Manon vit un calvaire sur le web: “Je vais t’exploser la tête à coup de chevrotine”, le Parquet réagit
Mise à jourLe harcèlement tue. Tout le monde a encore en mémoire le suicide de Maëlle (14 ans) pour cette raison. Malheureusement, ce fléau semble avoir encore de beaux jours devant lui. Toujours dans la région de Charleroi, une streameuse de 21 ans en fait les frais.
“Espèce de salope”, “Sale pute”... Ce ne sont que quelques-unes des insultes que Manon reçoit continuellement sur les réseaux sociaux. Cela fait des mois maintenant que cette streameuse et gameuse partage son douloureux quotidien avec ses “followers” (NDLR. “Suiveurs” en français).
Menaces
Les gens qui la harcèlent ne se contentent d’ailleurs pas de l’insulter. Ils la menacent aussi de mort et de viol. La preuve par quelques captures d’écran diffusées par la victime.
Parfois, la prose se veut malencontreusement lyrique: “Oh Manon, ton nom inspire dans mon esprit les pires déviances. Le charme indéfectible d'une femme violée ne peut qu’artistement me pousser aux bords brûlant du Gange, à la folie des plaisirs mêlée à l’émollient amour de te voir allongée sur le sol (...) t’entendre, crédule, demander grâce dans un lieu alimenter (sic) par le tintamarre de tes cris de douleurs et de hantise raisonnant dans ma tête comme une parfaite poésie faite par Dieu. Cela ne peut que me faire implorer l’immortalité de ce moment”. Nous avons volontairement omis de retranscrire certains mots assez crus.
Parfois, le naturel revient au galop et la grossièreté reprend le dessus: “Même si tu crois que je m’arrête, c’est juste pour te rendre encore plus dingo. C’est que je prépare un sale coup, tu comprends, sale pute!?”
Parfois, les auteurs préfèrent illustrer leurs propos avec des photos. Sur l’une de celle-ci volontairement brouillée, on peut voir un individu avec un masque de squelette sur le visage et une arme dans les bras. Cette image est accompagnée de ce message: “J’vais arriver en gilet par balle (NDLR. en réalité, il faut écrire gilet pare-balles) + pompe et j’vais t’exploser ta tête à coup de chevrotine. Chevrotined, ça va faire”.
Mais l’entourage de Manon n’est pas non plus épargné: “Tous tes proches vont souffrir”.
Téléphone et intimidations
Le cyberharcèlement se traduit également par des coups de téléphone intempestifs. Une fois, la jeune femme a reçu pas moins de six appels en une minute entrecoupés par des SMS tels que “Allô? Manon, t’es toujours en vie??” ou “Putain Manon?? Tu respires toujours??” Car les délinquants du web ne font même pas mystère de leur objectif: “On t’a pourtant conseillé de te suicider, salope”.
Pour ce faire, les intimidations sont légion: “J’te dis que t’es rien, espèce de vieille traînée. Tu vaux moins qu’une serpillère usagée remplie de fou...”. Ou encore: “Tu n’es rien, Manon. Enregistre-le bien!”
Longue enquête
Ce qui a poussé la victime à dévoiler son calvaire au grand jour, c’est le délai particulièrement long de l’enquête en cours. Car évidemment, elle a porté plainte. Depuis plus d’un an maintenant.
Cela a de quoi l’inquiéter puisque l’un de ses bourreaux habite à deux pas de chez elle. D’après elle, l’individu n’a toujours pas été auditionné par les forces de l’ordre.
Contacté par nos soins, le Procureur du Roi du Parquet de Charleroi, Vincent Fiasse, confirme: “Il n’a effectivement pas encore été entendu par les enquêteurs. Certains éléments doivent être vérifiés avant de se lancer comme ça chez quelqu’un. Il faut être sûr de ce qu’on avance avant d’interpeller une personne. Des devoirs d’enquête sont toujours en cours”.
Et ces devoirs d’enquête comportent certains obstacles qui ralentissent la procédure: “Dans le cadre de son réquisitoire, le juge d’instruction a demandé aux plateformes digitales utilisées par la victime de pouvoir accéder à certaines données. Cela exige un certain temps et c’est un exercice assez aléatoire, car cela nécessite la coopération de pays étrangers parmi lesquels les États-Unis. Le juge d’instruction a également requis l’entraide européenne pour dégager ensemble certaines pistes et tenter d’identifier les auteurs. Cela prend du temps”. Bref, il faudra encore pas mal de patience à Manon avant de voir le procès débuter.
Faux appels
Ce qui ne signifie pas que la justice et la police restent inactives. Vincent Fiasse tient à rappeler les principales étapes déjà franchies: “L’affaire a été mise à l’instruction le 20 avril 2020. C’est ce jour-là que le magistrat a été mis au courant de faits de harcèlement et de menaces avec ordre ou sous conditions”.
