La presse en deuil: Charlie Hebdo plus vivant que jamais
Au lendemain de l'attaque contre la rédaction du journal satirique Charlie Hebdo à Paris, qui a coûté la vie à au moins douze personnes, les quotidiens francophones rendent un vibrant hommage à leurs confrères touchés de plein coeur par cet événement tragique, auquel ils ont tous accordé une large partie de leurs éditions. Les éditorialistes défendent avec vigueur la liberté d'expression, qui est indispensable dans un monde démocratique, et affirment que Charlie Hebdo n'est pas mort ce 7 janvier 2015, comme l'ont affirmé les auteurs de l'attaque.
"La terreur s'attaque aux idées, aux mots, aux images, à ceux qui les véhiculent, les initient, les moquent. A une institution du paysage médiatique francophone. A un pilier de la démocratie, une presse libre", écrit Joan Condijts, rédacteur en chef de L'Echo. Le quotidien économique titre "Tous des Charlie" sur fond noir, au centre de sa une, et reproduit 17 unes de Charlie Hebdo.
La formule "Je suis Charlie" est, quant à elle, reprise dans de nombreux journaux, qui la modifient parfois quelque peu en écrivant "Nous sommes tous Charlie", à l'image de La Dernière Heure, dont la une reproduit un dessin de Dubus représentant un crayon à la base ensanglantée et dont le sommet se transforme en bras d'honneur.
"Une attaque aussi importante que le 11 septembre"
"Nous sommes tous Charlie" est également affiché, cette fois en première page, de La Libre Belgique, dont l'éditorialiste et rédacteur en chef Francis Van de Woestyne estime que "cette attaque est, dans son impact, sa violence, aussi importante que celle qui a frappé New York le 11 septembre 2001. Demain, dans huit jours, dans un mois, d'autres terroristes frapperont. Au nom d'un dieu, d'un prophète dont ils tordent le message".
Le rédacteur en chef de Sudpresse Michel Marteau évoque également cette date tristement célèbre et qualifie ce 7 janvier 2015, "qui a vu nos consciences basculer dans la peur", comme le "11 septembre de la pensée libre".
"Morts de rire"
Le Soir, quant à lui, titre "Morts de rire" avec un dessin de Pierre Kroll représentant le viseur d'une arme à feu dans laquelle l'on voit des caricaturistes de Charlie Hebdo lutter avec leurs seuls crayons face aux balles de leurs assaillants, tandis que d'autres dessinateurs du journal satirique gisent au sol.
Béatrice Delvaux, éditorialiste en chef du Soir, y évoque "une chape de plomb qu'on vient de plaquer sur notre liberté d'expression". "Notre liberté à nous, caricaturistes et journalistes, mais pas seulement. C'est la liberté de tous les démocrates qui est menacée par la vengeance meurtrière de quelques barbares qui ne peuvent supporter qu'on pense autrement qu'eux", poursuit-elle.
"Aucune croyance, fût-elle érigée en religion, ne peut museler la parole qui la remettrait en cause. (...) Même considéré comme divins par d'aucuns, nul texte ne peut justifier la barbarie dont Paris fut le théâtre mercredi. (...) Il y aura toujours des hommes pour défendre la justice, soutenir l'intelligence et préserver la lumière", affirme encore Joan Condijts.
"Comment éviter que l'attentat ne libère les haines et les anathèmes, souvent déjà tout juste réprimés, et transforme les sociétés européennes en terres d'affrontement et de rejet à ciel ouvert? ", s'interroge Béatrice Delvaux. Des questions que se pose également Thierry Dupiereux, dans L'Avenir, qui se demande "comment rester démocrate et intelligent dans sa révolte" et "répondre à l'infâme sans alimenter celui-ci".
Même réflexion pour Francis Van de Woestyne, selon qui "partir en guerre servirait finalement le dessein des auteurs de l'attentat: la haine ne peut être la réponse à la haine".
"Même un genou en terre", "continuer à l'ouvrir", à s'exprimer, à lutter et résister face aux extrémismes, voilà une réponse à ces interrogations partagée par toute la presse francophone. "Restons solidaires, montrons leur que nous sommes encore debout. Et pour toujours", plaide Ralph Vankrinkelveldt, rédacteur en chef de La Dernière Heure.
