Après le rapport du GIEC, la panique? “Plus on attend, plus les scénarios optimistes sont difficiles à réaliser”
INTERVIEWLe rapport du GIEC est clair: il y a urgence. Le climat change plus vite qu’on le craignait, et c’est la faute de l’activité humaine. Inondations, incendies, tempêtes ou encore canicules: les effets du réchauffement climatique sont là, et nous concernent déjà tous. Pour Jean-Pascal van Ypersele, professeur de climatologie à l’UCLouvain et ex-vice-président du GIEC, pas question de céder à l’immobilisme. Des décisions difficiles, mais nécessaires, doivent être prises maintenant. “L’atmosphère ne connaît pas les discours, elle ne connaît que les lois de la physique et de la nature.”
Quels sont les messages clés du nouveau rapport des experts climat de l’ONU (GIEC) publié cette semaine?
Jean-Pascal van Ypersele: Le rapport illustre tout d’abord que le réchauffement est bien établi, et qu’il est de l’ordre de 1,1 degré au-dessus du niveau préindustriel. Les événements extrêmes associés à ce réchauffement, comme les canicules, les pluies très intenses ou encore les périodes de sécheresse se sont multipliées au cours des 50 dernières années. Et c’est tout à fait confirmé: tout cela est le résultat de l’activité humaine par les émissions de gaz à effet de serre. Par le passé, le GIEC associait des degrés de probabilité entre les émissions de gaz à effet de serre et le réchauffement. Mais dans ce rapport-ci, il a dépassé ce stade, puisqu’il dit simplement que les activités humaines réchauffent le climat, point. Il n’y a plus de discussion possible sur ce sujet. Tous ceux qui s’accrochent encore à l’idée que ça pourrait être dû à d’autres facteurs - en tout cas à l’échelle de temps qui nous intéresse ici, c’est-à-dire ces 50 à 100 dernières années - peuvent aller se rhabiller.
Le GIEC pointe également que l'évolution future du climat dépend directement des décisions qui seront prises dans les mois et les années à venir.
Le rapport montre comment le climat pourrait évoluer suivant cinq scénarios différents, allant d’émissions très basses à des émissions très élevées. Évidemment, en termes d’évolution du climat, le réchauffement que l’on atteindrait à la fin du siècle, par exemple, n’est pas du tout le même selon les scénarios. Dans le plus optimiste, on peut arriver à la fin du siècle à être resté en dessous de l’objectif de Paris, qui était de ne pas dépasser 1,5 degré. Par contre, si on est sur un scénario d'émissions élevées et qu'on continue à utiliser massivement les énergies fossiles, on arriverait d’après la moyenne des modèles à un réchauffement de 4,4°, voire à un réchauffement de 5,7 degrés d’après les modèles les plus sensibles. On a vu chez nous quelle est l’ampleur des dégâts lorsqu’on est à 1,1 degré, alors si on était sur cette trajectoire-là, leur gravité serait beaucoup plus importante.
(la suite ci-dessous)
Les conséquences du réchauffement climatique que l’on vit aujourd’hui sont-elles irréversibles?
Dans le rapport, il y a de nombreux messages sur l’inertie du système. Une partie des changements va malheureusement continuer pendant un certain temps, notamment en ce qui concerne l’élévation des mers. Cette évolution répond à l’accumulation passée de gaz à effet de serre - et de CO2 en particulier - dans l’atmosphère depuis la révolution industrielle. Et ces effets-là ne vont pas disparaître du jour au lendemain, même si on arrivait aux fameuses émissions nettes nulles, c’est-à-dire ne pas émettre plus que ce que les systèmes naturels (les océans, les sols, les forêts) ne peuvent absorber. Pour certains paramètres, comme l’élévation du niveau des mers, on va donc avoir une poursuite des effets pendant des siècles, si pas des millénaires.
Au contraire, certains paramètres peuvent-ils être inversés?
Justement, oui! Il y a des composants dans le système climatiques qui sont plus réversibles que d’autres. Je pense notamment à la glace de mer, cette fine couche de glace de quelques mètres d'épaisseur qui flotte sur l’océan Arctique (la banquise, NDLR). Elle réagit assez vite aux variations de températures. Si on arrive à ralentir le réchauffement, voire à le stabiliser à la fin de ce siècle, cette glace n’aurait pas du tout le même comportement. On aurait beaucoup moins souvent un océan Arctique libre de glace au mois de septembre, période à laquelle il atteint traditionnellement son minimum annuel.
