La photo de l’arrestation des “amants diaboliques”, 23 ans après les faits

Une victoire pour la FAST, certes, “mais la bataille n’est pas encore gagnée”, nuance le commissaire. “Leur arrestation en Côte d’Ivoire est une étape, mais les faire extrader vers la Belgique sera une autre paire de manches. La Belgique et la Côte d’Ivoire ne sont en rien liées en matière de transfert de détenus. Mais nous allons faire tout ce qui est possible pour pouvoir les juger dans notre pays”, résume-t-il.

Hilde Van Acker, fille de comptable originaire de Saint-Nicolas, porte aujourd’hui une coupe de cheveux blond platine vivait non loin de son complice, le Franco-Ivoirien Jean-Claude Lacote. Le couple était recherché pour l’exécution de Marcus Mitchell, un homme d’affaires britannique, commise au Coq en 1996. L’homme avait reçu deux balles dans la tête alors qu’il était agenouillé. Son corps avait été découvert par des enfants qui jouaient dans les dunes. Le businessman avait investi des fortunes dans un projet de Lacote, mais venait de découvrir qu’il avait été escroqué par celui-ci. Peu de temps avant sa mort, la victime avait été vue aux côtés d’Hilde Van Acker à Knokke. Libérés quelques mois seulement après avoir été entendus sur l’affaire, les amants avaient pris soin de fuir le pays avant que l’enquête ne soit terminée pour rejoindre l’Afrique du Sud, où ils vivaient dans une luxueuse villa d'un million de dollars. 

Une vie d’excès, entre champagne et belles voitures, telle était la raison de vivre de Jean-Claude Lacote. Pour parvenir à ses fins, il avait ainsi profité de la naïveté de plusieurs hommes d’affaires à travers le monde. Hilde Van Acker, sous son influence, n’avait plus rien de la brave scoute qu’elle avait été enfant: elle était devenue sa “partner in crime”. Bien que fugitif, Jean-Claude Lacote était d’abord parvenu à s’attirer les bonnes grâces de la police sud-africaine via “Duty Calls”, une téléréalité sur le travail de la police. Mais sa situation avait tourné au vinaigre lorsqu’il avait tenté d’enlever le fils d’un homme d’affaires, ce qui lui a valu d’atterrir en cellule. Dans l’intervalle, la cour d’assises de Bruges avait condamné le couple par contumace à une peine de réclusion à perpétuité pour l’exécution du Britannique à la côte belge mais l’Afrique du Sud n’avait jamais accepté de le livrer à la Belgique.  

L’affaire des “amants diaboliques” a pris un tournant hollywoodien lorsque la Belge Hilde Van Acker est parvenue, en 2008, à faire évader son compagnon. Déguisée en agent de police, elle s’était rendue à la prison et avait présenté une fausse lettre du juge d’instruction exigeant d’emmener Jean-Claude Lacote pour un interrogatoire. Étonné, le gardien de service avait cherché à confirmer l’information en contactant le numéro de téléphone... inscrit sur le faux mandat d’amener. Un complice au bout du fil avait ainsi corroboré la demande d’Hilde Van Acker et Jean-Claude Lacote avait pu quitter la prison. Le couple était introuvable depuis ce vaudeville.

En réalité, le couple de criminels s’était réfugié à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Il y vivait depuis sous une fausse identité: Marlene Lacote pour elle, Stéphane Daniel Lacote pour lui, soit le nom de son (vrai) frère. Mais les “amants diaboliques” ne menaient plus la grande vie. Jean-Claude Lacote, pilote de formation, procédait depuis lors à des vols intérieurs pour quelques clients. Hilde Van Acker s’était séparée de son partenaire et travaillait comme comptable pour un bar de plage local. En parallèle, elle gérait une société de nettoyage qui travaillait notamment pour des compagnies aériennes. “La cavale est une entreprise coûteuse”, explique le commissaire Van Steenbrugge. “Cela les a forcés à se comporter comme des citoyens lambda. Nous étions sur leur piste depuis un moment, mais n’avions pas encore obtenu leur arrestation par les autorités locales”. Finalement, l’affaire s’est accélérée le mois dernier, lorsque Hilde Van Acker a été placée sur la liste des personnes les plus recherchées d’Europol, faisant d’elle la seule femme belge à figurer parmi les “Most Wanted”. “Le crime n’a pas de sexe” avait titré Europol pour attirer l’attention sur sa campagne. “La pression est devenue trop grande sur la Côte d’Ivoire”, qui a cédé, explique Martin Van Steenbrugge. 

Mercredi soir, Jean-Claude Lacote a été placé sous mandat d’arrêt, et Hilde Van Acker à son tour hier à 4 heures du matin alors qu’elle dormait. Le couple, forcément vieilli et l’air fatigué sur les premières photos diffusées par la police, comparaîtra devant un juge d’instruction sous cinq jours. Le parquet de Bruges demande déjà leur extradition pour assassinat, mais la France et la Suisse également. Les deux pays veulent en effet traduire Jean-Claude Lacote en justice pour diverses affaires de fraude. “Nous ne pouvons plus qu’attendre de voir si le juge ivoirien les maintiendra en détention sur place, les extradera ou les relâchera. Dans ce dernier cas, le risque qu’ils récidivent et fuient est grand”, prévient le commissaire belge.