Comment Charleroi veut tendre vers l’indépendance énergétique d’ici 2050

Tendre vers l’indépendance énergétique et une décarbonisation complète d'ici 2050. C’est le but recherché par la Ville de Charleroi. Xavier Desgain vient de dévoiler son plan de bataille.

Dans le cadre d’une étude récente financée par la Wallonie, le potentiel géothermique minier carolo est estimé à 501 gigawattheure (GWh). Soit plus de 20 fois le potentiel thermique de l’incinérateur de Tibi, par exemple. “Il est d’autant plus intéressant que la zone à haut potentiel se situe en centre-ville, à Charleroi-Nord et Dampremy” détaille l’échevin dans un communiqué de presse. “Le centre-ville, forcément très peuplé et abritant écoles, centres commerciaux, hôpitaux, etc. offre une très belle opportunité et nous pousse à ambitionner un rôle de commune pilote en matière d’exploitation de ce potentiel”. 

Dans ce cadre, une seconde étude, plus approfondie, est actuellement en cours et devra aboutir à la mise en place d’une unité pilote sur le territoire carolo.

Outre ce potentiel géothermique, la Ville de Charleroi compte sur le captage du gaz de mine. Depuis l’arrêt des charbonnages, le grisou monte en pression dans certains puits qui n’ont pas été complètement ennoyés: “Nous avons donc tout intérêt à capter ce gaz qui sinon, s’échappera dans l’atmosphère. Les technologies existent pour récupérer ce méthane, le valoriser dans des moteurs de cogénérations qui produiront électricité et chaleur”.

A l’heure actuelle, trois puits font l’objet d’une procédure de demande d’exploitation (Bas Longs prés, Cerisier, Fiestaux). Une unité (un moteur) d’une puissance de 1.5 mégawatt (MW) électrique et thermique permet de générer l’équivalent de la consommation électrique de 7.000 ménages et de la consommation de chaleur de 900 ménages (12,3 GWh par an). Un site peut généralement accueillir entre deux et quatre unités.

La chaleur fatale est de la chaleur qui est produite dans un processus et perdue car non exploitée. Or, le potentiel de Charleroi est très important. “Aujourd’hui peu valorisée, la récupération de la chaleur fatale permettrait également de renforcer et pérenniser la présence de ces acteurs pourvoyeurs de nombreux emplois sur notre territoire en améliorant leur bilan carbone et financier” ajoute Xavier Desgain.

Afin de mieux appréhender ce potentiel, la Ville va mettre en place un cadastre du potentiel de chaleur de fatale de son territoire.

Outre la reconstruction intensive de son centre-ville, la Ville de Charleroi dispose de plusieurs zones issues de son passé industriel, en cours de réurbanisation complète et disposant de potentiel renouvelable important. 

L’élu écologiste veut que l’optimisation énergétique soit au coeur des projets: “Il parait indispensable d’intégrer en amont une stratégie de planification de la transition énergétique en analysant notamment les potentiels renouvelables disponibles sur la zone tels que la géothermie minière, le gaz de mine, le potentiel biomasse ou photovoltaïque, etc. Les besoins actuels et futurs en énergie, les potentialités de stockage... doivent également être pris en compte. Le tout permettant ainsi le design des réseaux énergétiques et la planification de l’urbanisation de la zone de manière à optimiser ces flux énergétiques, le tout dans une démarche de ‘District à Energie Positive’”.

C’est dans cet esprit qu’un Groupe de Travail (GT) “énergie” a été réuni par le bureau de Paola Vigano dans le cadre des travaux de réaménagement de la porte Ouest. Une démarche équivalente sera menée sur l’ensemble des différentes zones à réaménager et notamment sur les projets de nouveaux quartiers (Sacré-Français, Hiercheuses…) et autres sites publics ou privés en reconversion.

L’étude commandée par la Wallonie souligne également l’intérêt des réseaux de chaleur aptes à être alimentés par des énergies vertes diverses. Leur efficacité est décuplée dans les zones très peuplées comme l’est Charleroi. À partir de 1.500 habitants par kilomètre carré, la zone peut être considérée comme prioritaire. La Ville de Charleroi vise les zones à plus de 3.500 habitants par kilomètre carré.

“Nous sommes d’ailleurs déjà engagés dans la construction d’un réseau de chaleur dans l’intraring. En effet, nous profitons de l’ouverture des voiries du projet FEDER (NDLR. Fonds Européen de Développement Régional) Charleroi DC pour y intégrer, sur fonds propres de la Ville, un réseau de 2,5 kilomètres qui devrait permettre de relier le futur pôle Palais des Beaux-Arts (PBA)-Grand Palais, l’Hôtel de Ville, la Basilique, la zone du futur campus ainsi que d’autres acteurs parapublics comme l’Eden et La Sambrienne qui ont déjà marqué leur intérêt pour le projet”.

