Ils vivent dans un immeuble de 45 étages, sans eau, sans électricité et sans fenêtre: “Ils devraient nous servir d’exemple”
InterviewCette construction impressionnante en plein cœur de Caracas aurait dû être l’emblème de l’économie florissante du Venezuela. Haute de 52 étages, la Tour de David aurait dû abriter une banque et avoir un héliport sur son toit. David Brillembourg, son principal investisseur, est mort prématurément en 1993 et les rêves de grandeur ont pris fin brutalement au Venezuela. Le pays est aux prises avec une inflation abominable. Depuis des années, tout augmente, sauf le salaire des gens. Beaucoup ont fui le pays, son insécurité et l’impossibilité totale de se projeter dans l’avenir. D’autres ont tiré leur plan comme ils ont pu. La Tour de David est devenue un squat organisé: 3.800 personnes y vivent dans des appartements insalubres, sans eau ni électricité, avec des baies vitrées ouvertes sur le vide. Les habitants de la Tour de David ont développé une économie qui leur est propre. Chacun met son talent, ses capacités, à disposition des autres.
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Quand Anne Plichota a découvert l’existence de cet incroyable squat dans la série “Homeland”, son sang n’a fait qu’un tour. “J’ai ressenti une émotion physique comme on peut avoir un coup de cœur pour quelqu’un. Cet endroit m’a appelée.” C’est là qu’avec sa comparse Cendrine Wolf, elles ont situé l’intrigue du roman “Le rêve d’un autre monde”. Le tome 1 baptisé “La Tour de l’espoir” vient de sortir.
Il faut faire quelque chose de beau de ce qui moche ou laid. Même la colère peut donner de l’élan.
Survivre dans un monde en crise
Quatre adolescents partagent un appartement avec une petite fille et une grand-mère. Leur quotidien est infernal mais ils trouvent malgré tout le temps de rire et d’aimer. Mais l’endroit où ils vivent attirent bien des convoitises. Il y a toujours plus pauvres que soi, même parmi les plus pauvres. En même temps, au pied de la dune du Pyla, en France, le feu ravage les pinèdes et les habitations. Fany et Shaun assistent, impuissants, à la disparition de leur vie jusqu’ici confortable. D’un bout à l’autre de la terre, il s’agit désormais de survivre dans un monde en crise. “Le rêve d’un autre monde” s’adresse aux adolescents à partir de 13, 14 ans... et à leurs parents également.
Les auteurs de la saga “Oksa Pollock” signent un récit prenant, qui fait écho à tout ce qu’on vit aujourd’hui. “Les gens qui vivent dans la Tour de David ont créé une communauté, un petit monde”, nous explique Anne Plichota. “Ce ne sont pas des squatteurs mais des gens qui bossent dur: des fonctionnaires, des femmes de ménage, des policiers. Ils en ont fait quelque chose qui force l’admiration et qui est un exemple pour nous. Le Venezuela est en train de crever dans l’indifférence totale. Ils sont là, dans une des villes les plus dangereuses du monde. Et ils ont réussi à en faire quelque chose de solide.”
La fracture entre les riches et les pauvres: comment a-t-on pu en arriver là?
L’histoire se déroule dans un monde post-pandémie de coronavirus. “On s’est projetées à demain, après-demain. Tout ce qu’il y a dans le roman est déjà amorcé. On a tendance à l’oublier, parce qu’on a des priorités sanitaires. Mais le climat continue de se dégrader, l’économie aussi. On est sur un socle qui s’effrite, qui lâche. Avec Cendrine, c’est vrai qu’on est branchées collapsologie, ces dernières années. On se dit que c’est la fin d’un monde, d’une société, d’une civilisation. L’histoire de l’humanité a toujours fonctionné comme ça: on s’effondre et on se relève. On est en pleine descente, c’est inévitable.”
Dans le roman, tandis que les habitants de la Tour de David ne mangent pas à leur faim et qu’une terrible inondation menace, les riches, eux, se préoccupent de la bonne santé de leurs rosiers. Les auteures s’interrogent sur la fracture entre les personnes financièrement aisées et les pauvres. “Comment a-t-on pu en arriver là?” Anne détaille: “À Caracas, certains ont une piscine alors que la plupart des habitants de Caracas, s’ils ont de l’eau qui sort des robinets, c’est un jour de chance.”
“Ce livre veut mettre le doigt sur nos outrances, nos excès. Ce sont eux qui nous mènent à notre perte. On se sabote nous-mêmes: on sait ce qui ne va pas et pourquoi et on continue pourtant à aller dans le même sens. Après 2008, on pensait qu’on avait compris des choses mais non, pas trop. À un moment, il va bien falloir reconsidérer les choses. Et c’est aux citoyens de le faire, les institutions semblent aveugles et sourdes aux problèmes du monde.”
Si ce premier tome est assez sombre, Anne promet de la lumière au bout du tunnel dans le prochain. Ce qui les sauvera? “La solidarité. On ne s’en sort pas tout seul dans la vie en général. Il ne faut pas avoir honte d’avoir besoin des autres. Ce n’est pas une faiblesse. L’espoir, c’est de rester rassemblés avec les gens qu’on aime. L’espoir, c’est de continuer de s’émerveiller, avec une espèce de candeur qui peut paraître incongrue au milieu du chaos, et puis d’aimer. C’est aussi ça, la vie: ce sont des choses légères. Tout est lourd aujourd’hui. Il faut faire quelque chose de beau de ce qui moche ou laid. Même la colère peut donner de l’élan.”
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