Deniz Undav, d'un contrat à 150 euros à star de la Pro League: “Je sais ce que travailler dur pour gagner sa vie signifie”
Oubliez Charles De Ketelaere, Hans Vanaken, Michael Frey et Dante Vanzeir ! La nouvelle star de la Jupiler Pro League s’appelle Deniz Undav. Il est allemand, d’origine kurde. Il a 25 ans. Et il porte le n°9 à l’Union Saint-Gilloise. Auteur de 14 buts, suite à son quadruplé à Ostende, et de 9 assists depuis le début de la saison, il est le nouveau ‘Bomber’ de la D1A et le grand artisan du parcours surréaliste des Bruxellois qui viennent de rafler le titre de champion d’automne. Et dire qu’il y a deux ans, il jouait encore en 3. Liga, la troisième division allemande, avec le SV Meppen !
Serge Fayat Dernière mise à jour:26-11-21, 09:10
“Je n’avais jamais inscrit quatre buts en un match, même en équipes de jeunes”, a-t-il confié. “Je voulais laisser le dernier à Dante (Ndlr: Vanzeir), mais je touche le ballon du nez. J’ai un long nez”, sourit-il. Entre-temps, c’est surtout l’Union qui sourit, comme dans la chanson. Club emblématique du football belge, le promu est bien parti pour renouer avec son glorieux passé. Et réaliser un exploit XXL, comme Kaiserslautern en 1998.
Deniz Undav, devez-vous vous pincer pour croire ce qui vous arrive avec l’Union? Vous êtes champion d’automne avec 7 points d’avance sur l’Antwerp et le Club Bruges!
“Me pincer, je ne sais pas. Il m’arrive d’y penser, mais je ne regarde pas souvent le classement. Je connais les qualités de l’équipe et je savais que nous avions les capacités de réaliser de belles choses. Je ne suis donc pas choqué, même si je reconnais que je ne m’attendais pas à ce que nous fussions si performants. Il s’agit d’une très belle surprise. Et j’espère bien entendu que cela va continuer. (sourire)”
“Ce que je préfère chez Dante? Sa technique. Elle ne vaut pas une chique ! Par contre, la manière dont il se démarque, plonge dans les espaces et tire au but est remarquable”
Comment expliquez-vous cette première moitié de championnat complètement folle avec l’Union ? Vous venez de D1B…
“Je pense qu’il s’agit surtout du résultat de notre travail. Il n’y a pas de réel secret. Nous sommes ensemble depuis un an et demi et nous nous investissons énormément dans l’espoir de briller au plus haut niveau. Tout a commencé en D1B et nous avons gravi les échelons petit à petit. Tout le monde connaît les qualités de chacun et les automatismes sont bien ancrés. Il y a une alchimie fantastique entre les joueurs à l’Union. Nous prenons beaucoup de plaisir à jouer ensemble. Il n’y a pas d’arrogance ou d’égoïsme. Quand un coéquipier perd le ballon, c’est toute l’équipe qui se bat pour le récupérer. Nous sommes un groupe très soudé, sur le terrain, comme en dehors. D’autres clubs n’ont peut-être pas la même cohésion.”
Il y a aussi votre complémentarité avec Dante Vanzeir. À deux, vous avez déjà marqué 23 buts. Deux attaquants de moins d’1,80 m si prolifiques, cela bouscule les standards du football moderne !
“C’est vrai. Ce qui fait la force de notre association, c’est que nous connaissons parfaitement les qualités de l’autre et où il est meilleur dans le jeu. Nous passons beaucoup de temps ensemble, sur le terrain et au fitness. Nous adorons plaisanter. Ce que je préfère chez Dante? Sa technique. Elle ne vaut pas une chique ! (éclate de rire). Par contre, la manière dont il se démarque, plonge dans les espaces et tire au but est remarquable. Devant le but, il est vraiment très bon. Et puis, nous ne sommes pas des égoïstes. Nous sommes le premier ravi pour l’autre quand il marque. Après tout, le football est un sport d’équipe. C’est pour cette raison que le courant passe si bien entre nous.”
