La confiance ne semble plus tenir qu'à un fil

Il a vu mardi le cdH, le CD&V, le sp.a et le PS. Le chef de l'Etat verra mercredi les présidents de l'Open Vld et du MR. La confiance est sévèrement abîmée, singulièrement entre socialistes et centristes d'une part, et les libéraux de l'autre. Nul ne sait si, et le cas échéant quand, ils pourront renouer.
 
Après une dernière tentative lundi visant à permettre la conclusion d'un accord sur base d'un compromis éventuellement aménageable à la marge, le formateur Elio Di Rupo a fait le constat que les deux partis libéraux ne pouvaient souscrire à un tel scénario. Il a alors remis sa démission au roi qui la tient depuis lors en suspens.
 
La faute aux libéraux?
Les libéraux sont pointés du doigt comme étant les responsables de l'échec qui place une nouvelle fois le pays dans une crise grave.
Dans les rangs du Mouvement réformateur, on réfute la thèse d'un scénario manichéen opposant PS, cdH, CD&V et sp.a à l'Open Vld et au MR.
 
Certains ne sont même pas loin de penser qu'ils ont été victimes d'un scénario cousu de fil blanc, une pièce de théâtre, un simulacre visant à refiler le valet noir aux libéraux: "la chemise blanche du formateur était repassée, les motards se tenaient prêts à l'escorter jusqu'au roi", souligne-t-on dans le camp réformateur.
 
Bien sûr qu'on était prêt à négocier, certifient les libéraux, il ne restait plus que quelques heures de travail, un effort de 100 à 500 millions (sur 11,3 milliards).
 
Le MR souhaitait surtout préserver les PME, un credo répété jour après jour par Charles Michel qui souhaite rompre avec l'image d'un parti parfois présenté comme celui des banquiers et des millionnaires.
 
Ailleurs, on estime que le MR tente aujourd'hui de jeter un écran de fumée alors qu'il n'a pas su prendre ses responsabilités le moment venu. Il a refusé de dire oui à deux occasions, dans la nuit de dimanche à lundi, puis lundi après-midi. Dire autre chose aujourd'hui, relève de la malhonnêteté intellectuelle et jette auprès de l'opinion publique le discrédit sur l'ensemble de la classe politique, regrettent certains socialistes.
 
A deux reprises, dimanche et lundi, les libéraux ont été incapables de dire s'ils pouvaient s'inscrire dans l'équilibre proposé par la cinquième épure du formateur; ils ont continué à faire monter les enchères et n'ont pas mesuré la gravité du moment; il fallait dès lors se préparer à toute éventualité, ajoutent-ils.
 
De source libérale, d'aucuns s'interrogent sur la méthode du formateur. On assure qu'il n'a jamais existé que deux épures écrites. Jeudi, on a amorcé une discussion politique, puis il y a eu la réunion de dimanche. Jeudi, le ton était à la franchise, puis dès le lendemain, il y a eu un peu de flottement, des bilatérales. Et dimanche à 22 heures, cela a rapidement tourné court, il n'y avait plus d'espace de discussion, dit un libéral.
 
La faute au formateur?
Sur le fond, on a l'impression que le formateur n'a pas pris toute la mesure du changement socio-économique demandé par la Flandre. On s'interroge également sur la stratégie de l'Open Vld mais Alexander De Croo veut un accord, assure-t-on dans la famille libérale au sein de laquelle on défend en grande partie les mêmes points de vue lorsqu'il s'agit de défendre les classes moyennes. Cependant, l'Open Vld se trouve aujourd'hui enfermé et la N-VA est de retour dans l'opinion publique flamande.
 
Mais les libéraux, y compris le MR, exigeaient beaucoup et toujours plus, commente-t-on par ailleurs. C'était aux autres de faire des concessions, sans cesse. Ils n'ont pas su saisir le moment du compromis, délicat, sensible et important, ils ont préféré jouer au poker, regrette un socialiste.
 
La confiance a été fortement ébranlée. "Abîmée", disent les uns, "sévèrement entamée", disent les autres. Un réformateur évoque un "sentiment de trahison". Pourtant, même si "aucun scénario n'est à exclure", sauf les élections que personne ne semble envisager, les Six semblent condamnés à reprendre langue et réussir l'accord tant attendu. Chacun devra mettre de l'eau dans son vin, entend-on dans un parti flamand.
 
Le retour d'Elio Di Rupo, formateur démissionnaire, n'est pas non plus à exclure. En tout cas personne ne lui a opposé de veto. Mardi, certains évoquaient un nouveau recours à Johan Vande Lanotte qui a déjà joué le rôle de médiateur. "Spéculation", a réagi le sénateur sp.a. "Quand cela va très mal, mon nom revient à l'avant plan. C'est que cela va très mal", a-t-il ironisé. (belga)