“Les douleurs intenables pendant les règles ne sont pas normales”: comment savoir si l’on souffre d’endométriose?
Être réglée est une chose naturelle. Souffrir pendant sa période de règles ne l’est pas forcément. En moyenne, une femme sur dix en âge d’être mère, est atteinte d’endométriose. Cependant, il se passe généralement cinq ans avant que le diagnostic soit posé. À l’approche de l’EndoMarch, marche mondiale pour l’endométriose, qui se tiendra ce 28 mars, le docteur Pierre-Arnaud Godin, directeur et fondateur du Centre Liégeois de l’Endométriose, nous éclaire sur les signes qui doivent nous alerter et nous pousser à consulter.
Awatef DourheriDernière mise à jour:23-03-20, 09:25
L’endométriose est une maladie gynécologique qui touche une femme sur dix en âge de procréer, mais qui reste malheureusement méconnue. La lumière se fait petit à petit sur cette pathologie complexe grâce aux précieux témoignages de célébrités comme ceux de la chanteuse Lorie, de la chroniqueuse Enora Malagré ou encore de la comédienne Laetitia Milot. Des femmes qui brisent les tabous qui entourent l’endométriose, une maladie qui touche à l’intimité. Mais la sensibilisation et la diffusion d'information restent à faire.
C’est l’objectif que vise le Centre Liégeois de l’Endométriose. Son fondateur et directeur, le Dr Pierre-Arnaud Godin nous éclaire sur cette maladie complexe. Pour comprendre ce qu’est l’endométriose, il faut dans un premier temps savoir ce qu’est l’endomètre. Il s’agit de la muqueuse interne de l’utérus, qui s’épaissit de plus en plus au fil du cycle de la femme. Cet endomètre est ensuite éliminé en fin de cycle si aucun embryon ne s’y est implanté, constituant ainsi les règles.
“Concrètement, l’endométriose est une maladie provoquée par une implantation en dehors de l’utérus d’un tissu qui normalement doit être à l’intérieur de l’utérus”, explique notre spécialiste. Ce tissu va alors souvent s’implanter dans la cavité abdominale “Quand on est réglée, une partie du sang n’est pas éliminé par le vagin, mais remonte par les trompes et vient s’accrocher dans le ventre. Cela va créer une irritation.”
Les symptômes? Douleurs et infertilité
Il y a deux symptômes principaux. “Ce sont donc des douleurs principalement, en tout cas au début, en période de règles. L’endomètre est un tissu hormono-sensible. Donc quand on saigne par son vagin, on saigne également par ces lésions d’endométriose à l’intérieur du ventre”, détaille Dr Pierre-Arnaud Godin. Pour se défendre, l’organisme va alors provoquer à une réaction inflammatoire et donc des douleurs, mais aussi l’autre symptôme qui est l’infertilité.
En effet, le corps, pour se défendre, va essayer d’isoler le tissu dans le ventre, mais empêche par la même occasion la trompe de jouer son rôle, à savoir celui d’aspirer l’ovocyte et de provoquer la rencontre avec le spermatozoïde.
En ce qui concerne les douleurs, celles-ci peuvent varier en fonction de l’organe qui est atteint. S’il y a de l’endométriose qui atteint, via la cavité abdominale par exemple, la vessie, il va y avoir une symptomatologie type cystite, chaque fois en période de règles.
La douleur peut être comparée à un coup de poignard dans l’anus.
Dr Pierre-Arnaud Godin, Centre Liégeois de l’Endométriose
Si la lésion d’endométriose se met dans le cul-de-sac de Douglas (au niveau de la face antérieure du rectum), à chaque fois que les patientes iront à selle en période de règles elles auront des douleurs. “Un peu comme si elles avaient un coup de poignard dans l’anus.”
La fonction sexuelle est très perturbée également. “L’endométriose peut aussi se mettre au sommet du vagin. Et donc à chaque fois qu’on aura un rapport avec une pénétration profonde, on va toucher cette lésion d’endométriose et ça va donner des douleurs.”
Cinq ans en moyenne pour poser le diagnostic
Il se passe généralement cinq ans avant que le diagnostic de l’endométriose soit posé. Cela s’explique par le fait que les symptômes de l’endométriose sont souvent une exagération de symptômes normaux.
“C’est normal d’avoir des douleurs pendant les règles, mais ce n’est pas le cas d’avoir des douleurs anormalement importantes. C’est ça qui fait un peu la difficulté de cette maladie. Une jeune fille quand elle va parler de ses maux à sa maman va dire: ‘j’ai mal’. Sa maman va probablement lui dire que c’est normal. Le seuil entre ‘j’ai mal pendant les règles’ et ‘j’ai anormalement mal pendant les règles’ est très complexe.”
