Une rue de Charleroi transformée en dépotoir: “Le ras-le-bol est réel dans le quartier”

Des sacs-poubelles non homologués, des sacs plastiques remplis de détritus, des jouets ou encore une corbeille à linge. Tout ceci jonchait la rue Alfred Leroy à Marcinelle vendredi passé. Jean-Noël Gillard l’a vu de ses propres yeux: “Et cela fait bien une semaine que ces dépôts clandestins sont là. J’étais déjà passé un peu auparavant et je les avais déjà remarqués. Sur plusieurs jours, leur nombre a même augmenté”.

Le cabinet de l’Échevin de la Propreté Publique, Mahmut Dogru (PS), est particulièrement surpris par cette dénonciation: “C’est la première fois que nous entendons des récriminations par rapport à cette rue. Nous allons prendre contact avec Tibi (NDLR. l’Intercommunale de gestion intégrée des déchets dans la région de Charleroi) pour voir si c’est un phénomène récurrent à cet endroit”.

Contacté par nos soins, l’échevin socialiste déclare même: “Si des déchets se trouvent sur une voie publique, Tibi doit les enlever dans les 48 heures. Sans quoi, l’intercommunale doit rendre des comptes”. Ce qui, d’après lui, n’est encore jamais arrivé.

Cette réponse aura de quoi laisser perplexe Jean-Noël Gillard: “Il y a un fauteuil qui traîne. Des ronces poussent partout. Rien n’est entretenu depuis pas mal de mois. C’est désagréable et super insécurisant. Plein de Marcinellois passent par là pour prendre leur train. Il est temps d’aménager les voiries et les trottoirs pour la sécurité de tout le monde. S’il n’y a pas d’éclairage, il ne faut pas s’étonner des dépôts clandestins. Cela dégoûte les personnes qui fréquentent l’endroit et les habitants du quartier. En plus, cela attire un nouveau public de toxicomanes et de criminels”.

En plus de la rue Alfred Leroy, le parking derrière la gare de Charleroi-Sud n’est pas épargné par les pollueurs. Mahmut Dogru reconnaît le problème à cet endroit: “Il s’agit d’un parking privé. À chaque fois, nous assignons le Service Public Wallonie et la SNCB (NDLR. la Société Nationale des Chemins de fer Belges) pour qu’ils fassent le ménage. Ce n’est pas au citoyen carolo de payer pour des entreprises. C’est à elles de faire le nécessaire pour faire place nette”.

Jean-Noël Gillard avait déjà soulevé la question par écrit au Conseil Communal du 29 juin 2020. Soit, il y a plus d'un an! “Je reçois souvent des retours sur ce quartier que je fréquente pour me rendre vers la gare. Le ras-le-bol est réel dans le coin”.

Dans sa question écrite, il avait relaté le témoignage d’une riveraine: “‘L’arrière de la gare, c’est du grand n’importe quoi, Monsieur le Conseiller’ s’est exclamée, furieuse, Patricia qui habite à la rue Libioulle à Marcinelle. ‘C’est le règne de la crasse!’ Sur le parking de la Villette, sous les bretelles du Ring, les dépôts clandestins sont légion depuis de trop nombreuses années. Le pire: dans un climat d’indifférence qui se généralise dans le quartier (...). ‘J’ai l’impression que plus personne ne s’émeut de voir un matelas en plein milieu de la rue Alfred Leroy, à côté des derniers vomis et des seringues de la nuit. Trop is te veel!’”

Un plan d’actions est pourtant déjà adopté à Charleroi. “En collaboration avec Tibi, des agents constatateurs sont à pied d’œuvre. Je peux même vous assurer qu’ils sont plus actifs que lors des précédentes mandatures. Davantage de constats et de procès-verbaux ont été dressés” se défend Mahmut Dogru. “Après qu’un dépôt soit repéré et enlevé, les agents recherchent des preuves qui permettent d’identifier l’auteur des faits”.

Trois axes de travail sont définis: “Il y a le nettoyage qui doit continuer à être exécuté. Dans la convention conclue avec Tibi, chaque rue doit être inspectée au moins une fois par semaine. Il y a un volet répressif indispensable pour que l’on puisse voir le bout du tunnel. Et enfin, il y a des actions de communication. C’est une phase préventive”.

Cette phase préventive n’est pas prise à la légère par l’élu socialiste: “Sur l’ensemble du territoire de Charleroi, en ce y compris les anciennes communes, deux initiatives sont entreprises par jour. Ce qui en fait 148 sur l’année. Elles peuvent avoir lieu dans les écoles, dans des événements avec un autre public cible, dans les quartiers, etc. Par exemple, nous faisons du porte-à-porte. Nous interrompons parfois la circulation avec le concours de la police. Nous demandons aux conducteurs d’éviter de jeter leurs canettes par la fenêtre, car cela a un impact sur l’environnement. Pour les remercier de leur écoute, nous leur offrons en échange un petit gadget comme un cendrier de poche ou un sachet de déjections canines”.

