Ce cimetière de Charleroi devient un dépotoir, l’échevin fulmine: “Les gens n’ont plus aucun respect”

Le cimetière de Montignies Neuville à Montignies-sur-Sambre (Charleroi) est devenu un véritable dépotoir. Des sacs-poubelle non homologués remplis à ras bord au point d’être déchirés et des bidons en plastique s’y amoncellent. L’indignation est grande dans le groupe Facebook “Habitant de Montignies-sur-Sambre”. Laura Karnier qui a partagé vendredi passé les photos du triste spectacle est à la limite de l’incrédulité: “Les gens n’ont aucune honte?!!! Jeter leurs ordures au cimetière! (Cimetière de la Neuville). Sachant qu’il n’y a plus de fossoyeur là-bas, ce n'est déjà pas triste, mais alors si les gens n’ont même plus de respect! Je suis dégoutée”.

Contacté par nos soins, l’Échevin de la Propreté publique et des Cimetières à la Ville de Charleroi, Mahmut Dogru (PS), nous confirme qu’il n’y a plus de fossoyeur dans ce cimetière depuis trois ans: “Le fossoyeur attitré est en fin de parcours professionnel. Il est en maladie de longue durée. Il sera pensionné au mois de mai prochain. À partir de ce moment-là, nous lancerons la procédure pour embaucher quelqu’un qui puisse le remplacer”. Une fois engagé, le nouveau venu ne pourra pas débuter immédiatement: “Il devra d’abord passer par une période de formation et d’apprentissage".

En attendant, une solution de fortune est appliquée pour fermer le cimetière en soirée: “Les agents communaux font le tour des cimetières lorsqu’ils en ont le temps”. Mais le problème de l’insalubrité publique n’est évidemment pas lié à la seule absence du fossoyeur.

Le rouleau de sacs-poubelle blanc pour grand volume (60 litres) de l’Intercommunale de gestion intégrée des déchets dans la région de Charleroi, Tibi, coûte dix euros (pour dix sacs). Soit un euro par pièce. Celui pour petit volume (40 litres) est mis en vente pour sept euros. Soit 0,70 cents par pièce.

Or, sur le site web de vente en ligne, Amazon, il est possible de trouver un sac-poubelle d’une contenance de 60 litres pour 0,25 cents. Et cela sans effectuer de grandes recherches. Certain(e)s ont vite fait le compte même si des chèques-sacs sont offerts à tout ménage qui s’acquitte de sa taxe poubelle. Encore faut-il que cette dernière soit payée (voir tarifs dans l’encadré au bas de l’article)!

Comme ces sacs “pirates” ne sont pas ramassés par les services de Tibi et que leurs propriétaires risquent une amende, ils sont déposés dans des endroits non conventionnels.

Pourtant, les sacs-poubelle bleu PMC (emballages Plastiques-Métalliques-Cartons à boisson) sont autorisés à détenir davantage de déchets qu’auparavant. Depuis le 1^er juillet 2021, des barquettes, des raviers, des pots, des tubes (de dentifrice, par exemple), des films, des sacs ou des sachets en plastique peuvent y être placés. Or, le prix pour un sac bleu est seulement de 15 cents.

Qui plus est, le territoire de la Ville de Charleroi accueille en son sein trois recyparcs. Dans la région, il y en a même 14 au total. Il est possible d’y déposer ses déchets.

Aux yeux de Jérémy Herbut sur Facebook, cela n’est pas de nature à dédouaner les contrevenant(e)s: “Les parcs à conteneurs sont assez présents dans la zone, dans les dix à 15 kilomètres. Même en aller-retour, en prenant une consommations de dix litres (d’essence) aux 100 kilomètres, tu es à maximum sept euros l’aller-retour. (...) Pour moi, ce sont des excuses. Il est temps que les autorités passent à de la répression”.

Mahmut Dogru partage cette opinion: “Certains citoyens sont sans scrupule. Comment peuvent-ils déverser des immondices dans un cimetière? C’est un manque de respect total envers les visiteurs, mais aussi envers le personnel communal. Les gens n’ont plus aucun respect. La vraie source du problème, ce sont ces individus qui se permettent n’importe quoi. Ont-ils arrêté l’école en maternelle? C’est à se demander s’ils ont même un cerveau”.

Il ajoute même: “Il n’y a pas de justification possible. La Ressourcerie du Val de Sambre est même prête à venir rechercher gratuitement les encombrants à domicile”.

