Domenico et son frère de 16 ans molestés par la police à Charleroi: “Sale Italien”

Domenico Lambeau (24 ans) et son petit frère de 16 ans, Tiziano, ont passé une partie de la nuit du vendredi au samedi au cachot. “J’y suis resté durant trois heures tandis que mon frère a été libéré au bout d’une heure” déclare l’aîné.

L’origine de cette mésaventure? Il nous en donne sa version des faits: “Tiziano était descendu de la voiture pour faire la fête. Il était à pied. Je me suis garé sur le rond-point proche du parc Reine Astrid pour le récupérer. Vers 23 heures, 23 heures 30, des policiers m’ont demandé de ne pas rester là. Mais alors que Tiziano était sur le point de me rejoindre, des policiers l’ont étranglé et jeté sur le sol. Ils l’ont même étouffé avec son drapeau italien qu’il portait autour du cou. Or, mon petit frère est asthmatique. Heureusement, il n’a pas fait de crise d’asthme, mais il était moins une. Il faut comprendre. Il a eu vraiment peur”.

Sur les images de la vidéo que nous nous sommes procurées, on peut effectivement voir un policier saisir Tiziano Lambeau par le cou alors que celui-ci ne se débattait pas. Par contre, la scène avec le drapeau n’apparaît pas sur l’enregistrement.

En assistant au plaquage de son frère, il n’a pu s’empêcher de réagir: “Je suis sorti de mon véhicule pour aller voir ce qu’il se passait et directement, dix autres policiers se sont précipités sur moi”.

Des insultes se seraient échangées: “Oui, j’étais en colère. Mais eux aussi m’ont injurié. Ils m’ont traité de connard, d’espèce de con ou de sale Italien. Ils m’ont dit que je faisais honte et qu’ils allaient me niquer si je bougeais encore plus”.

Les deux frangins ont gardé des séquelles physiques de la soirée: “Les policiers ont serré les menottes tellement fort que mes poignets sont tous bleus. Mon visage, mon coude et mes genoux sont râpés, brûlés, car ils m’ont traîné au sol pendant que j’étais menotté. J’ai tellement mal que je ne parviens quasiment plus à marcher. Tiziano a eu une commotion cérébrale et a été écorché”.

Ensuite, il y a eu aussi des dégâts matériels: “Je ne l’ai su que par la suite, car à ce moment-là, je me trouvais déjà dans la fourgonnette de police. Mais durant l’intervention, mon auto a été griffée. Ma femme a interpellé les agents pour le leur faire remarquer. Ils lui ont répondu: ‘Il n’y a pas de griffure. Ferme ta gueule ou on t’embarque aussi!’”

Enfin, cette situation a failli lui porter préjudice au niveau professionnel: “Mon employeur pensait que j’avais foutu le bordel. Heureusement, les directeurs ont compris après que je lui ai fourni des explications. Ils m’ont accordé trois semaines d’incapacité de travail. Mais je n’en prendrai qu’une car ils ont besoin de moi et je ne veux pas me défiler”.

Avec son frère, Domenico va déposer plainte auprès du Comité P. En tant qu’institution externe, le Comité P enquête et rend des comptes au sujet du fonctionnement de la police. “Rendez-vous est déjà pris avec notre avocat” nous fait savoir notre interlocuteur.

Pourtant, il affirme qu’un agent a tout fait pour l’en dissuader: “Il m’a raconté que si nous portions plainte, cela irait mal pour nous. Et que de toute façon, nous n’obtiendrions jamais gain de cause, car les policiers sont protégés par les instances judiciaires”.

Contacté par nos soins, le porte-parole de la police de Charleroi, David Quinaux, ne peut s’exprimer sur l’affaire: “Je n’ai pas vu les images. Je ne suis pas au courant. Aucune plainte n’a été déposée jusqu’ici”.

Néanmoins, il confirme que tout particulier dispose de plusieurs possibilités lorsqu’il estime avoir été victime d'une bavure policière: “Il existe trois organes de contrôle: le Comité P, l’inspection générale et un service de contrôle interne. Des plaintes peuvent être déposées auprès d’eux. Quand c’est le cas, ils mènent des enquêtes”.

Il rappelle également la loi sur l’arrestation administrative: “La police a entièrement le droit d’employer la force strictement nécessaire en vue de maintenir ou de rétablir l’ordre, la sécurité et la tranquillité publique. Il suffit qu’un citoyen ne réponde pas à une injonction de la police ou qu’il fasse preuve de résistance. Vous savez, lorsque c’est le cas, les policiers ont rarement affaire à des enfants de chœur. Et tout d’un coup, ils deviennent des anges”.

Il n’empêche que les vidéos qui fleurissent sur les réseaux sociaux mettent souvent à mal des interventions des forces de l’ordre. Forcément, elles immortalisent un moment M. Parfois, elles sont salutaires comme lors du meurtre de George Floyd par un représentant de l’autorité publique aux États-Unis. Elles servent alors de preuves. Parfois, elles manquent de contexte et biaisent le regard porté sur une situation.

David Quinaux s’en rend parfaitement compte: “C’est pourquoi nous attendons avec impatience l’arrivée des bodycams”. Il s’agit d’une petite caméra que les policiers portent sur leur corps et qui enregistre les interactions avec le public. “D’autant plus que nous sommes tenus au secret professionnel! Nous n’avons donc pas les moyens de nous défendre lorsque nos services sont mis en cause”.

Cependant, les bodycams ne sont pas encore prêtes à débarquer au Pays Noir: “Elles sont utilisées dans des zones pilotes. Mais nous n’en sommes pas encore au point à légiférer en la matière”.

En 2020, 3.112 plaintes ont été introduites auprès du Comité P contre des policiers en Belgique. 66 concernent la Zone de Police de Charleroi. Six Zones de Police font moins bien (Bruxelles-Capitale/Ixelles, Anvers, Bruxelles Ouest, Bruxelles Midi, Bruxelles Nord et Gand).

 Dans 70% des cas, ces plaintes n’ont pas abouti.

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