Une ado de 15 ans mortellement fauchée sous les yeux d'une camarade: “En voyant le coordinateur de sécurité, j’ai compris...”

Le cauchemar de tout parent: un enfant qui enfourche son vélo pour partir à l’école, et ne reviendra jamais. Voilà pourtant ce qui s’est produit hier matin à Hechtel-Eksel en pleine heure de pointe matinale. Une élève de troisième année du collège Don Bosco a été renversée par un bus alors qu’elle se rendait à l’école avec une de ses amies. Les premières constatations indiquent qu'il s’agit d'un malheureux concours de circonstances et que la jeune fille se trouvait dans l’angle mort du chauffeur. Fien n’a malheureusement pas survécu.

Un rituel qui était autrefois rassurant pour leurs parents: Fien et son amie, 15 ans, vivaient à peine à un kilomètre l'une de l’autre et prenaient donc chaque jour la route de l’école toutes les deux. Une route qu’elles connaissaient par cœur, car elles l’empruntaient quotidiennement, le matin et l’après-midi, depuis la première secondaire. Le collège n’est d’ailleurs situé qu’à un jet de pierres de la maison où vivaient Fien, fille unique, avec ses parents. 

Mais sur un rond-point calme tout proche de l’établissement des deux cyclistes, vers 7h55, la vie s’est arrêtée. Alors que les adolescentes s’élançaient sur le rond-point au départ d’une rue adjacente, un chauffeur de bus scolaire effectuait la même manœuvre qu’elles. Le conducteur, qui transportait des enfants handicapés, venait de faire monter un de ses passagers. Mais pile au moment d’appuyer sur l’accélérateur pour reprendre sa route et d’emprunter le rond-point, les jeunes cyclistes l’avaient rejoint par la droite pour faire de même. 

Ce dont les jeunes filles n’avaient visiblement pas du tout conscience, c’est que le chauffeur de bus n’avait pas pu les apercevoir longer son véhicule. Pas plus d’ailleurs que les nombreux jeunes que transportait le bus scolaire. Car lorsque le bus a regagné ce minuscule rond-point, certes pourvu d'une piste cyclable mais non sécurisée, et a immédiatement voulu tourner à droite, les deux élèves se sont retrouvées dans son angle mort. C’est comme cela que le pire est arrivé, estiment les experts dépêchés sur place. Fien s’est retrouvé happée sous le bus, juste sous les yeux de sa camarade, et est décédée devant elle.

L’accident s’est produit juste avant l’afflux matinal d’élèves aux abords du collège. Quelques passants, dont la directrice Brigitte Dalemans, ont donc été les premiers témoins de la terrible scène, quelques minutes après le drame. “J’ai vu un bus au loin”, relate la directrice de cette école de 1.000 élèves. Il avait ses quatre clignotants allumés, et se trouvait sur le bas-côté de la route. “Je me suis d’abord demandé ce qu’il faisait là: aucun voyage ni excursion n’était prévu hier. Et ce n’est pas un endroit pour s’arrêter. Puis j’ai vu le coordinateur de sécurité et j’ai compris...”

Avec quelques habitants du quartier, elle court entourer la camarade de la victime, qui a assisté à l’horreur. “Sa maman n’a pas tardé à arriver non plus. Les parents de Fien ont suivi peu après. Heureusement, le service d’aide aux victimes de la police était déjà arrivé sur place. Ces gens fournissent un travail admirable”. Le chauffeur du bus était lui aussi gravement choqué. L’homme ne faisait que répéter qu’il n’avait pas vu de cycliste. “Et en fait, on ne peut même pas qualifier cet endroit de dangereux. Tous les jours, tout le monde passe par là et je ne me souviens de strictement aucun accident grave. Et le conducteur de bus connaît lui aussi très bien ce rond-point, qu’il prend tous les jours”, s’étonne-t-elle.

Un accident dû à l’angle mort n’est pas tout à fait évitable sur un rond-point, tant que la piste cyclable n’est pas correctement protégée des autres usagers de la route. “Mais la cause exacte de cet accident est encore floue”, réagit Stef Willems, de l’institut VIAS. “Plus les ronds-points sont sûrs, mieux c’est évidemment. Mais sécuriser toutes les pistes cyclables du territoire n’est pas évident, pour des raisons d’espace disponible. Et à la base de cet accident à cause d’un angle mort, on peut peut-être encore ajouter deux autres facteurs: l’infrastructure du bus et l’attitude de l’usager faible”. 

“On a dénombré en 2020 quelque 23 accidents de ce type”, ajoute VIAS. “Mais c’est une sous-estimation des chiffres réels, due au nouveau système d’enregistrement des accidents. La plupart des accidents ont en tout cas lieu par temps sec, sur le trajet entre la maison et le travail et en plein jour. Précisément ce qui s’est produit ici. Le problème peut s’accroître dès que le nombre de cyclistes augmente ainsi que la fréquentation des poids-lourds en zone agglomérée. Des améliorations des infrastructures, adapter les véhicules et sensibiliser les usagers de la route restent donc des points essentiels dans le cadre de la prévention”. 

Pour certains jeunes, la disparition tragique de Fien est un choc qui paraît insurmontable. Afin de passer au-dessus du traumatisme lié à l’événement sur ce rond-point qu’empruntent chaque jour des centaines d’élèves, il a été décidé, sur conseils d'un psychologue, d’organiser un déplacement jusqu’aux lieux de l’accident et d’y honorer la mémoire de Fien. Le but est notamment que les élèves osent refaire tous ensemble leur chemin habituel. “Y aller ensemble en toute conscience est important (...) Cela revient en quelque sorte à ‘désinfecter psychologiquement’ ce rond-point. De cette manière, les 950 élèves voient de façon claire comment cela s’est produit, on leur explique, et les rumeurs et fausses informations n'ont aucune chance de circuler. Puis, c’est un rituel. Des élèves de troisième secondaire, de l’âge de Fien, n’osent pas forcément exprimer leurs émotions. Ils sont d’ailleurs souvent les meilleurs psychologues les uns pour les autres”, analyse l’expert Erik De Soir.

Une cycliste de 15 ans tuée par un bus en allant à l’école