Les autorités communales déboursent environ trois millions d’euros pour l’instauration de ce réseau.

Des études sont également en cours avec l’Intercommunale pour la Gestion et la Réalisation d’Études Techniques et Économiques (IGRETEC) afin de développer une dynamique similaire sur la zone du Left-Side ainsi que pour les futurs immeubles d’appartements développés par Eiffage autour du projet de halte nautique. “La création d’une boucle à eau de géothermie fluviale, en utilisant la Sambre, pourrait permettre, même s’il convient de d’abord favoriser le free cooling, d’appliquer la recette qui a fait ses preuves à Marseille et de développer un projet innovant et unique” précise l’échevin.

La Ville de Charleroi développe aussi l’installation de chaufferies biomasse (plaquette de bois). Elle veut maintenant développer une plateforme de valorisation de la biomasse locale en vue d’alimenter ces chaufferies.

Le projet visera à associer différents acteurs de l’économie sociale afin de développer une nouvelle filière locale à destination des publics éloignés de l’emploi et au bénéfice des collectivités locales.

“Cette plateforme permettra par exemple de valoriser du ‘bois A’ issu du secteur industriel (du déchet de vieilles palettes, par exemple) ou des recyparcs de Tibi mais également d’offrir un débouché aux entreprises de parcs et jardins de la région pour la part ligneuse de leurs déchets” indique Xavier Desgain.

De nombreux projets de Power-to-X sont actuellement lancés et certains se positionnent sur le territoire de la Ville de Charleroi (, Waste-to-Wheel Suez-Tibi, …). Le Power-to-X est la transformation d’électricité en un autre vecteur énergétique. La région dispose également d’entreprises leaders dans le domaine de la mobilité hydrogène.

“L’idée est donc de pouvoir regrouper l’ensemble de ces acteurs autour de l’axe Advanced Manufacturing via A6K afin de développer un pôle de référence européenne en la matière et de générer de nouvelles filières d’emplois” commente l’échevin.

Le potentiel solaire est actuellement très peu développé sur les sites communaux. Pour y remédier, la Ville de Charleroi est à l’initiative de la création de Neovia en partenariat avec l’intercommunale de financement dans le domaine de l’énergie, Cénéo et les intercommunales de développement économique du Hainaut. Cette nouvelle structure doit permettre un développement massif du potentiel photovoltaïque des sites communaux ainsi que le développement des communautés d’énergie renouvelable communale.

La Ville souhaite également encourager l’implantation du photovoltaïque sur le bâti privé mais elle dispose aussi d’un certain nombre de zones délaissées ou de parkings qui offrent des surfaces avec peu ou pas de concurrence d’usage. Soit les surfaces ne sont plus utilisées (zones délaissées), soit une installation photovoltaïque peut fonctionner en parfaite cohabitation avec l’usage premier du site (parkings avec ombrières photovoltaïques).

La Ville lancera une évaluation du gisement relatif aux zones délaissées et artificialisées propices à l’implantation de centrales photovoltaïques.

Par ailleurs, la Ville de Charleroi a détecté d’autres potentialités au niveau de son énergie renouvelable:

• le potentiel de géothermie de grande profondeur de la région est inconnu, “mais on sait qu’il est important à Mons”. La géothermie de petite profondeur n’a pas non plus encore été estimé faute de connaissance sur la nature du sous-sol.

• la méthanisation des boues d’épuration. Les eaux usées génèrent des boues d’épuration qui, en France par exemple, sont méthanisées pour être valorisées en biogaz. Une étude Valbiom évalue le potentiel des boues belges à 430 GWh d’énergie à base de gaz vert. La Ville de Charleroi entend mobiliser IGRETEC sur l’étude du dossier.

• la méthanisation des FFOM. Les ordures ménagères fermentescibles sont une source potentielle d’énergie que la Ville, avec l’Intercommunale de gestion intégrée des déchets dans la région de Charleroi, Tibi, compte exploiter en créant une unité de bio-méthanisation.

• la création de cogénération biomasse. Des porteurs de projet souhaitent valoriser du bois de récupération. La Ville entend jouer un rôle de facilitateur pour ces porteurs de projets.

• la valorisation du potentiel des anciennes carrières. “Ces friches qui sont source de baignades interdites et de drames pourraient permettre la production conjointe d’énergie solaire et de stockage gravitaire de l’énergie, comme au Brun Chêne où un porteur de projet estime le potentiel de puissance crête à 3GW” fait savoir Xavier Desgain. La Ville entend également jouer un rôle de facilitateur pour ces porteurs de projets.

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