gêné”
Durant la conférence de presse consacrée au film dans le cadre du Festival de Cannes, le journaliste irlandais Fiachra Gibbons a interpellé l’équipe de “Bac Nord” sur l’image des cités renvoyée par le film: “Il y a juste quelque chose qui m’a gêné un peu. On est dans une année d’élection et moi j’ai vu ça d’un œil étranger et je me dis: peut-être que je vais voter Le Pen après ça.”
L’interpellation a suscité le regard médusé du réalisateur Cédric Jimenez ainsi que quelques rires et moqueries. Et le journaliste de poursuivre son propos: “À part la petite bête sauvage qui est dans la voiture de la police et qui n’est calmé que par le rap, les gens des cités ne sont que des bêtes, quoi, en fait. Et c’est une vue qu’on a toujours dans les médias français, dans la presse française. Ce sont des zones qu’on ne peut pas traverser, des zones hors civilisation où il faut réimposer la loi française et qui sont hors la loi. Le film est super, mais il y a un problème, là. On est dans une année d’élection. Est-ce que vous avez pensé un peu... J’étais gêné, vraiment gêné et je n’étais pas le seul”, a déploré Fiachra Gibbons, évoquant un peu plus tard un “parti pris”, tout en précisant avoir “adoré le film”.
“J’espère que Marine Le Pen ne va pas passer grâce à moi”
“J’espère que Marine Le Pen ne va pas passer grâce à moi, ça m’emmerderait. Sincèrement, au contraire, j’ai essayé avec le film de raconter effectivement des zones qui ont de grandes difficultés, qui peuvent paraître véritablement hostiles. Mais je ne pense pas qu’il faut régler ça avec un vote radical comme Marine Le Pen, pas du tout”, s’est défendu Cédric Jimenez, d’origine marseillaise, au journaliste.
“Les policiers ont affaire à des dealers, à des délinquants et pas à l’ensemble de la population des quartiers Nord. C’est un point de vue, c’est un angle. Mais je ne pense pas que le film soit là pour dénoncer les zones de non droit et pour attiser la colère, au contraire”, s’est encore justifié le réalisateur.
La scène, ainsi que la réponse du réalisateur Cédric Jimenez, est à voir ici, à partir de 3 minutes:
Une histoire “factuelle”, ni “pro-flic ni anti-flic”
“Je suis trois personnages qui ont vécu pendant des mois cette histoire, telle qu’eux l’ont vécue, telle qu’eux me l’ont racontée”, a expliqué le réalisateur à l’AFP. “Je ne pense pas que Bac Nord soit un film pro-flic ni anti-flic”.
“Je raconte quelque chose de très factuel. (…) C’est un focus sur une affaire, sur deux ou trois cités qui posent problème, sur des policiers qui ne sont pas des anges… Mais en face non plus. J’espère que Marine Le Pen ne va pas passer à cause de moi… Ça m’emmerderait”, a-t-il également déclaré. Il a expliqué avoir “essayé de raconter des zones qui ont de grandes difficultés et qui peuvent paraître véritablement hostiles. Mais je ne pense pas qu’il faille régler ça avec un vote radical comme Marine Le Pen. Moi j’irais plutôt vers quelque chose de beaucoup plus social.”
Le travail des policiers “plus complexe” qu'on ne le pense
Et d’ajouter : “On raconte la colère puisqu’on est avec des policiers. Les policiers ont affaire à des dealers, à des délinquants… Ils n’ont pas affaire à l’ensemble de la population des quartiers Nord qui est très importante à Marseille, puisqu’elle représente près de la moitié de la ville. C’est un point de vue, c’est un angle. Je ne pense pas que le film soit là pour dénoncer les zones de non-droit et pour attiser la colère. Au contraire.”
“Je ne voulais pas prendre parti (mais montrer) à quel point leur travail est plus complexe qu’on ne le pense”, a appuyé le réalisateur. Dans “tous les problèmes qu’on voit aujourd’hui (autour de l’action de la police), il faut tenir compte de ça: c’est aussi aux institutions, à l’Etat, à la hiérarchie de prendre ses responsabilités et d’encadrer les policiers”.
Dans le film, les policiers restent impuissants face aux bandes de trafiquants armés qui tiennent les points de deal et n’hésitent pas à les narguer. “On ne sert plus à rien, les habitants des quartiers, ils n’ont même plus l’espoir qu’on vienne les aider”, lâche, écoeuré, l’un d’eux après une intervention.
Le film les montre animés de la seule envie de bien faire leur travail. Et illustre leur chute, poursuivis par une justice présentée comme aveugle et sans âme.
À l’inverse de films de référence sur les quartiers, de “La Haine” aux “Misérables”, la détresse sociale n’est ici qu’esquissée. L’histoire développe par contre les difficultés financières de ces fonctionnaires peu rémunérés.
“C’est rare dans des films d’action de trouver un fond aussi fort, de parler d’une hiérarchie qui lâche sa base. C’est un film qui parle des gens un peu abandonnés, quels qu’ils soient”, a ajouté Karim Leklou lors de la conférence de presse.
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