La presse belge est-elle trop gentille avec les Diables et Roberto Martinez?
“On a été éliminé par le futur champion d’Europe”. Ce constat devrait occuper une place de choix dans le discours médiatique des Diables dans les semaines et mois à venir. Un argument supplémentaire pour légitimer la sortie précoce à l’Euro 2020? Il ne paraît même pas nécessaire. Malgré son statut de prétendante à la victoire finale et les hautes ambitions affichées, notre sélection ne croule pas sous les critiques depuis son revers logique face à l’Italie. Comment expliquer cette couverture jugée clémente par certains observateurs dont l’ancien sélectionneur René Vandereycken? Focus.
Le jour d'après. “Déception”, “désillusion”, “rêve brisé” tapissent les pages des quotidiens nationaux au lendemain de l’élimination des Diables à l’Euro 2020. Les mots “échec”, “erreur” “responsabilité” se montrent plus discrets. Trop tôt, peut-être. L’heure est à “l’émotion”, comme le souligne Roberto Martinez qui décide de repousser de plusieurs jours le traditionnel bilan d'après-tournoi. L’objectif? Sans doute laisser retomber la pression médiatique qui, au final, ne va jamais réellement monter.
Entre la chute à Munich et la conférence de presse du sélectionneur, près d’une semaine s'écoule. Les questions légitimes qui s’imposent après une fin de parcours prématurée dans un grand tournoi sont parfois posées du bout des lèvres, du bout des doigts. “S’interroger sur l’avenir de Roberto Martinez est sain”, peut-on lire ou entendre, ici et là. Certains journalistes ou consultants adoptent une posture plus offensive, mais la grille d’évaluation peine à se remplir et c’est finalement l’ex-coach d’Everton lui-même qui vient compléter les cases à J+6. L’Espagnol, qui a minutieusement préparé le rendez-vous, s’en sort sans encombre.
“La première question posée lors de la conférence de presse est logique, on lui demande s'il compte prolonger l’aventure avec les Diables. Quelques minutes plus tard, le troisième journaliste à prendre la parole entame son intervention par ‘On est content que vous restiez’. Cela en dit long”, regrette François Colin, représentant de l’Association Professionnelle Belge des Journalistes Sportifs (Sportpress).
Certains journalistes n’osent pas critiquer cette génération
Dans son pays natal ou en Angleterre, où il y a longtemps œuvré, le Catalan aurait sans doute dû, au mieux, laisser passer l’orage après un Euro non conforme aux immenses attentes. Ici, il slalome aisément entre les gouttes. À l'instar de son groupe, loué quand il brille, relativement épargné quand il déçoit. Une tendance ancrée.
“La plupart des Diables qui composent le noyau actuel sont là depuis presque dix ans. On a souvent été positifs avec eux parce que les résultats et les performances le justifiaient. C’est difficile de changer de discours désormais, même si cela tourne un peu moins bien”, estime l’ancien chef des sports du Nieuwsblad.
“Je crois que certains journalistes pensent toujours que l’équipe nationale va remporter un trophée majeur ou au moins atteindre la finale et craignent qu’on vienne leur reprocher à ce moment-là d’avoir été trop sévères par le passé. Ils n’osent pas critiquer cette génération.”
Emballement et euphorie
“L'absence de critiques après l’élimination ne m’a pas vraiment surpris, on est sorti après un bon match contre un adversaire un poil meilleur. Ce qui est beaucoup plus interpellant, c’est l'aveuglement entretenu avant le tournoi et ces dernières années”, avance Gilles Goetghebuer, rédacteur en chef de Sport et Vie.
“J’ai vraiment été estomaqué de voir avec quelle emphase on a parfois traité cette équipe nationale. À partir de quelques joueurs exceptionnels comme Eden Hazard et Kevin De Bruyne, on a étendu le sceptre de l’enthousiasme à l’ensemble de la sélection comme si tous ses membres étaient géniaux. Mais des Dendoncker ou des Alderweireld, on en trouve beaucoup en Europe. Est-ce qu'on s’est vu trop beaux? Oui, je le pense."
“Certains se sont enflammés sur base de résultats, certes incontestables, mais pas souvent obtenus contre des grandes nations. L’explosion de cette génération a sans doute provoqué une sorte d’aveuglement quant à la réelle qualité des prestations", corrobore Thierry Fiorilli, journaliste et ancien rédacteur en chef du Vif L’Express.
“Avec ce statut de numéro 1 mondial, une sorte d’euphorie s’est développée. Elle ne s’est pas atténuée les mois qui ont précédé le championnat d’Europe malgré le fait que l’approche sur le terrain était différente et moins séduisante. Était-ce un choix délibéré? On n’a jamais vraiment mis le doigt là-dessus. Avec un parcours similaire dans le tournoi, je pense que Roberto Martinez aurait été nettement plus critiqué dans d'autres pays comme, l’Angleterre ou les Pays-Bas, en regard de la sortie précoce et de l’absence de matches enthousiasmants.”