Vous êtes actuellement meilleur buteur de notre championnat, avec 14 réalisations, et meilleur donneur d’assists. C’est mieux que les Ronaldo, Lukaku ou Mbappé! Comment expliquez-vous cette efficacité diabolique? Il y a deux ans, vous jouiez encore en 3. Liga allemande…
“Je le dois avant tout à l’équipe. Sans mes coéquipiers, je ne serais jamais parvenu à inscrire autant de buts. Pour le reste, j’essaie toujours de me retrouver dans une bonne position pour marquer. Et quand l’occasion se présente, de ne pas la rater! (sourire) À Meppen, j’avais déjà inscrit 17 buts en une saison, mais ce n’est pas comparable. C’était de la D3. J’ai toujours su que j’avais des qualités, mais je devais travailler pour améliorer notamment mes points faibles. À mon arrivée à l’Union, les choses n’ont pas été faciles. Avec le Covid, ma femme Tanja (NdlR : qu’il a épousée fin 2020) avait dû rester en Allemagne. Je vivais à l’hôtel, car je n’avais pas encore trouvé d’appartement. Cela me causait beaucoup de stress. Et je mangeais mal, trop de fast-food. Cet été, j’ai beaucoup travaillé durant la préparation afin de perdre du poids et d’être plus efficace. Et aujourd’hui, je suis heureux et pleinement épanoui. C’est ce qui fait la différence.”
Le grand public apprend à vous connaître au rythme des goals que vous marquez. Qui est réellement Deniz Undav ?
“Je suis un garçon simple, pas du tout du genre bling bling. Je n’ai pas de goûts de luxe. Je ne porte pas de vêtements chers, je ne roule pas dans une grosse voiture. Je sais ce que travailler dur pour gagner sa vie signifie. Lorsque le Werder Brême m’a dit à 14 ans que je n’avais pas d’avenir car j’étais trop petit, cela m’a brisé le cœur. Mais je n’ai pas abandonné. J’ai quitté le domicile familial à 17 ans pour signer à Havelse, (NdlR : club de Regionalliga, la 4 e Division allemande), où j’ai cumulé le football avec un emploi à temps plein dans une usine. Je me levais tous les jours à 4h du matin pour aller travailler. Je passais huit heures devant une machine laser qui fabriquait des tas de trucs. Ensuite, j’enchaînais avec l’entraînement et je rentrais à la maison vers 20h, parfois plus tard. Je devais gagner de l’argent. J’avais un contrat de 150 €. Je ne pouvais pas vivre uniquement du football.”
Le jeu dos au but est ma grande force. On se moque souvent de mon gros derrière, mais il m’est très utile. Protéger le ballon, puis me retourner pour centrer ou tirer
Au fond, qui était votre idole quand vous étiez gamin?
“J’admirais Thierry Henry, Ronaldo le Brésilien, pas Cristiano, ainsi que Ronaldinho. Je les étudiais devant la télévision et quand j’allais jouer dehors avec les copains après avoir fini mes devoirs, je voulais être l’un deux. J’aimais également bien Iniesta et Xavi, pour la facilité déconcertante avec laquelle ils orientaient le jeu.”
Pourtant, à vous regarder, vous avez plutôt un côté Gerd Müller. Non ?
“C’est vrai. Chez les jeunes à Brême, certains coaches me surnommaient Gerd. Je ne connaissais pas Gerd Müller, mais il semblait que j’avais un style de jeu similaire, avec un gros derrière. (sourire) J’ai fini par regarder quelques vidéos et je dois reconnaître qu’ils n’ont pas tout à fait tort. Le jeu dos au but est ma grande force. On se moque souvent de mon gros derrière, mais il m’est très utile. Protéger le ballon avec un, voire deux défenseurs dans le dos, puis me retourner pour centrer ou tirer. Les gens qui considèrent que les attaquants de pointe dans le football moderne doivent être grands et costauds ont tout faux. C’est une idée ridicule.”
Dante Vanzeir a été appelé chez les Diables Rouges par Roberto Martinez suite à ses bonnes prestations avec l’Union. Vous espérez un coup de fil d’Hansi Flick, le sélectionneur de la Mannschaft?
“Pour être honnête, ce n’est pas quelque chose qui me préoccupe à l’heure actuelle. J’essaie avant tout de continuer à signer de belles performances avec l’Union. Si je reçois un coup de téléphone, je serai évidemment ravi, car c’est le rêve de tout footballeur de représenter un jour son pays. Mais si ce n’est pas le cas, je ne vais pas pleurer. Les meilleurs attaquants sont aujourd’hui Werner, Havertz, Gnabry, Müller et Nmecha, mais c’est vrai que nous n’avons plus de vrais grands buteurs en Allemagne. On verra ce que l’avenir me réserve.”
Mis à part OHL, que vous rencontrez ce vendredi, et Saint-Trond, vous avez déjà affronté toutes les équipes de la D1A. Quelle est celle qui vous a le plus impressionné jusqu’ici?