Par contre, en ce qui concerne la fonte de la calotte glaciaire du Groenland, par exemple, on a déjà dépassé sa température de conservation. Tant qu’on est au-dessus de cette température, elle continuera à fondre. Et si les températures augmentent encore, elle fondra plus vite que si on parvenait à maîtriser la situation. Il y a donc des différences très substantielles en ce qui concerne le climat futur et des paramètres aussi importants que le niveau des mers. C’est une bonne nouvelle, on a encore la possibilité d’agir d'une manière importante.
(la suite ci-dessous)
Ces éléments prouvent donc qu'il est important d'insister sur le fait que tout n’est pas perdu pour éviter un certain immobilisme, voire un désespoir chez une partie de la population.
Absolument. Je pense que ceux qui voudraient qu’on ne change rien à la manière dont on fonctionne dans l’économie mondiale, et qui voudraient notamment qu'on continue à utiliser le plus longtemps possible les combustibles fossiles, attisent le sentiment de désespoir. Si on est désespéré, on se dit qu'il n’y a plus rien à faire. Et s'il n’y a plus rien à faire, alors on va brûler les combustibles fossiles tant qu’il y en a. Je pense que c’est un message important de ce rapport: on a encore une bonne partie des cartes en mains. Pas toutes les cartes, mais une grande partie.
D’un point de vue scientifique, est-il encore possible de limiter le réchauffement à 1,5 degré?
Ça devient de plus en plus difficile. Le scénario - et c’est le seul! - qui permet de rester en dessous de 1,5 degré à la fin de ce siècle est très ambitieux. Il ne serait pas du tout facile à réaliser. Ça montre l’urgence de la situation. Plus on attend, plus les scénarios optimistes sont difficiles à réaliser. L’urgence est maximale. Chaque année qui passe où on émet 40 milliards de tonnes de CO2, est une année au cours de laquelle le budget carbone (les émissions qui restent à émettre avant que tout ne soit potentiellement irréversible, NDLR) diminue.
Tant que les discours ne seront pas transformés en actions très concrètes, en législations et en investissements dans des alternatives, ça ne fera aucune différence.
La publication du rapport a entraîné de nombreuses réactions à travers le monde. La Commission européenne a récemment dévoilé son “Pacte vert” pour réduire les émissions de gaz à effet de serre du continent de 55% à l’horizon 2030 par rapport à 1990. Avez-vous le sentiment que les choses bougent dans la bonne direction?
Ça bouge dans les discours, mais l’atmosphère ne connaît pas les discours, elle ne connaît que les lois de la physique et de la nature. Tant que ces discours ne seront pas transformés en actions très concrètes, en législations, et en investissements dans des alternatives, ça ne fera aucune différence. Le plan de la Commission qui a été annoncé début juillet n’est qu’une proposition. Deux à trois ans de négociations avec les États membres et avec le Parlement européen sont encore prévus. On est encore très loin d’avoir un paquet législatif qui correspond à ce qui a été annoncé.
Par ailleurs, l’Union européenne représente aujourd’hui environ 10% des émissions mondiales. Même si elle réalise tous ses objectifs, ça ne suffira pas au plan mondial. Il faut absolument qu’on ait une action du même ordre à l’échelle internationale, et on en est encore assez loin...
La réalisation de ces objectifs risque donc de demander une refonte complète de notre manière de fonctionner à un niveau mondial.
Tout à fait. Le GIEC l’a déjà écrit noir sur blanc plusieurs fois. Dans ce rapport-ci, mais dans le rapport spécial qui a été publié en 2018, le GIEC a été très clair sur ce point, à savoir que des changements structurels importants avec de fortes réductions d’émissions dans tous les secteurs sont nécessaires. Et ça, on n’en a pas encore vu le début. Même pas en Europe.
Pour aller plus loin...
Envie de vous pencher sur le rapport publié lundi? Pour plus de clarté, la plateforme wallonne pour le GIEC a publié une Lettre reprenant un résumé des 14 messages clefs du rapport disponible ici.
Le texte intégral est quant à lui disponible sur le site du GIEC en suivant ce lien. Il dispose notamment d’un Atlas interactif qui permet d’obtenir pour chaque région du monde des informations sur l’évolution de nombreux paramètres climatiques au cours du 21e siècle, et ce pour les différents scénarios d’émission de gaz à effet de serre présentés dans le dossier.
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