D'Ambrosio à 7sur7: "On ne vise pas les points"

Jérôme D'Ambrosio, à quelques jours de votre départ vers Melbourne, comment vous sentez-vous?
Je me sens fin prêt. Les essais d'avant-saison se sont très bien déroulés. On a eu beaucoup de choses à faire en peu de temps, mais on a progressé à chaque sortie. Les sessions d'essais m'ont permis d'accumuler la confiance, d'effectuer plusieurs simulations, notamment d'arrêts aux stands, et suite à l'absence forcée de Timo (Glock, son coéquipier opéré pour une appendicite, ndlr), j'ai pu parcourir plus de kilomètres (JDA a roulé 2 794,998 km lors des essais hivernaux et est le 9e pilote à avoir parcouru le plus de kilomètres lors de cet avant-saison). Je sors soulagé de ne pas m'être emmêlé les pinceaux dans les différentes procédures, même s'il conviendra d'appliquer en course ce que j'ai emmagasiné cet hiver.

Vous ne ressentez pas la pression ?
Non. Depuis que je suis en F1, je n'ai plus temps de tergiverser. J'ai le nez dans le volant, je suis très occupé et du coup, ça me décharge de la pression qui, de l'extérieur, peut paraître énorme, mais qui paradoxalement, l'est moins lorsqu'on s'implique à 100%. La F1 est exceptionnelle, il faut que j'en profite et pas que je me prenne la tête.

Vous provenez de GP2, avez été pilote réserve chez Renault l'an dernier, qu'est-ce qui, en tant que pilote titulaire à temps plein d'une F1, est le plus difficile à assimiler?
Piloter une Formule 1 requiert non seulement une concentration de tous les instants, mais aussi demande de suivre différentes procédures à bord de la voiture et ce, à pleine vitesse. On est tout le temps occupé à faire quelque chose; à l'instant où les mains guident le volant, la main droite sert à articuler l'aileron arrière ou à monter les rapports et la gauche se charge d'enclencher d'autres fonctions. En somme, on doit veiller à plein de paramètres, exploiter la voiture à 100% de ses capacités et essayer d'aller le plus vite possible. C'est une gymnastique cérébrale et manuelle permanente. Sinon, d'un point de vue personnel, il est évident que ma vie a quelque peu changé depuis ma promotion en F1. Je vis non-stop ma passion, mais je dois apprendre à gérer un calendrier, intercaler les voyages, les sollicitations.

Ce qu'accentue le statut de 1er pilote belge de F1 depuis 17 ans
Oui, cela crée évidemment une certaine attente. Mais soit je l'assume, soit j'opte pour un autre métier. Cependant, je n'ai pas atterri du jour au lendemain en F1. Je suis relativement préparé à répondre aux attentes et aux sollicitations. Au fil des années, j'ai progressivement  acquis une certaine idée du fonctionnement interne et externe de ce monde ultra médiatisé.

Ce qui vous oblige à vous préserver, vous protéger?
Comme pour l'instant, tout le monde est positif, je n'en ressens pas le besoin. Mais je veille à dissocier vie publique et vie privée.  Je ne veux pas tout mélanger. C'est une manière de protéger mon entourage direct. Pour l'instant, je veux prendre mon temps et ne pas exposer ma vie privée, y compris ma petite amie. Ce sont évidemment des facteurs auxquels on doit s'habituer l'un et l'autre.

Quels sont vos objectifs cette saison?
Mon principal objectif est de m'établir en Formule 1 et espérer, au terme des 19 GP, renouveler mon bail. Je dois pour cela me rapprocher le plus possible de Timo Glock, qui reste une référence (le pilote allemand a déjà couru plus de 50 GP, est monté sur des podiums, ndlr). L'équipe n'a pas fixé un capital point à atteindre ou une position chez les constructeurs. Mais, je me dois de fixer des objectifs à chaque course. Pour l'instant, l'équipe est contente de ce que j'ai accompli, puisque je me suis amélioré à chaque sortie. On est conscients que la probabilité de nous voir figurer dans le top 10 ou engranger des points est très faible pour ne pas dire nulle. Mais ce n'est vraiment pas la priorité de l'équipe. Pour l'instant, je me dois d'être le plus performant possible par rapport à mon coéquipier qui est mon benchmark, mon point de référence.

N'est-ce pas difficile psychologiquement d'aborder un week-end de course en sachant qu'on ne va pas jouer les premiers rôles?
Non, le team comme moi devons nous focaliser sur notre course et sur nos références. Et rien d'autre. Nous avons des objectifs personnels, à nous de tout faire pour les atteindre. De toute façon, la course revêt une certaine incertitude qui te pousse à ne penser qu'à toi. Le fait de penser aux autres, c'est déjà leur transmettre une énergie dont on aura besoin pour bien travailler. Je me concentre sur mon objectif et rien d'autre.

Vous adoptez un discours prudent et mesuré. Est-ce le fait de partir vers l'inconnue ou est-ce dans votre nature de ne pas sortir de déclarations fracassantes?
(Rire). Je ne suis pas, ce qu'on appelle dans votre métier, un "bon client". J'essaie de toujours garder une espèce de mesure, de constance. Après ce que j'ai vécu l'été dernier (et sa mise à pied de Renault en juillet dernier, ndlr), ça m'a aidé. J'ai connu des moments désagréables, six mois après, c'était tout l'inverse. Je ne dois pas vivre au rythme de ce que l'on peut dire ou penser. Il faut garder une certaine constance. Je suis en F1, c'est exceptionnel, mais le lendemain, il y a de nouveaux objectifs. Jusqu'à maintenant, tout a bien fonctionné, mais rien n'est acquis et encore moins dans ce sport. Et donc je préfère moins parler et en faire un peu plus que l'inverse.

Mais ne sont-ce pas un monde et un métier qui sanctionnent la prudence?
Si. Mais une fois que je suis dans le baquet, le casque vissé sur la tête et la visière fermée, je suis différent. Quand on embarque dans une F1, c'est toujours pour être le meilleur et le plus fort, mais après, il faut faire les choses progressivement. L'arrogance ne sert à rien. On peut avoir confiance en soi, être sûr de son potentiel, sans pour autant être arrogant ou éviter de se remettre en question. Il faut rester pondéré, relativiser, travailler pour devenir le plus fort, même si on pense l'être déjà.

Qui part favori de cette saison?
C'est très difficile à dire. Le fait de baigner dedans, je sais encore moins qu'avant pointer un favori. Je me rends mieux compte aujourd'hui de tous les paramètres qu'il faut prendre en considération pour mesurer la performance d'un concurrent. Dix kilos d'essence, c'est trois dixièmes au tour. Tu peux mettre 160 kg dans un réservoir. Donc les trois secondes de différence que tu auras avec un autre, tu ne sais pas toujours en déterminer les causes. Dès lors, il est très difficile pour moi de juger qui est prêt aujourd'hui et sera le favori. Il va sans dire que les RedBull et les Ferrari joueront les premiers rôles. Mais de là à dégager un favori...

Propos recueillis par Loïc Struys

Voici le programme du 1er Grand Prix (Heure Belge) :

Vendredi 25 mars :
Essais Libres 1 : 2h30 - 4h00
Essais libres 2 : 6h30 - 8h00

Samedi 26 mars :
Essais Libres 3 : 4h00 - 5h00
Essais Qualificatifs : 7h00 - 8h00

Dimanche 27 mars :
Course : 08h00 - 58 tours soit 307.574 km