Tom Boonen, le ‘Monsieur Paris-Roubaix’ des temps modernes

Si Tom Boonen avait déjà montré son savoir-faire et sa capacité à briller dans les monts flandriens avant de se frotter à la Reine des Classiques pour la première fois, c’est bien sur les pavés humides du Nord, le 14 avril 2002, que Tornado Tom a écrit la première grande page de sa légende. Dans la boue et sous une pluie incessante, Johan Museeuw écrit la dernière grande histoire de sa carrière en s’envolant seul, à plus de 40 kilomètres de l’arrivée, vers son troisième succès à Roubaix... Mais la sensation vient d’un jeune homme de 22 ans, encore inconnu du grand public. Parti dans l’échappée matinale, Tom Boonen, qui porte le maillot US Postal, tente de contribuer au destin de son leader George Hincapie. Mais l’Américain tombe et laisse son jeune équipier belge poursuivre son aventure seul. Loin derrière Johan Museeuw, le jeune Tom se fait un nom ce jour-là, en grimpant sur le podium, aux côtés du Lion des Flandres et de Steffen Wesemann.

“Tu seras mon successeur”, lui glisse Johan Museeuw sur le podium. Et le talent du jeune Anversois n’a d’ailleurs pas non plus échappé à Patrick Lefevere. Le boss de la formation Domo-Farm Frites, qui devient Quick-Step Davitamon à l’intersaison, fait le forcing pour engager Boonen. Pendant un peu plus d’un an, le jeune apprenti fait ses gammes aux côtés du Lion des Flandres et remporte ses premières classiques, avant de briller sur les Monuments.

Le vélo de Museeuw à peine accroché au clou, Tom Boonen prend la relève. À 24 ans seulement, il réalise son premier doublé Tour des Flandres-Paris-Roubaix, en 2005. Et, avec la manière qui plus est! Dans la finale du Ronde, Tommeke, grand favori,  peut sans problème attendre le sprint pour régler tout le monde dans la dernière lige droite, mais il décide de prendre son destin en mains, et il s’envole seul vers son premier Monument. Sur Paris-Roubaix, une semaine plus tard, il attend le vélodrome, pour aligner George Hincapie et Juan Antonio Flecha et doubler la mise.

La légende de Tom Boonen est en marche et se dessinera encore plus avec la rivalité qui va s’ériger au cours des dix années qui ont suivi. Car, en même temps que Tom Boonen, un autre croqueur de pavés, au style et aux qualités différents, se révèle: Fabian Cancellara.

À eux deux, le Suisse et le Belge vont régner sur les classiques flandriennes pendant une décennie toute entière. Ils ont tous les deux le même âge, l’un a une pointe de vitesse redoutable, l’autre est un rouleur et un finisseur hors-pair: le duel Boonen-Cancellara anime tous les printemps de 2005 à 2015. Le Suisse a d’ailleurs donné quelques leçons à son meilleur ennemi : à Paris-Roubaix, en 2006, ou sur le Tour des Flandres en 2010, quand, sur les pentes du Mur de Grammont, il avait laissé sur place son rival belge. Mais l’Anversois a eu du répondant et c’est bien lui qui a gagné cette bataille des pavés.

Recordman de victoires du Grand-Prix de l’E3 (5)  et de Kuurne-Bruxelles-Kuurne (3), co-recordman sur Gand-Wevelgem (3), le Tour des Flandres (3) et Paris-Roubaix (4), Tom Boonen a inscrit son nom en lettres majuscules dans le livre d’or des classiques flandriennes. Il a, tout simplement, le palmarès le plus étoffé de l’histoire du cyclisme sur les courses pavées.

Mais, s’il a connu la gloire sur presque toutes les classiques flamandes du calendrier, Paris-Roubaix restera à jamais, et plus encore que le Ronde, LA course de Tom Boonen. “Mon histoire avec Paris-Roubaix? C’est plus que sentimental, c’est la plus belle course du monde. Plus encore que le Tour des Flandres”, reconnaissait d’ailleurs le double champion de Belgique avant de prendre sa retraite en 2017.

Et si cette histoire d’amour est aussi forte, c’est aussi parce que c’est sur les pavés du Nord que Tom Boonen a réussi le plus éblouissant numéro de sa carrière. Il ne pouvait pas égaler le record de ‘Monsieur Paris-Roubaix’, Roger De Vlaeminck, sans y mettre la manière. Le champion du monde 2005 l’avait bien compris quand il s’est présenté au départ de Compiègne en 2012. Après avoir déjà marché sur la concurrence à Harelbeke, Wevelgem et Audenarde, Tornado Tom a parachevé le travail au terme d’une incroyable démonstration: 53 kilomètres en solitaire sur les pavés du Nord. 

La boucle était joliment bouclée par Tom Boonen, qui passera tout près de son cinquième succès quatre ans plus tard (deuxième derrière le surprenant Mathew Hayman), mais il était écrit que le record De Vlaeminck ne tomberait pas. Peu importe: Tornado Tom a laissé une trace indélébile de ses passages sur les pavés de la Reine des Classiques.