Bébé décédé dans une crèche: “Papy Sloeber” s’en était tiré avec une “bonne discussion” lors d'un contrôle
Roxan V.D., l’homme de 57 ans suspecté d’être responsable de la mort d’un bébé de six mois dans une crèche gantoise, a frôlé le licenciement voilà trois ans. Le père de la gérante de la crèche “’t Sloeberhuisje” faisait en effet l’objet de plusieurs plaintes et Kind & Gezin, pendant flamand de l’ONE, avait eu une “bonne discussion” avec lui quant à son attitude avec les enfants de l’établissement. Mais l’organisme avait décidé de laisser une nouvelle chance à “Papy Sloeber”, comme il se faisait appeler à la crèche. Aujourd’hui, la crèche déplore la mort de Billie, six mois, et la fille du suspect abandonne son travail de gardienne.
Sibren DejaegherDernière mise à jour:22-02-22, 12:26Source:Het Laatste Nieuws
“La crèche ’t Sloeberhuisje ne rouvrira plus ses portes”, confirme Han Vervenne, avocat de la gérante et fille du suspect Davina V.D., 36 ans. Vendredi dernier, Billie, une fillette d’à peine six mois qui lui était confiée, est décédée à l’hôpital des suites d'un grave traumatisme crânien survenu deux jours plus tôt dans la crèche de Mariakerke (Gand) dans des conditions encore floues. Le père de Davina, Roxan V.D., travaillait dans l’établissement de sa fille depuis toujours. Après les faits, il a rapidement été arrêté et est officiellement soupçonné de coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort. Selon les premiers éléments du dossier, il aurait en effet secoué très violemment le nourrisson, mais l’autopsie devra définir plus précisément les causes des blessures mortelles.
Davina ne sait plus quoi penser de son propre père, elle est totalement bouleversée
Me Vervenne, avocat de la propriétaire de la crèche
La gérante de la crèche n’aurait semble-t-il pas assisté à la scène qui a coûté la vie à la petite Billie, mais elle a été temporairement interpellée pour homicide involontaire avant d’être libérée sous conditions strictes. “Davina est elle-même en proie à de nombreuses questions dans cette affaire, vu qu’elle n’était pas présente lors des faits”, précise son avocat. “Elle ne sait pas quoi penser de son propre père. Elle est totalement bouleversée. Ma cliente n’a aucune idée non plus de ce que son père a déclaré aux enquêteurs lors de son audition”.
Attrapé à la gorge
Pourtant, ce n’est pas la première fois que le quinquagénaire fait face à de lourdes accusations. En effet, plusieurs plaintes sont déjà remontées à Kind & Gezin -homologue flamand de l’ONE- au sujet de celui que les enfants devaient appeler “Papy Sloeber”. En 2016, un parent d'un enfant inscrit dans la crèche l’avait accusé d’avoir attrapé son bébé par la gorge car il n’était pas sage. D’autres parents avaient indiqué que leurs enfants étaient giflés par l’homme dès qu’ils pleuraient ou se montraient trop bruyants. Les faits dont il était soupçonné étaient si graves que des parents s’étaient tournés vers la police.
En 2018, enfin, les plaintes ont mené à une première et dernière discussion entre l’intéressé et la gérante de la crèche, Roxan et Davina V.D., et Kind & Gezin. L’organisme chargé de contrôler que les établissements répondent aux normes de sécurité, d’hygiène et de bien-être avait alors averti le quinquagénaire qu’il risquait le licenciement au vu des plaintes déposées contre lui. “Mais l’entrevue s’était bien déroulée. Après conciliation, le père de ma cliente n’a finalement pas dû arrêter ses activités sur le champ au sein de la crèche, pas plus qu’après le suivi dont il a fait l’objet”, relate Me Vervenne sans détailler la teneur de ce suivi. On ne sait donc pas ce qui avait été convenu avec lui, mais malgré les soupçons et récits de maltraitance qui pesaient contre lui, “Papy Sloeber” était resté l’employé de sa fille et s’occupait toujours des enfants.
Ce qui est plus regrettable, c’est qu’à partir de 2020, Kind & Gezin a imposé aux crèches de nouvelles règles dans les crèches flamandes. Les collaborateurs doivent désormais disposer d'un diplôme ad hoc, de preuves de leur expérience professionnelle, de références et d’un certificat spécifique pour continuer à exercer dans les garderies agréées. Mais la crise sanitaire a valu au contrôle de l’application de ces nouvelles normes d’être reporté à 2024. Une décision qui a apparemment été un soulagement pour Roxan V.D., car celui-ci ne répondait sans doute pas aux exigences requises. On sait aujourd’hui avec quelles conséquences pour Billie et sa famille.
Dix ans d’antécédents
Il aura fallu un drame pour que le parquet fouille finalement dans les nombreuses plaintes contre ’t Sloeberhuisje, lesquelles s’étaient empilées sur les étagères de Kind & Gezin dans le passé. Les enquêteurs cherchent maintenant à établir s’il existe des plaintes pénales qui peuvent être ajoutées au dossier à charge afin de sanctionner plus lourdement les personnes impliquées dans le dossier. La crèche fait l’objet de plaintes remontant jusqu’à il y a 10 ans. Celle-ci concernent aussi bien des problèmes dans les soins prodigués aux enfants que des problématiques de sécurité, témoigne un parent dans Het Laatste Nieuws. Les rapports d’inspection de 2015 font déjà état d’accusation de violence physique dans le chef de Roxan V.D. sur les enfants, mais la gérante avait alors défendu son père et prétendu qu'il était innocent.
Parents terrifiés à l’idée de confier à nouveau leur enfant
Hier soir, Kind & Gezin a réuni autour de la table tous les parents dont les enfants étaient gardés par Davina et Roxan V.D. afin de discuter des conditions d’organisation et d’accueil de la crèche. Les parents qui se retrouvent aujourd’hui sans solution de garde sont aussi traumatisés par la mort de la petite Billie et à l’idée que leur propre enfant a peut-être subi des violences. Ils exigent aujourd’hui qu’on leur octroie une place prioritaire dans la crèche de leur choix, plutôt que de se voir imposer d’inscrire leur enfant dans la première crèche disponible comme le prévoit la réglementation actuelle en cas de fermeture inopinée. Le secteur est, en Flandre comme partout en Belgique, extrêmement sous pression et les places libres sont rares.
Les parents ont également décidé de se constituer collectivement partie civile dans l’affaire. Cela leur permettra d’avoir accès aux éléments du dossier.
L’avocat de la jeune gérante de crèche conclut en résumant l’état d’esprit de sa cliente: “Davina a décidé de ne plus pratiquer comme puéricultrice, mais son travail n’est pas sa première préoccupation. Elle est avant tout anéantie par ce que vit la famille du bébé. Elle n’a jamais voulu qu’une chose pareille se produise”, défend-il.