Ensuite, le dossier s’est épaissi: “Plusieurs autres dossiers ont été joints à l’instruction”. C’est alors que notre interlocuteur nous apprend que d’autres méfaits ont été commis: “La Zone de Police en charge de l’affaire a reçu deux appels téléphoniques anonymes qui annonçait le suicide imminent de la victime. Les policiers ont contacté dans l’heure cette même victime pour s’assurer que tout allait bien. En réalité, elle n’avait pas l’intention de mettre fin à ses jours. Nous considérons ces fausses dénonciations comme des actes de harcèlement supplémentaires”.
Caractère discriminant
Enfin, Manon s’est constituée partie civile et a rapporté d’autres infractions. “Contrairement aux constatations du début de l’enquête, le caractère discriminant de ces infractions a pu être retenu” précise le Procureur du Roi.
Manon est homosexuelle et elle dit avoir reçu dans le passé des photos de drapeaux représentant la communauté Lesbienne-Gay-Bisexuel-Transgenre (LGBT) brûlés avec des croix gammées dessus.
Sentiment d’impunité
Vu qu’aucune poursuite pénale n’a encore été entamée, ces criminels 2.0 s’en donnent à cœur joie et prennent un malin plaisir à la provoquer: “Au final, qu’est-ce qui m’a empêché ou du moins, nous a empêchés de t’harceler pendant maintenant près de 16 mois? Qu’est-ce qui nous a empêchés, ma grande? Tout ce que j’ai voulu faire, je l’ai fait. Tu vois bien que tu es totalement impuissante, ma grande. Tu n’es plus maître de la situation, ma pauvre”.
Ou encore: “Je connais très bien les procédures. Y’a zéro photo, ni numéro, rien. Vous n’avez rien sur moi, bande de mer...”.
#ProtectManonolita
En réaction, un grand mouvement de solidarité est né sur Instagram et Twitter. Il s’intitule #ProtectManonolita. Manonolita est le pseudonyme de Manon sur le web. Des milliers d’internautes font tourner l’hashtag au point de provoquer la réaction de nombreux politicien(ne)s locaux ou non.
Indignation politique
“Ce genre de comportements ne peut pas rester impuni. Tout mon soutien à @Manonolita14" a écrit le bourgmestre de Charleroi et président du Parti Socialiste (PS), Paul Magnette.
“Notre société doit assurer la protection des femmes victimes de cyberviolences sexistes. Ce sujet sera sur la table de la CIM (NDLR: Commission Interministérielle) Droits des femmes du 11/06" tweete la ministre des Droits des Femmes en Fédération Wallonie-Bruxelles (FW-B), Bénédicte Linard (Écolo).
Cyberharcelée elle-même, la présidente des jeunes du centre démocrate Humaniste (cdH) et conseillère communale de Mons, Opaline Meunier (Mons en mieux), n’est évidemment pas restée insensible. Elle a interpellé la police fédérale, la Ministre fédérale de l’Intérieur, Annelies Verlinden (CD&V), le Ministre fédéral de la Justice, Vincent Van Quickenborne (Open Vld) et le parquet fédéral: “Cette jeune streameuse belge est en danger, menacée par un fou qui fantasme de lui faire beaucoup de mal. Vous ne pourrez pas dire que ‘vous ne saviez pas’. Je compte sur vous. Passez les coups de fil”.
Du côté du Parti du Travail de Belgique (PTB), les boucliers se sont également levés. “Tout mon soutien à #ProtectManonolita. Ce genre de harcèlement ne devrait plus exister. Tout le nécessaire doit être fait immédiatement pour aider cette personne” exprime le député wallon et conseiller communal de Charleroi, Germain Mugemangango.
Twitter suspendu
Dans le flot de contestations que les illustrations publiées par Manon ont suscitées, la Police de Charleroi a été taguée à de multiples reprises. À un tel point que son responsable des médias sociaux, David Quinaux, a décidé de suspendre son compte Twitter! Car la gameuse n’est pas domiciliée sur le territoire de la ville sambrienne, mais dans une des communes avoisinantes. Ses plaintes ont donc été enregistrées dans une autre zone de police.
Il n’empêche que cet acte de la Police de Charleroi a été très mal perçu par de nombreux utilisateurs des réseaux sociaux et par Manon elle-même.
Origine
Et dire que tout cela a commencé parce que la streameuse a refusé de reconnaître publiquement la “supériorité” de ses agresseurs! Ceux-ci l’avaient invectivée. Ils lui reprochaient de ne pas avoir suffisamment protégé sa plateforme après lui avoir envoyé notamment des photos de femmes ou d’enfants décapités lors d’une de ses discussions en direct. Paniquée, elle était même tombée en pleurs.
Retrouvez, ici, toute l’actualité de Charleroi et de sa région.
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