"D'autres (voix) s'élèveront, devront s'élever, plus fortes, plus puissantes. (...) Honte à ceux qui ont tenté de porter un coup à la liberté d'expression. Non seulement, ils ont souillé le principe même d'humanité, mais en plus, ils ont lamentablement échoué dans leur entreprise", renchérit Thierry Dupiereux. L'Avenir, dont la première page, entièrement en noir et blanc, représente la une de Charlie Hebdo constituée d'un cadre noir dessiné au feutre, entend ainsi mettre en avant le devoir de résistance. "Résistance face aux pressions, d'où qu'elles viennent, même lorsqu'elles prennent la forme de menaces et violences. Ne pas être animé par cette volonté, aujourd'hui, serait tout bonnement une insulte à ceux qui, hier, ont été lâchement exécutés."
Metro et tous les autres médias belges francophones, réunis au sein de la communauté Médias d'information, partagent le même discours, estimant que l'honneur de la communauté des éditeurs est notamment de "déclarer qu'elle ne cédera jamais aux menaces et aux intimidations".
Un avis que rejoint Sudpresse, selon qui "le massacre de Charlie Hebdo prend valeur de symbole, mais aussi d'ultime sonnette d'alarme pour la démocratie. Pour nous, un choix très simple: combattre ou capituler".
Libé: "Nous ne sommes pas des soldats"
Le directeur de Libé commence son éditorial par un "Ils ont tué Cabu !", "ils ont tué Wolin, Charb, Tignous, Bernard Maris et les autres !" comme le "Ils ont tué Jaurès" de l'été 1914. "Nous ne sommes pas des soldats. Mais nous défendrons notre savoir-faire et notre vocation : aider le lecteur à se sentir citoyen. Ce n'est pas grand-chose mais c'est quelque chose. Avec une certitude mieux ancrée : maintenant, nous savons pourquoi nous faisons ce métier", martèle Laurent Joffrin.
"La liberté assassinée"
"La liberté assassinée", clame Le Figaro qui publie les photos de six des victimes : les dessinateurs Cabu, Charb, Honoré, Tignous, Wolinski et le chroniqueur Bernard Maris. Dans un éditorial intitulé "La guerre", le directeur Alexis Brézet annonce "une vraie guerre, menée non par des assassins de l'ombre, des tueurs méthodiques et organisés, dont la tranquille sauvagerie glace le sang". "C'est la liberté qu'on assassine", renchérit L'Humanité. Pour Patrick Le Hyaric, "dans ces heures tragiques, dans un contexte où les tensions ne cessent de monter, la République une et indivisible, tolérante, laïque et sociale, doit plus que jamais s'affirmer. Elle doit résister et faire front contre ces lâches et ces barbares".
"Des salauds cagoulés"
Le quotidien économique Les Echos appelle lui aussi à faire "Face à la barbarie" et publie le dernier dessin de Charb ainsi qu'un communiqué des éditeurs de presse "sous le choc après l'attentat d'une lâcheté et d'une gravité extrêmes". L'éditorialiste Nicolas Barré s'en prend à "des salauds cagoulés (qui) ont déclaré la guerre à la France, à notre démocratie, à nos valeurs". "Barbarie" sur fond noir est le titre également choisi par 20 Minutes.
La Croix évoque "La France meurtrie" avec un dessin de Deligne représentant un encrier renversé sur la liberté d'expression représentée sous forme d'une bulle de BD. La directrice du journal catholique, Dominique Quinio, affirme que "les journalistes n'ont pas un statut d'exception devant la mort, mais s'attaquer aux médias, à la liberté d'informer (fût-ce de caricaturer), c'est refuser une société de débat, d'insolence et de pluralisme, c'est s'attaquer aux fondements de la démocratie".
Le Parisien/Aujourd'hui en France assure pour sa part qu'"Ils ne tueront pas la liberté" avec en photo de Une des manifestants brandissant les affichettes "Je suis Charlie". "Nos seules armes face à la sauvagerie, c'est de redire, ensemble et clairement, que nous ne laisserons jamais assassiner notre liberté et nos valeurs", écrit le directeur du journal, Thierry Borsa. Dans la presse économique, L'Opinion évoque "Charlie Hebdo : l'état de choc".
Même L'Equipe rend hommage à Charlie Hebdo
Même le quotidien sportif L'Equipe fait part de son effroi : "Liberté-barbarie 0-12", titre-t-il dans un dessin qui occupe toute sa Une. En région, Ouest-France dénonce "Un crime contre notre liberté". Un dessin de Chaunu dans le quotidien breton rend hommage à ses confrères représentés en suppliciés ligotés à des crayons.
Pour François Régis Hutin, patron du journal breton, "l'abominable attentat qui nous meurtrit tous atteint, à travers les journalistes visés, tous ceux qui se veulent libres". "Assassinés" écrit Le Télégramme. NON dit simplement Sud-Ouest. Pour Le Maine libre, "On a voulu tuer la liberté". Un bandeau noir recouvre le titre de La Dépêche du midi, comme celui de la République des Pyrénées.
