Europol arrête 39 personnes en Europe, la Belgique impliquée: “Des actes de violence graves”

39 personnes ont été arrêtées en Europe pour trafic de migrants ce mardi 5 juillet 2022. Neuf l’ont été en France, 18 en Allemagne, six aux Pays-Bas et six au Royaume-Uni. C’est ce qu’informe officiellement Europol.

Dans son communiqué de presse, l’Office européen de police est fier du résultat: “Le travail conjoint de plusieurs enquêtes policières nationales à travers l’UE a permis de démanteler l’un des réseaux criminels les plus actifs de trafic de migrants. Ces derniers traversaient la Manche dans de petites embarcations. Le coup de grâce porté au réseau est le résultat de l’étroite coopération entre les autorités répressives et judiciaires de la Belgique, de la France, de l’Allemagne, des Pays-Bas et du Royaume-Uni, soutenues par Europol et Eurojust”.

Lors de cette opération concertée, les forces de l’ordre ont saisi notamment plus de 1.200 gilets de sauvetage, environ 150 bateaux en caoutchouc, près de 50 moteurs, aux alentours de 40.000 euros en espèces, des armes à feu, des voitures et de la drogue.

Des actions contre cette vaste organisation criminelle, souvent rendues nécessaires pour préserver la vie des migrants en situation irrégulière, avaient déjà eu lieu. 15 individus avaient, entre autres, été appréhendés par les autorités françaises en novembre 2021. Ce qui a facilité l’identification de membres d’origine irako-kurde au sein de ce réseau criminel “bien structuré”.

Ce groupe criminel est soupçonné de faire passer des migrants clandestins originaires du Moyen-Orient et d’Afrique de l’Est à l’aide de petites embarcations. Il les aidaient à quitter la France pour rejoindre le Royaume-Uni: “Les activités d’enquête ont permis de découvrir que le réseau criminel était actif depuis au moins octobre 2020".

Europol lève un coin du voile sur le fonctionnement de cette mafia: “Un certain nombre de cellules logistiques opérant depuis l’Allemagne et les Pays-Bas, aux côtés d’Hawaladars basés au Royaume-Uni, répondaient aux besoins organisationnels de cette structure criminelle”. Les Hawaladars sont les utilisateurs d’un procédé appelé Hawalada. Celui-ci est un système d’échanges de devises qui implique un seul expéditeur, un seul destinataire et au moins deux intermédiaires. Pas besoin de banque ou de bureau de change! Les frais sont très peu élevés.

“La concurrence pour le contrôle de l’activité lucrative du trafic de migrants et pour les sites de lancement des bateaux a régulièrement donné lieu à des actes de violence graves au sein du réseau criminel, dont deux tentatives de meurtre commises en France et en Allemagne. Le réseau de trafic de migrants était très professionnel. Il a mis en place sa propre infrastructure logistique. Des branches spécifiques étaient chargées de s’approvisionner en matériel nautique à l’intérieur et à l’extérieur de l’UE. Et ce, en grande quantité”.

D’après ses observations, Europol a pu établir le coût d’un voyage vers le Royaume-Uni: “Les suspects facturaient en moyenne 2.500 à 3.500 euros par migrant, selon la nationalité, pour faciliter leur transfert à travers la Manche. Le réseau criminel changeait souvent de tactique pour éviter d’être détecté. Il utilisait également des bateaux plus grands et naviguait la nuit pour faire passer le plus de migrants possible, sans se soucier de leur sécurité. Les indices suggèrent que parfois jusqu’à 15 bateaux ont été lancés presque simultanément, et que la moitié d’entre eux ont réussi à traverser la Manche. Les enquêteurs estiment que le réseau pourrait avoir fait passer jusqu’à 10.000 migrants au cours des 18 derniers mois, pour un chiffre d’affaires estimé à 15 millions d’euros”.

Les enquêtes françaises et belges se sont concentrées sur les passeurs, tandis qu’une coopération avec le Royaume-Uni, l’Allemagne et les Pays-Bas a été établie pour cibler la chaîne d’approvisionnement et les facilitateurs financiers: “En mai 2022, les autorités britanniques ont arrêté une Cible de Grande Valeur pour le compte de la Belgique. À partir de ce moment-là, les enquêteurs ont identifié plus de 70 suspects ayant des rôles différents dans l’organisation criminelle. Il s’agissait notamment des passeurs, des recruteurs, des fournisseurs d’hébergement et des chauffeurs chargés de transporter le matériel nautique, ainsi que les suspects chargés de canaliser les flux d’argent illégaux”.

Une Task Force opérationnelle (OTF) impliquant la Belgique, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, coordonnée par Europol, a été créée. Cette OTF soutient les enquêtes ciblant les réseaux criminels qui font passer des migrants sur de petits bateaux.

Les autorités se sont concentrées sur un certain nombre de passeurs de haut niveau, également connus sous le nom de “High Value Targets”, dont les poursuites permettent de perturber gravement, voire d’arrêter, le processus du réseau criminel.

Par ailleurs, Europol a nommé des experts spécialisés pour identifier les liens criminels entre plusieurs enquêtes nationales. À la suite de la tragédie qui s’est déroulée dans la Manche en novembre 2021, l’office européen a initié un déploiement permanent auprès de la cellule d’enquête spécialisée (URO/CIC), mise en place par la France et le Royaume-Uni, afin de cibler spécifiquement le trafic de migrants à l’aide de petites embarcations.

Les enquêteurs de l’OTF Dune ont bénéficié de l’instrument financier mis en place par Europol pour faciliter ces enquêtes de haut niveau. Plus de 250.000 euros ont été attribués aux pays participants pour financer tous les aspects de leur travail d’enquête.

Au cours de la journée d’action du 5 juillet 2022, Europol a diligenté plus de 20 enquêteurs sur plusieurs sites en Allemagne, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. En outre, trois experts d’Europol ont aidé les autorités belges, françaises et allemandes à recouper en temps réel les informations relatives aux opérations avec les bases de données d’Europol, à effectuer des analyses numériques et à soutenir les enquêteurs sur le terrain en leur fournissant de nouvelles pistes.

Eurojust a mis en place un centre de coordination pour permettre une coopération rapide entre les autorités judiciaires impliquées dans la journée d’action. Elle a aussi accueilli des réunions de coordination pour favoriser la coopération judiciaire et la préparation de la journée d’action commune.

Le trafic de migrants par le biais de petites embarcations est un modus operandi très dangereux “qui a progressivement augmenté peu avant le début de la pandémie de Covid-19".

Europol précise: “À la fin de l’année 2021, près de 50.000 migrants irréguliers ont tenté de traverser la Manche à bord de petites embarcations, soit trois fois plus que l’année précédente. Au cours des six premiers mois de 2022, plus de 11.500 migrants irréguliers ont atteint le Royaume-Uni, générant un chiffre d’affaires de près de 30 millions d’euros pour les organisations criminelles actives sur cette route de trafic”.

D’après ses statistiques, l’utilisation de petites embarcations est devenue le moyen principal pour transporter des migrants de l’UE vers le Royaume-Uni en 2021. Ce qui signifie qu’il a dépassé le trafic par camions.

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