Mais les résultats se font toujours attendre. Et il y a, au moins, une raison à cela: “Lorsqu’un individu est convoqué pour incivilités suite aux fouilles, il réfute généralement. Il raconte qu’on lui a volé son courrier et que quelqu’un lui veut du mal. Or, selon la loi, une faute doit être reconnue ou prouvée pour qu’elle soit passible d’une sanction”.

Et puis, l’année dernière a été extrêmement compliquée avec le Covid-19: “Je ne veux pas m’en servir comme excuse, mais cela a eu des conséquences. Le télétravail était privilégié. Et puis, il faut avoir du courage pour aller chipoter dans les ordures des gens quand on connaît l’ampleur et la gravité de la pandémie”.

C’est pourquoi il a du mal à accepter les critiques sur la qualité du boulot effectué: “Certains demandent des choses aux agents qu’ils ne voudraient pas faire eux-mêmes. Moi, par contre, je l’ai fait lors d’une action citoyenne. Et que font les gens pour lutter contre ce fléau? Vous avez vu beaucoup de personnes le dénoncer? Ou interpeller des citoyens en train de décharger leurs immondices? Peu ont le cran de le faire ”.

Il ajoute: “Certains se plaignent de la Ville de Charleroi parce qu’elle n’en ferait pas suffisamment pour nettoyer les rues. Mais les dépôts clandestins ne sont pas venus tout seuls. Nous ne sommes pas responsables de la mauvaise éducation d’une petite partie de la population. Et la plupart du temps, les habitants qui se lamentent ne préviennent même pas les services concernés”.

En ce qui le concerne, Jean-Noël Gillard s’en défend: “Dans mon répertoire téléphonique, j’ai un numéro de Tibi que j’appelle quand je m’aperçois d’un souci en la matière. Ou alors, je dépose des questions écrites au conseil communal”.

Mahmut Dogru, lui, fonde beaucoup d’espoirs sur les caméras qui doivent arriver prochainement: “Selon le cadastre, elles seront placées prioritairement aux différents points noirs recensés”.

Mais quand peut-on s’attendre à leur arrivée? “Pour le début de l’année prochaine. Au plus tard, pour le printemps. Le marché public est lancé. Nous attendons maintenant des offres qui répondent à nos attentes”.

Les critères de sélection sont nombreux: “Il faut que les images soient fiables et nettes. Elles doivent permettre la lecture des numéros de plaque ou la reconnaissance du visage de la personne filmée. La vision nocturne doit être possible parce que la majorité des délits ont lieu la nuit. L’axe de rotation des caméras doit être de 180 degrés. Et les appareils doivent pouvoir être déplacées dans l’heure sans que le charroi soit nécessaire. Je pense qu’un tel niveau de performance sera une première pour une commune ou une ville en Belgique”.

En plus de cela, l’échevin compte augmenter le nombre d’agents constatateurs en en formant davantage.

Aux yeux du représentant de Défi à Charleroi, davantage de mesures pourraient être prises. En ce y compris aux emplacements dont la Ville n’est pas propriétaire. Dans sa question écrite au Conseil Communal du 29 juin 2020, il les avait déjà rendues publiques:

• La mise en place d’un éclairage public adapté qui permettent de sécuriser les lieux dès le coucher du soleil;

• La multiplication des patrouilles de police aux endroits problématiques et l’intégration du parking de la Villette et ses abords dans le périmètre de nettoyage Tibi;

• L’entretien du site du parking de la Villette notamment par le marquage au sol de places de parking identifiables, par le comblement des nids-de-poule et par le curage des avaloirs qui donnent notamment vers les tunnels sous voies ferrées, car en cas de fortes pluies, Jean-Noël Gillard constate que “les navetteurs sont empêchés d’emprunter le passage qui mène vers le tunnel de la rue de la Villette”;

• L’installation de panneaux de sensibilisation rappelant les sanctions encourues et les numéros téléphoniques utiles en matière de retrait des encombrants;

• La sensibilisation à l’application mobile FixMyStreet Wallonie. Cette application consiste en une plateforme sur laquelle les citoyen(ne)s ont le loisir de signaler des encombrants sur la voie publique;

• La revitalisation urbaine des passages et sentiers en corridor des bretelles de l’autoroute A503 par la mise en œuvre d’un parcours vélo et des aménagements repensés et de qualité.

D’après lui, “un site entretenu sera certainement moins soumis aux incivilités”. De par son expérience sur le terrain, l’Échevin de la Propreté Publique en doute: “Nous sommes ouverts à la discussion et nous voulons nous améliorer là où c’est possible. Mais il suffit qu'une place soit nettoyée pour qu’elle redevienne sale quelques instants plus tard. Ce qui ne signifie pas que le travail ne doit pas être fait”.

D’après les statistiques du Service Public Wallonie (SPW) Environnement, 7.323 tonnes de déchets de propreté publique ont été enlevées sur le territoire de Charleroi en 2019.

À titre de comparaison, 3.272,60 tonnes l’ont été sur le territoire de Liège la même année. Or, le nombre d’habitants des deux villes est similaire même s’il est légèrement supérieur au Pays Noir. Le 1er janvier 2019, il était de 197.327 dans la Cité Ardente tandis qu’il était de 202.267 dans la cité sambrienne.

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