Culture du compromis
“On vit dans un pays beaucoup plus cordial, convivial. Les positions radicales font assez peu partie de notre culture. Ce qui est vrai dans beaucoup de domaines l’est encore plus dans le sport", commente Jean-Michel De Waele, sociologue du sport à l’ULB. “Le sens du compromis l’emporte sur la volonté de mener de grands débats. De plus, les journalistes sportifs sont très dépendants des clubs ou de la fédération pour obtenir des informations, des interviews. Cela induit une forme de prudence. On emploie des litotes, des sous-entendus. Le ton n’est pas cash comme dans certains autres pays qui nous entourent."
Un argument réfuté par François Colin qui souligne “la fin des privilèges.” “Aujourd'hui, c’est rare pour des journalistes de presse écrite d'obtenir un long entretien individuel avec un joueur ou avec le sélectionneur. Ce sont principalement les détenteurs des droits télévisés qui en bénéficient. Nous sommes surtout cantonnés aux conférences de presse.”
Un paysage médiatique singulier
“Il convient également de prendre en compte la composition du paysage médiatique belge”, pointe Thierry Fiorilli. “On ne dispose pas de vrais tabloïds ou de journaux purement sportifs comme L’Équipe, AS ou Marca. Ces journaux doivent proposer du contenu, remplir x pages au quotidien, même quand il n’y a pas de match pendant cinq jours. Cela contribue inévitablement à se poser plus de questions ou à aller chercher des intervenants qui vont taper plus fort.”
“L’Équipe est une puissance financière qui emploie des dizaines de journalistes. Cela lui permet d’être plus autonome et plus critique”, appuie Jean-Michel De Waele. “Je comprends que pour le journaliste qui suit les Diables tous les jours pendant trois semaines, c’est difficile pour lui de remplir ce boulot de critique. Certains de ses collègues pourraient s’en charger. Mais ce n’est pas toujours le cas.”
“Avec la concentration des médias, au niveau sportif, on peut considérer qu’il n’y a que quatre rédactions de référence dans le pays”, prolonge François Colin. “Les groupes du Nieuwsblad et Het Laaste Nieuws au nord du pays”, IPM (La Dernière Heure-l’Avenir) et Rossel (Sudpresse-Le Soir) au sud. “Dans ce contexte, c’est beaucoup plus compliqué de se positionner. Si un média frappe très fort sur les Diables comparé à son principal concurrent, cela peut jouer en sa défaveur auprès de l’opinion publique.”
“Un petit monde”
“Dans la presse sportive belge, on peut parfois déceler un manque d’esprit critique”, reprend Thierry Fiorilli. “Il y a une tendance à vouloir défendre son pré carré. Une forme de proximité entre les journalistes et les protagonistes peut s’installer. C’est injuste pour plein de journalistes sportifs que je dise cela, mais parfois ils sont moins journalistes que passionnés, supporters ou amis. Cela explique en partie le fait que l’examen de conscience n’a pas vraiment eu lieu après l’Euro.”
“C’est vrai, certains journalistes sportifs enfilent parfois trop la casquette de supporter. Moi, en tant que fan, ce n’est pas ce que j’attends. Je veux que les journalistes analysent”, regrette le sociologue de l’ULB. “Ils le font souvent très bien pour l’aspect purement footballistique, pour évoquer les choix tactiques notamment. Mais dès qu’on sort du terrain, cela s’avère plus compliqué. Le simple fait de poser une question suffit pour être taxé de ‘pro’ ou ‘anti’. Ils risquent de perdre des abonnés ou des téléspectateurs, d’être inondés de tweets ou de mails... Et puis, le sport est un petit milieu en Belgique, tout le monde se connaît. Taper, par exemple, sur Roberto Martinez, c’est se compliquer la vie.”
“C’est un petit monde”, confirme l’ancien patron sportif du Nieuwsblad. “Si on a peur de critiquer, on ne doit pas devenir journaliste. Mais bien sûr que la proximité et les rapports humains jouent un rôle.”
“Trop gentil pour être critiqué”
“Dans le cas précis de Roberto Martinez, le fait qu’il soit asexué sur le plan communautaire, qu’il ne soit ni francophone ni néerlandophone, cela lui permet sans doute d'échapper à la critique. C’est un angle d'attaque auquel il n’est pas confronté”, avance Thierry Fiorilli. “Dans le passé, les médias flamands ont parfois tapé durement sur des sélectionneurs francophones et inversement. À l’origine, la nationalité de Martinez plaidait déjà en sa faveur plus que son palmarès ou sa réputation. Puis les résultats et la manière ont très vite suivi, il s’est rapidement immunisé contre la critique.”
“Je ne pense pas que sa nationalité entre en ligne de compte. Selon moi, c’est davantage sa personnalité qui oriente le traitement médiatique dont il fait l’objet”, nuance François Colin. “Roberto Martinez est toujours disponible, affable. Beaucoup de journalistes trouvent qu’il est trop gentil pour être critiqué."
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