Il fait ses courses à Charleroi et se fait frapper car il est homo: “Sale gros pédé”
InterviewsLa branche européenne de l’association internationale lesbienne et gay, ILGA-Europe, a publié sa Rainbow Map de cette année. Cette carte interactive permet de comparer les droits et les législations pour la défense de la communauté LGBTQI+ (NDLR. qui regroupe toutes les personnes qui ne sont pas hétérosexuelles) pour chaque nation européenne. En compagnie du Luxembourg, la Belgique se classe en deuxième position des pays les plus protecteurs. Seul Malte fait mieux. Mais ce n’est pas pour autant que les agressions genrées ont disparu de la circulation sur notre territoire.
Des insultes homophobes et paf, le coup est parti en plein visage! Résultat: un gonflement et un hématome d’environ dix centimètres au niveau de la joue et de la pommette pour Eric. Ce Carolo de 33 ans était en train de rentrer chez lui après avoir fait quelques courses: “Je ne sors pratiquement pas car je respecte scrupuleusement les règles mises en place actuellement. J’avais mes écouteurs, mon masque qui embuait mes lunettes et les mains chargées. J’avais la tête baissée, comme à chaque fois que je sors, pour éviter le regard des gens, car à l’heure actuelle, on se fait vite insulter pour rien. Un homme est passé à côté de moi. J’ai brièvement entendu qu’il me traitait de sale gros pédé pour reprendre ses mots. J’ai coupé ma musique et il a enchaîné en me disant que j’avais une coiffure de pédé. Le temps de prendre conscience de ce qui s’était passé, j’étais assis par terre, le panier de course éparpillé sur le trottoir et lui avait déjà tourné les talons.”
Qui?
Les faits se sont déroulés aux environs de 14 heures le vendredi 11 décembre à la Ville-Basse à Charleroi. Tout s’est passé en quelques secondes et notre interlocuteur n’a pas su reconnaître distinctement son agresseur: “J’ai juste vu une silhouette d’un homme qui n’avait pas l’air très âgé, mais de là à donner l’âge approximatif! J’ai simplement remarqué qu’il avait les cheveux courts. Comme beaucoup de gens...”
Au moment de l’action, les rues n’étaient pas désertes. Personne n’a réagi: “Il y avait quelques personnes mais pas suffisamment proches pour dire de faire quoi que ce soit. Et puis, à l’heure actuelle, avant qu’on vienne vous aider, il faut être persuadé de ne pas se mettre en danger aussi.”
Quant au bourreau, Eric ne sait même pas s’il l’a déjà croisé auparavant. Il ne sait pas non plus exactement comment cet individu a deviné son orientation sexuelle. Eric est célibataire et n’était pas accompagné: “Peut être est-ce ma démarche, ma façon d’être... Chez certaines personnes, cela se ressent peut-être plus. Et je pense faire partie de ces gens-là. Mais sans honte, ni problème. Je reste fier d’être qui je suis.”
Harcèlement
C’est pourtant la première de fois de sa vie qu’il est confronté à la violence physique d'un quidam: “Bien sûr, j’ai déjà été insulté. J’ai subi toutes sortes d’insultes à de nombreuses reprises en me baladant en rue.”
C’est moins le cas actuellement puisqu’il limite ses sorties à l’extérieur “pour éviter les contacts avec des personnes qui ne réfléchissent pas avec leur tête” et parce qu’il souffre d’une maladie auto-immune incurable qui l’épuise: “Je subis moins les railleries, mais c’était assez fréquent avant. Ce sont souvent des jeunes qui s’en prennent à moi. Ils me posent des questions du genre ‘C’est toi qui prends?’ ou me qualifient de 'tapette’, ‘fiotte’, ‘pédale’. Certains me lancent même ‘Tu iras en enfer parce que tu es un pédophile’. Le fameux amalgame...”
Cela peut être qualifié de harcèlement à caractère homophobe. Le harcèlement est punissable par la loi. Celui ou celle qui s’en rend coupable est passible d’une amende de minimum 50 euros et de maximum 300 euros ainsi que d’un emprisonnement d’une durée allant de quinze jours à deux ans.