C’est normal d’avoir des douleurs pendant les règles, mais pas d’avoir des douleurs intenables.
Dr Pierre-Arnaud Godin, Centre Liégeois de l’Endométriose
Les signes qui ne trompent pas
1 - Évaluer le degré de douleur
Le Centre Liégeois de l’Endométriose travaille avec une échelle d’évaluation des douleurs. “Dès que le niveau des douleurs pendant les règles approchent d’un niveau 7 ou 8 (partant du principe que 0 correspond à “aucune douleur” et 10 à des douleurs intenables), il faut consulter car ce n’est pas normal”, alerte le docteur. “Cela veut dire qu’il y a très probablement de l’endométriose.”
2 - Douleurs de point d’appel
“Pendant les règles, si elles souffrent de douleurs lorsqu’elles vont à selle, ce n’est pas normal. C’est sûr. Il y a 100% de chance qu’elles ont de l’endométriose. Même chose, si elles ont des douleurs pendant les rapports sexuels.”
3 - La répercussion des douleurs sur la vie
Personne ne connaît mieux votre corps que vous. “Les femmes sont les seules à savoir si le niveau de douleur qu’elles ont est anormal.” Si cela devient handicapant, il est important de consulter. “Si les règles ne sont pas supportables et ne rendent pas la vie de tous les jours possible, ça veut dire qu’il y a quelque chose qui ne va pas forcément.”
Si vous constatez ces douleurs, consultez votre gynécologue. Si vous ne vous sentez pas assez écoutée par votre médecin, rendez-vous dans un centre de référence. “Il faut alerter le spécialiste qui vous reçoit! Il ne faut pas dire ‘j’ai mal pendant mes règles’, mais ‘j’ai anormalement mal pendant mes règles’. Il est important de souligner le degré de douleur pour être bien prise en charge”, insiste Dr Pierre-Arnaud Godin.
Peut-on en guérir?
Bien que l’endométriose ne soit pas une pathologie maligne, une fois installée et sans traitement, elle continuera à évoluer, de nouvelles lésions se formant, aggravant progressivement les plaintes.
On prescrira des médicaments non hormonaux pour agir sur les douleurs et l’inflammation générés par la maladie. Ce sont donc des traitements symptomatiques, et non curatifs. Si l’endométriose est légère, la pilule contraceptive (œstroprogestative) pourra éventuellement permettre d’éviter une chirurgie, qui sera quant à elle envisagée dans le cas d'une prise en charge de symptômes récidivant malgré les traitements hormonaux.
“Souvent quand on a enlevé les lésions d’endométriose, il persiste quand même des douleurs sous différentes formes. Ceci peut être dû au fait que le niveau de sensibilité des nerfs qui innervent le ventre est augmenté et donc, des douleurs qui pourraient être normales sont ressenties de manière anormalement importantes. Et puis, au niveau psychologique, c’est complexe aussi. Ces dames qui ont eu des rapports sexuels douloureux pendant des années peuvent continuer à souffrir après la chirurgie et ce, car le corps a associé pénétration à douleurs et non, pénétration à plaisir”, explique le spécialiste. C’est pourquoi une prise en charge psycho-sexologique est essentielle.
Comment soulager les douleurs?
Pour apaiser ces douleurs persistantes après un traitement, le Dr Pierre-Arnaud Godin met en avant l’appareil médical Livia, apparu il y a peu sur le marché. Cet outil soulage instantanément et aussi longtemps que nécessaire les douleurs liées aux cycles menstruels, dont les douleurs liées à l’endométriose, et ce grâce à l’électrostimulation. Par le biais d’électrodes placées sur la peau au niveau de la zone du bas ventre, le boîtier envoie des impulsions électriques (dont on règle l’intensité) vers les nerfs périphériques qui, ainsi “occupés”, sont dès lors incapables de transmettre le message de la douleur vers le cerveau.
“Le Livia va être un complément important, puisqu’il va permettre de diminuer la quantité de médicaments que la patiente devra prendre. C’est un outil supplémentaire. Le dispositif en tant que tel ne va pas traiter l’endométriose, mais il va permettre de faire baisser le seuil de douleur chez une patiente qui a été opérée ou pas, et va lui permettre de rendre la douleur tolérable. C’est un appareil qui va permet de vivre mieux avec sa maladie.”