“J’en citerais trois, si je peux. Je dirais le KV Mechelen, pour son pressing constant et sa présence dans les duels. Il nous avait d’ailleurs battus (NdlR : 3-1, le 22 août). Ensuite, je citerais le Racing Genk et La Gantoise, pour la qualité et la beauté de leur football. Gand nous en avait fait voir de toutes les couleurs. Nous avions eu beaucoup de réussite de l’emporter ce soir-là (NdlR : 0-2, le 31 octobre). Nous avions eu une occasion et un penalty, alors qu’eux avaient tiré quatre fois sur les montants, si je me souviens bien.”
Et le joueur?
“Je ne sais pas. C’est difficile à dire. J’aimerais bien citer tous mes coéquipiers. (sourire) Soit, je vais choisir Dante (NdlR : Vanzeir), car c’est mon partner in crime (sic). Felice Mazzu, notre coach, a raison quand il dit que si l’un de nous était une femme et l’autre un homme, nous nous marierions. Nous nous entendons vraiment très bien.
Je connais l’histoire de Kaiserslautern, qui avait remporté le titre en Bundesliga en 1998. Mais je connais aussi celle d’Hoffenheim. Champion d’automne, mais douzième à la fin de la saison.
Que symbolise l’Union pour vous ?
“L’Union, c’est une vraie famille. Je n’ai jamais connu un club aussi chaleureux. J’ai le sentiment que si je devais commettre une bêtise, on me pardonnerait. Il n’y a pas cette pression de devoir à tout prix réussir. Cette confiance que je reçois du coach, des dirigeants, de mes coéquipiers, est primordiale. Et pour sa famille, on donne tout, n’est-ce pas ?”
Savez-vous à quand remonte le dernier titre de l’Union ?
“Aucune idée. Je dirais 19… euh 52?”
1935.
“Waouw!”
En avez-vous déjà rêvé la nuit ?
“Pas encore. Mais c’est vrai que remporter le titre avec l’Union, ce serait complètement fou (sourire)”
J’imagine que comme vous êtes allemand, vous devez connaître l’histoire de Kaiserslautern en 1998…
“Oui, oui. Le FCK avait été promu en 1997 et avait remporté le titre en Bundesliga en 1998 au nez et à la barbe de tous les favoris. Un média allemand me l’a encore rappelé récemment. Mais je connais aussi l’histoire d’Hoffenheim. Promu en 2008, le TSG avait été champion d’automne, mais avait fini par terminer douzième à la fin de la saison. Bref, je ne m’emballe pas. C’est formidable ce que l’on vit pour l’instant, et il faut le savourer, mais le championnat est encore long. On le fera le point à la trêve. Il nous reste six matches jusqu’à la fin décembre, à commencer par celui de ce vendredi soir contre OHL, et même si je ne l’espère évidemment pas, il se peut que nous les perdions tous les six.”
En football, tout peut effectivement aller très vite. Et vos prestations ont certainement tapé dans l’œil de pas mal de clubs. Serez-vous encore à l’Union en janvier 2022?
“Je suis sous contrat à l’Union jusqu’en 2023. Je suppose donc que oui. Et j’ai envie de rester à l’Union. Je suis très heureux ici pour l’instant et cela me ferait mal au cœur de quitter mes coéquipiers alors que nous sommes en train d’écrire une belle histoire. Je suis quelqu’un qui veut toujours finir ce qu’il a commencé. J’ai déjà inscrit 14 buts cette saison et mon objectif est désormais d’essayer d’arriver à 20. Maintenant, en football, on ne sait jamais. Les certitudes peuvent être balayées du jour au lendemain. Ce n’est toutefois pas l’argent qui me fera perdre la tête. Mon ambition est simplement d’atteindre le plus haut niveau possible.”
Et si vous deviez partir, quelle serait votre destination de prédilection?
“Je n’ai pas vraiment de préférence. La Premier League est le meilleur championnat au monde, mais j’aime également regarder les matches de Serie A et de Liga. Et je m’y verrais bien y évoluer un jour. J’étais un grand fan de Schalke 04 à l’époque des Huntelaar, Raul, Farfan et Neuer, quand l’équipe jouait en Ligue des Champions. Mais elle est aujourd’hui en D2 (sourire). Sinon, j’adore Manchester City, le Bayern, l’Atletico Madrid, car ce sont de vrais guerriers, et Liverpool. Mais tout ce qui compte pour l’instant, c’est l’Union.”