Phobie policière
Pourtant, Eric n’a jamais déposé plainte pour ce type de faits. Il ne l’a pas fait non plus pour le coup qu’il a reçu sur la voie publique: “Je ne crois plus en la police. J’ai une peur phobique des policiers. Par le passé, quand j’ai eu besoin d’eux, quand mon ex-compagnon me frappait, ils ont eu tendance à ne jamais se soucier que je sois victime de violence conjugale. Il y a autant d’homophobie dans les rues que dans les commissariats.”
Et il cite quelques exemples du traitement qu’il a eu à subir dans différents postes de police de la région: “Quand vous vous présentez à l’accueil et que vous expliquez votre cas, on vous dit: ‘Ah! Encore une histoire de pédés!’ Ou quand vous avez été battu et que la police doit constater les coups, faire des photos des hématomes, elle vous dit ‘Ça arrive chez les gens normaux aussi.’ Ou bien, quand un policier vous prend par la joue et vous dit que vous avez une jolie petite gueule de pédé alors que vous avez été tabassé. La liste est longue. J’ai même contacté le comité P (NDLR. Le comité Permanent de contrôle des services de police) une fois. Il m’a fait comprendre que si je déposais une plainte contre la police, plus personne n’interviendrait pour m’aider... Donc fatalement, difficile de croire en la police par après.” Notre interlocuteur précise que ces événements se sont passés entre 2011 et 2017.
Police de Charleroi
À la police de Charleroi, des mesures ont été prises depuis 2014 pour lutter contre toute forme de discrimination. Le porte-parole de l’institution, David Quinaux, est également le policier de référence en la matière: “Le personnel est sensibilisé à l’ensemble des lois anti-discrimination. Par exemple, un jeune policier qui débarque dans nos services ou qui provient d’une autre zone de police reçoit deux heures d’informations sur le rôle qu’il a à jouer dans ce domaine. Moi-même, je donne deux formations continuées. L’une porte sur l’aspect pratique de la loi sur la fonction de police dans le respect des droits et des libertés humaines. L’autre sur la rédaction de procès-verbaux (PV) au regard des discriminations.
Nous avons aussi donné des outils à nos membres pour qu’ils puissent détecter plus facilement les cas de discrimination sur le terrain.
Il y a un officier relais au sein de chaque groupe d’intervention et de chaque poste de police afin que nous ne passions à côté d’aucune dérive. Depuis 2018, nous avons aussi donné des outils à nos membres pour qu’ils puissent détecter plus facilement les cas de discrimination sur le terrain. Par ailleurs, nous collaborons avec le milieu associatif et notamment, avec la Maison Arc-en-Ciel de Charleroi et avec Unia.”
Pour ce qui est du cas d’Eric, David Quinaux leur a transmis l’information. Une plainte a été introduite sur base du récit paru dans les colonnes de Têtu. Jusqu’ici, Eric n’a pas encore été interrogé par les forces de l’ordre. Son témoignage est pourtant indispensable à la récolte d'indices.
Condamnations antérieures
Des condamnations sont déjà tombées pour ce type de méfaits: “Un adolescent de 15 ans d’origine turque avait avoué son homosexualité à sa famille. Il a fallu six interventions de police pour trouver la source du problème. Mais une fois qu’elle a été détectée, nous avons fait appel à un juge de la jeunesse qui a placé le garçon dans une famille d’accueil. Les deux parents et le frère ont été privés de liberté. Ils frappaient le gamin ‘pour qu’il apprenne à devenir un homme’. Chacun des parents a été condamné à 15 mois de prison et à 2.400 euros d’amende. Le frère a bénéficié d’une suspension du prononcé.”
La suspension du prononcé d’une condamnation ne peut être ordonnée que si la personne poursuivie devant le Tribunal correctionnel ou le Tribunal de Police n’a pas déjà été condamnée à une peine de prison dépassant six mois et si la peine envisagée par le juge ne dépasse pas cinq ans d’emprisonnement. La victime est maintenant retournée au sein de son cocon familial et plus aucun incident n’a été observé.
Depuis 2017, le nombre de PV rédigés par la police de Charleroi pour délit de haine ou discrimination a connu une recrudescence impressionnante. En 2017, on en totalisait 11. En 2018, 28. En 2019, 55. Et jusqu’au 16 décembre de l’année 2020, 105.
Retrouvez, ici, toute l’actualité de Charleroi et de sa région.
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