Le Havre libre s'est rebaptisé "Charlie libre". Paris Normandie est devenu "Charlie Normandie". Autre dessin à la Une des Dernières Nouvelles d'Alsace : un buste de Marianne et un crayon criblés de balles baignent dans une mare de sang. Le Courrier picard et Presse Océan, enfin, se risquent à l'humour noir dans le plus pur style du journal satirique : "Balles tragiques à Charlie Hebdo : 12 morts". Référence ultime à la fameuse Une de Hara Kiri sur la mort du général De Gaulle en novembre 1970 : "Bal tragique à Colombey : un mort", qui avait valu son interdiction au journal et sa renaissance sous le nom de Charlie Hebdo.
En Angleterre aussi
Dans la presse britannique, le Daily Mail et le Daily Telegraph titrent tous les deux en une "La guerre contre la liberté", avec une photo de l'attentat montrant deux agresseurs pointant leurs armes contre un policier gisant sur le sol.
Dans la même veine, le Times titre en une "Attaque contre la liberté" et le Guardian "Assaut contre la démocratie". Ce dernier relève dans son éditorial que les journalistes de Charlie Hebdo, qui se sont toujours moqués du christianisme, "n'ont jamais vu de raison particulière de montrer plus de déférence vis-à-vis d'autres religions".
En Allemagne
"L'attaque contre les journalistes de Charlie Hebdo cible le coeur de la démocratie - la liberté de la presse", écrit sur son site internet le quotidien conservateur allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ), estimant que, dans la lutte contre le terrorisme, "il ne faut pas reculer". "Oui, d'une certaine façon, c'est un combat de civilisations", affirme encore le journal, qui appelle toutefois à "garder la tête froide".
"Nous ne devons pas nous laisser réduire au silence par le massacre perpétré à Charlie Hebdo", estime sur son site le Tagespiegel.
"Ich Bin Charlie"
"Je suis (ich bin) Charlie !", clame sur son site internet le Tageszeitung (gauche). "Le but des terroristes est toujours de répandre la peur et l'effroi. Avec l'attaque de mercredi, la peur s'est désormais installée dans les rédactions", estime le quotidien.
Au Portugal
"L'Europe n'a pas peur", titre de son côté l'édition en ligne du grand hebdomadaire portugais Expresso, soulignant que des milliers d'Européens sont descendus dans la rue "pour la liberté d'expression, contre la barbarie du terrorisme".
"Il ne faut pas céder au chantage répugnant de la terreur. Et transformer leur haine en défaite", écrit le journal de référence Publico dans un éditorial intitulé "Combattre la haine, défendre la liberté".
En Espagne
En Espagne, un éditorial publié sur le site internet de la radio Cadena Ser énonce que "les caricatures ne sont coupables de rien, ni les blagues, ni le dernier livre de (l'écrivain français Michel) Houellebecq qui pronostique une France islamiste en 2022. Non, ne nous trompons pas de remède: la solution n'est pas de mutiler les libertés, mais de combattre le fanatisme, la haine irrationnelle, l'obscurantisme et l'ignorance".
Au Danemark
Le journal danois Berlingske affiche en une un dessin représentant une feuille de papier blanche sur laquelle "Charlie Hebdo" est écrit en noir, entouré des impacts de 12 balles, en référence aux 12 morts.
En-dessous, un texte affirme que "la démocratie et la liberté d'expression ne doivent pas et ne devraient pas être étouffées".
"Toutefois, il est évident que pour beaucoup la conclusion évidente sera de garder profil bas, de se couvrir et d'éviter de provoquer de fortes émotions. Mais nous ne devrions pas nous cacher, parce qu'alors nous céderions à une culture de menaces inacceptable", poursuit le journal.
En Pologne
"Le prophète vengé dans le sang", titre le quotidien conservateur polonais Rzeczpospolita, expliquant que "l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo est tombé victime de la guerre déclarée à la France par les islamistes".
Le journal internet Gazeta.pl, du groupe du premier quotidien polonais Gazeta Wyborcza (centre gauche), publie 13 "couvertures les plus frappantes de Charlie Hebdo" - dont plusieurs visant le pape, avec ce commentaire: "Ils n'épargnaient personne, rien n'était sacré pour eux."
L'organisation de défense de la liberté de la presse, basée en France, Reporters sans frontières, avait lancé dans un communiqué mercredi "un appel international à tous les directeurs de médias pour qu'ils publient dès demain (jeudi) les dessins du magazine endeuillé".
Charlie Hebdo n'est pas mort. Il n'a jamais été aussi vivant.
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