Pour combattre les dépôts clandestins, l’échevin fonde beaucoup d’espoirs sur l’arrivée de caméras. Il nous avait déclaré au mois d’octobre 2021: “Selon le cadastre, elles seront placées prioritairement aux différents points noirs recensés”.

Toutefois, ce futur dispositif ne sera pas appliqué pour surveiller les espaces funéraires: “Il y a 25 cimetières sur le territoire de la Ville de Charleroi. Il est donc impossible de tous les équiper. Ce n’est pas notre priorité. Mais d’autres solutions vont bientôt être annoncées”.

D’autant plus que la commande des caméras a pris du retard! En octobre dernier, notre interlocuteur avait annoncé qu’elle serait clôturée pour le début de cette année: “Au plus tard, pour le printemps!” Aujourd’hui, il ne se risque plus à un pronostic: “Je ne peux pas donner de délai. Je n’aime pas faire des promesses que je ne peux pas tenir. Si ça ne tenait qu’à moi, je n’aurais aucun problème à vous communiquer une date. Mais ici, tout dépend du marché public”.

D’après lui, c’est ce marché public qui prend plus de temps que prévu: “Il s’agit d’un marché public européen d’une valeur de 450.000 euros. Les conditions de son octroi sont plus strictes et plus vastes que d’habitude. Les postulants doivent donc répondre à un cahier des charges plus rigoureux”.

Pour ce qui est de la propreté des cimetières et plus globalement des voiries, la Ville de Charleroi va réorganiser son système répressif: “Nous allons constituer un nouveau pôle d’agents constatateurs. Ils auront la capacité de verbaliser les contrevenants. Ils bénéficieront de l’appui d’outils informatisés pour faciliter l’acheminement des PV (NDLR. Procès-Verbaux). Il y aura beaucoup plus de contrôles et de sanctions”.

Ceci dit, il n’y aura pas plus d’agents constatateurs que dans le passé. Comment les autorités communales comptent-elles dès lors augmenter le nombre de représailles? “Le sujet sera abordé lors du prochain conseil communal. La compétence des agents constatateurs ne fait pas partie de mes prérogatives. C’est celle du bourgmestre.

Ensemble avec son cabinet, le mien et le référent police, nous avons constitué un pôle de travail pour voir comment nous pouvions améliorer les choses. Il en est ressorti que les agents constatateurs devront davantage se consacrer aux constats. Cela ne fera sans doute pas plaisir à tout le monde, mais ils seront suivis de beaucoup plus près. Nous avons fait un point d’honneur à régler ce problème d’incivilités”.

Néanmoins, Mahmut Dogru souligne également que la Ville de Charleroi se heurte à certaines limites: “Nous pouvons infliger des SAC (NDLR. Sanctions Administratives Communales). Si jamais le coupable est insolvable, nous pouvons lui demander d’effectuer des Travaux d’Intérêt Communal à la place. Mais il n’est pas obligé de l’accepter. Dans ce cas, nous aimerions que la justice prenne le relais. Comme lors d’un retrait du permis de conduire, elle a le droit de transformer une amende en Travaux d’Intérêt Général”.

Jusqu’à présent, aucune réunion n’a encore été agencée entre les responsables politiques communaux et le Parquet de Charleroi: “Nous savons aussi que ce n’est pas évident, car la justice belge manque déjà d’effectifs. En plus, il y a eu la période troublée par le coronavirus. La tenue des audiences a été perturbée. Des séances ont dû être reportées. Nous n’avons pas voulu déranger davantage le Parquet qui doit accomplir toute une série de tâches prioritaires. Mais à un moment donné, nous devrons nous mettre autour de la table”.

D’après les statistiques du Service Public Wallonie (SPW) Environnement, 7.323 tonnes de déchets de propreté publique ont été enlevées sur le territoire de Charleroi en 2019.

À titre de comparaison, 3.272,60 tonnes l’ont été sur le territoire de Liège la même année. Or, le nombre d’habitants des deux villes est similaire même s’il est légèrement supérieur au Pays Noir. Le 1er janvier 2019, il était de 197.327 dans la Cité Ardente tandis qu’il était de 202.267 dans la cité sambrienne.

Par ailleurs, plus le nombre dépôts clandestins est important, plus la taxe poubelle risque d’augmenter. En effet, les détritus sauvages augmentent le coût de la gestion globale des déchets. Et la Région Wallonne (RW) impose aux intercommunales qui en ont la charge de répercuter les frais engendrés sur l’ensemble de la population.

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